Quand l’œuvre interprète l’œuvre

Peter Downsbrough multimédia

Publié in cat., Position. Peter Downsbrough, Bruxelles, Palais des beaux-arts, 2003, p. 138-160. — « When the work(s) inerpret(s) the work(s) », trad. en anglais par Charles Penwarden, in cat. Position. Peter Downsbrough (version anglaise), Bruxelles, Palais des beaux-arts, 2003, p. 138-160.

Two Pipes

Lorsque nous pûmes voir les réalisations de Peter Downsbrough, en France, c’était au début des années 1980, à Dijon, Paris ou Chalon-sur-Saône[1]. La perception que nous avions de son œuvre demeurait limitée, comme le démontre ce que j’écrivais alors, dans le catalogue d’une exposition[2] où nous le fîmes côtoyer Daniel Buren, Sol LeWitt, François Morellet, Claude Rutault, Fred Sandback et Niele Toroni. Les développements qui ont suivi depuis plus de vingt ans n’existaient pas, et pour cause ! et ma lecture oscillait entre la fascination qu’exerçaient sur nous les imparables Two Pipes, installées ici ou là, et l’attrait non moindre des petits livres que je collectionnais allègrement avec ceux de Lawrence Weiner, Douglas Huebler, Robert Barry, Giovanni Anselmo ou LeWitt. Les Two Pipes, avec les fils tendus de Sandback, brillaient par leur simplicité sur l’horizon post-minimaliste de l’installation. Il n’y avait plus de fétichisme du matériau comme c’était encore le cas dans un rectangle au sol de Carl Andre ou de Richard Long. Le sculpteur radical pouvait arriver mains dans les poches, un tour à la quincaillerie du coin pour acquérir des tourillons de bois (de type manche à balais !) ou des tubes métalliques comblait ses besoins. Nous applaudissions de plus à la répétition de la mise en place des Two Pipes qui échappaient ainsi aux signes extérieurs de l’art (la nouveauté, l’invention renouvelée) et nous n’étions pas loin de ranger de la sorte Downsbrough, aux côtés d’un Toroni. Bref, à la suite de mes amis du Coin du miroir qui me l’avaient fait découvrir, je trouvais la proposition carrément géniale.

« Peter Downsbrough n’a recours à aucun tracé régulateur. Il compose ses sculptures à l’œil. Le lieu d’installation peut être aussi bien intérieur qu’extérieur. Les localisations de deux verticales inégales, différemment positionnées entre elles et dans l’espace se retrouvent depuis 1972 dans de petits livres où l’espace d’accueil est celui de la page. Cette répétition de deux verticales se fait de façon très variée. Dans les quarante situations photographiées dans un petit livre de 1974, un des deux tuyaux reste identique tandis que le second varie. De même, on ne retrouve jamais le même placement dans la vision photographique qui en est donnée. Dans d’autres livres, les verticales imprimées alternent irrégulièrement avec des propositions linguistiques (prépositions, adverbes de lieu, verbes…) Le caractère général de ces propositions (hand, here, locate, out…) met le lecteur en position d’interprète. Une tension se crée ainsi entre d’une part la vérification concrète, visuelle et publique de l’emplacement, de la position relative des lignes et de leur présence ou de leur absence (certaines pages sont blanches), et d’autre part l’espace solipsiste des propositions linguistiques. Par bien des côtés, on est en face d’une investigation analytique du lieu de la sculpture : les deux parallèles resserrant l’espace, indiquant la position, l’emplacement de la sculpture (son implantation), mais aussi la direction de son développement (la verticale). (Alors que Carl Andre, lui, indique plutôt son emprise au sol.) Ce souci de pointer (de piqueter ?) un espace vertical transparaît cependant beaucoup moins dans les photographies du même artiste. »

Une telle lecture transposait à la sculpture l’analyse des éléments non mimétiques du signe iconique que Meyer Schapiro[3] avait avancé pour la peinture : commodes illustrations, les Pipes de Downsbrough manifestaient deux caractéristiques du « champ » de la sculpture : l’implantation, et la verticalité. La lecture était assez académique, et maints aspects des livres me restaient sur les bras !

Il se trouve qu’outre les faits d’arme précédemment cités, Downsbrough a également inclus des mots dans ses installations, créé des dés, réalisé des photographies, des vidéos et des films 16 mm, des cartes postales, un disque et des audio-cassettes, œuvré pour l’espace public, conçu et fabriqué de nombreuses maquettes, est intervenu dans des journaux ou magazines… L’analyse est à reprendre et à élargir considérablement. La question que se pose désormais le critique est de formuler l’idée générale d’un tel œuvre, de rechercher le paradigme qui le sous-tend, de décrire par quelles opérations de traduction on passe d’une forme de manifestation à l’autre, de définir les fonctions respectives de ces formes dans l’économie générale de l’œuvre ainsi que les relations qu’elles peuvent avoir entre elles (équivalence, complémentarité, écho, relais, commentaire, illustration, etc.)

Books by artist

Commençons par les petits livres. Ils suscitent à eux seuls toute une typologie. Ils appartiennent au genre des petites publications d’artiste, réalisées en offset, sans limitation de tirage, a contrario du livre d’art numéroté et signé, tiré sur du beau papier, avec gravures originales et tutti quanti, qu’affectionnait la génération moderne qui précéda. Ces petits livres sont liés à l’épopée de l’art conceptuel (au sens large du terme), ils fleurirent nombreux dans les années 1970, et ceux de notre artiste figurèrent souvent dans les expositions consacrées à ce médium, aux U.S.A. ou en Europe[4]. C’est ainsi que dans l’exposition Les Livres d’artistes, une sélection, organisée par Bernard Marcellis au Palais des beaux-arts de Bruxelles (12 mai-15 juin 1978), qui réunit à l’occasion environs 250 auteurs, Downsbrough, représenté par 16 livres, appartenait à une sélection de tête de 12 artistes. Sa fréquentation d’artistes comme Lawrence Weiner fut sans doute pour beaucoup dans son attachement à ce médium.

Les deux premiers qu’il publia en 1972 et 1973, Notes on location i et ii[5], reproduisent des dessins et des annotations tracés à la main, et cet aspect disparaîtra par la suite au profit d’une typographie et d’un graphisme neutre. Les lignes y sont dotées de flèches, et les parallèles y sont vectorisées, le plus souvent en sens contraire. Les flèches indiquent des mouvements verticaux ou horizontaux, et des substantifs (place, zone, location, inside, outside, line, arrive, depart, exterior, interior, motion), des épithètes (static, vertical, horizontal), des verbes (locate), des adverbes (where, there, here, now, up, down) ou des propositions (on, to) y marquent le terminus a quo ou ad quem du parcours auquel le regard du lecteur est invité. De tous ces mots, une même isotopie se dégage : celle de la spatialité. Leur fonction autoréférentielle est évidente : here, écrit quelque part dans la page, signifie « ici », mais en même temps indique l’emplacement où le mot se trouve lui-même. Cependant, cette fonction, qui pourrait faire passer ces petits livres pour des recueils de « propositions » conceptuelles, n’est pas seule en jeu. La tension entre la position des mots et leur signification s’ajoute à l’effet tautologique. De plus l’acte de lecture perd de sa transparence et le regard est pris au piège des dispositions graphiques et typographiques. Au-delà de son aspect conceptuel (sémantique), au-delà de sa duplicité sémiotique entre dénotation et autoréférence, l’œuvre suppose toute une pragmatique de la lecture :

« L’attrait : page, pages —
tourner la page —
lire recto/verso, verso/recto
pour localiser et focaliser —
pages et manipulation —
écrire, lire et contenir, là
dans l’espace d’une page —
ici/là, une page —
l’une après l’autre ou
l’une avant l’autre —
lire — page, pages,
un livre[6]. »

Les dix-sept livres qui vont suivre jusqu’en 1978 obéissent à la même morale artistique que les Pipes, une morale puritaine, économe des moyens employés, restreignant les formats, disposant les signes avec parcimonie, évitant la séduction de la couleur, sans obliques ni effets de superposition graphique ; le lexique en est limité et la syntaxe des plus sobres. (Il faut attendre 1978 pour voir les caractères sans serif s’empâter.) De cette série de 17 livres, il est possible de dresser la typologie[7].

A. Petit livre, dos carré collé, sur papier quadrillé bleu :
— mélanges de pages avec couples de lignes parallèles décalées, et de pages vierges :
3. Two Lines. Six Sections, Paris, Galerie 9, 8 rue Dareau, 1973 (72 p., 10,4 x 15,4 cm) ;
— idem, mais couples de lignes parallèles décalées ou dissociées :
4. Two Lines. Five Sections, New York, Jack Wendler, 1974 (88 p., 10,7 x 15,7 cm) ;
— idem, mais couples de lignes parallèles, jumelées ou dissociées ; couverture grise :
6. Two Lines. Five Sections, Milan, Franco Toselli, 1975 (32 p., 11 x 16 cm).

B. Idem, sur papier blanc :
— pages avec couples de lignes parallèles jumelées :
8. Two Lines, Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 1975 (16 p., 12,9 x 18,9 cm) ;
— idem, mais couples de lignes parallèles jumelées ou dissociées :
10. Two Lines. Two Lines, Amsterdam, Western Market Art Press, 1976 (72 p., 10,6 x 16,5 cm) ;

 C. Idem, avec annotations :
— mélanges de pages avec couples de lignes parallèles jumelées, de pages vierges, et de pages avec annotations :
7. In Front, Gand, Jan Vercruysse, 1975. (68 p., 11,5 x 17 cm, couverture avec photographie de Two Pipes) ;
9. In/Out, Adelina von Fürstenberg, Genève, 1976 (32 p., 11,4 x 16,9 cm) ;
— couples de lignes parallèles horizontales courant en haut ou en bas de page, couverture avec photographie :
18. Around, New York, éd. par l’artiste, 1978 (48 p., 11,4 x 17,7 cm).

D. Idem, avec photographies à l’intérieur :
— recueil de photographies pleine page des Two Pipes installées en extérieur, couverture grise :
5. Two Pipes. Fourteen Locations, New York, Norman Fisher, 1974 (80 p., 12 x 16,9 cm) ;
— mélanges de pages avec couples de lignes parallèles jumelées ou dissociées, pages avec annotations et trois photographies des Two Pipes en extérieur, division en 3 parties :
11. Beside, Michael Hobbs, Sydney, 1976. (36 p., 11,5 x 16,9 cm) ;
— mélanges de pages avec photographies de rues, et pages avec texte :
16. in Place, New York, éd. par l’artiste, 1977 (36 p., 11,4 x 17,4 cm) ;
— idem, mais photographies de Pipes, et pages avec couples de lignes parallèles jumelées :
18. And, Hambourg, Anatol AV und Filmproduktion, 1977 (96 p., 10,8 x 17,5 cm) ;
— idem, mais photographies de rues, pas de texte, couverture gris bleu avec photographie, division en 5 parties :
19. As to place…, New York, éd. par l’artiste, 1978 (56 p., 11,5 x 17,7 cm).

E. Plaquettes de plus grand format, agrafées :
— une page avec « here », une avec photographie de rue, les autres pages avec couples de lignes parallèles jumelées :
12. A place- Düsseldorf, Galerie Maier-Hahn, Düsseldorf, 1977 (20 p., 21 x 29,7 cm) ;
14. A place- New York, Hal Bromm Gallery, New York, 1977 (20 p., 20,7 x 28,7 cm) ;
— idem avec les autres pages blanches :
15. A place-_________, New York, éd. par l’artiste, 1977. (20 p., 21 x 28,5 cm).

F. Plaquette de plus grand format, dos carré collé :
— couples de lignes parallèles jumelées jouant avec un rectangle quadrillé bleu, centré :
13. Off/on, on/off, Van Abbemuseum, Eindhoven, 1977 (52 p., 21 x 27 cm).

Un tel inventaire typologique énumère à peu près, outre le format du livre et le nombre de pages, tous les paramètres mis en jeu — quadrillage, lignes parallèles avec leurs caractéristiques, mots, photographies ou pages blanches —, combinés par deux, trois, quatre ou cinq. Les 19 premiers livres forment un monde à eux seuls, avec son vocabulaire et sa syntaxe. S’ils illustrent parfois le travail du sculpteur, c’est pour l’intégrer dans leur espace propre. (Une photographie d’une sculpture ne remplace pas la sculpture.) À ce titre, ils ne représentent rien d’autre qu’eux-mêmes.

Certes, le couple de lignes parallèles, réitéré dans tous ces ouvrages, est bien l’équivalent graphique des sculptures, comme l’indique le parallèle des titres, Two Lines, Six Sections et Two Pipes, Fourteen Locations, par exemple ; mais la simple répétition du placement des Lines (équivalent de la location des Pipes) se trouve débordée par le texte et la succession des pages. La seule indication d’un resserrement de l’espace, d’une focalisation du regard, laisse place à un jeu plus complexe, où l’espace mental des mots interfère avec l’espace visuel, et la manipulation du livre remplace le déplacement du spectateur.

Sur ce point il faudrait examiner avec soin les différentes formules, selon lesquelles les types de pages se succèdent. Sans que des chapitres soient à proprement parlés indiqués, des signes tiennent lieu d’indicateurs de parties. Les livres du groupe A sont ainsi divisés en cinq ou six sections numérotées et, bien que les pages ne comportent aucun texte, ce simulacre d’une division de l’ouvrage invite à le parcourir dans l’ordre. Dans les livres des autres groupes, des mots dispersés parfois sur plusieurs pages forment des propositions qui annoncent les pages graphiques suivantes. Dans In Front, « a//place [8] », « a //place ////locates », « and /aligns », « here », et « replace /place » scandent ainsi chaque fois une suite de pages avec des parallèles. Dans Around, quatre mots courent plusieurs fois le long de la double ligne horizontale, avec des interversions, puis le texte intègre de nouveaux mots, revient sur des mots déjà écrits, et se déroule comme une ritournelle en sautant entre le bas et le haut des pages :

« … /… /… /… /around /and /about /here /… /… /about /and /around /here /… /…/ here /about /and /around /… /… /… /… /… /and /around /here /about /… /… /… /then /to / here/ with /… /no place /and /… /here /no place /… /… /then to /here /… /turn /locate /… /… /to then /place /there /… /… /and /here /… /… /then to /… /… /return /… /… /… /and /about /here /around /… /… /… /about /here /around /and /… /… /here /around /and /about /… /… /… /… /around /and /about /here /… /… /… »

Si d’un point de vue linguistique le texte a une fonction de relais, il sert aussi de contrepoint graphique aux autres formes qui emplissent la page, lignes ou photographies. Il danse en passant de gauche à droite et de haut en bas, et l’œil ne peut que l’accompagner en sautillant lui aussi.

Ces livres ne sont donc pas seulement des « livres de sculpteur », mais un genre d’œuvre à part entière, à égalité. Downsbrough, sculpteur (post)minimaliste ou graphiste conceptuel ? — indécidable. Dès les années 1970, et sans prendre en compte d’autres formes de manifestations qui apparaissent alors, se dessine l’image d’un œuvre qui ne se laisse rabattre ni sur la discipline de la sculpture, ni sur le genre « conceptuel ». L’attitude est dans la mobilité, le passage, l’opération qui fait passer d’une forme de manifestation à l’autre revenant à traduire, décaler ou relayer.

Jamais un coup de dés

Au début des années 1980, plusieurs manifestations virent apparaître les paires de Dés, tour à tour objets originaux ou multiples, reproduits en photographies ou insérés dans le graphisme de livres, d’affiches ou de cartes postales, jeu avec règle ou proposition sur le marché de l’art, ou tout cela en même temps. La première présentation, fort confidentielle, eut lieu dans l’espace que Claude Rutault avait ouvert, Onze, rue Clavel. René Denizot en avait rédigé l’invitation qui comportait inévitablement une allusion à Mallarmé :

« Le message est publicitaire. Hors de ce cadre, la décision n’appartient pas aux dés. Malgré leur arsenal, la main passe. Elle n’est jamais la même. Le temps qu’elle inaugure nous laisse mal armés. D’un coup le hasard toujours abolira les dés. »

Interrogé dix ans plus tard sur le poète, Downsbrough indiquera la piste suivante :

« J’avais lu un livre sur les dés et il mentionnait que le nom du jeu de dés, en Angleterre, c’était le « hasard », et je suis convaincu que Mallarmé le savait. À l’époque, le grand jeu dans les casinos c’était le hasard. On jouait au hasard. Si on sait cela pour lire le poème, ça donne d’autres possibilités[9]. »

À l’occasion de son exposition au Coin du miroir, à Dijon, en 1981, Downsbrough présenta l’édition d’un jeu de deux Dés comportant les mentions « ici » et « là », « et », « coupe » et « encore », inclus dans une boîte de plexiglas jaune avec une règle très simple, attribuant des points à chaque type de face. C’était en somme une version usuelle du jeu de Dés de 1980. L’édition des Dés de Dijon fut accompagnée des annonces suivantes, qui parurent dans le quotidien local, Le Bien Public  : — lundi 9 février, p. 2 : un encadré (6 x 9,2 cm) avec en son centre deux lignes parallèles verticales ; — mardi 10, dernière page : idem, mais avec les deux lignes décentrées vers la gauche ; — mercredi 11, p. 12 : idem, avec décentrement vers la droite ; — jeudi 12, p. 8 : une petite publicité énigmatique, avec le dessin de deux dés et les mentions suivantes disposées de façon constructiviste :

« un     jeu   de   DES     est arrivé à vendre   à     DIJON     un jeu de Dés nouveau »

Aucune indication d’auteur ni de lieu ! Il est à parier qu’il s’en vendit fort peu, l’annonce chiffrée ne s’adressait qu’à un petit nombre de personnes à même d’apprécier un jeu qui était surtout celui de l’art. Notice, publiée en 1985, à Munich, par Rupert Walser, à l’occasion de l’exposition Process und Konstruktion, à laquelle participait Downsbrough, contient des règles non usuelles qui détournent celles du commerce de l’art. Deux usages sont possibles : (i) le lancer de dés détermine le montant de leur achat ; (ii) ils sont acquis d’emblée pour un montant bien supérieur, et on a la possibilité de les reproduire et de les exploiter comme en (i), moyennant ristourne de 50 % à l’auteur. Tandis que le cas (i) porte sur la seule vente d’un multiple, le cas (ii) inclus en somme le droit d’éditer et d’exploiter à son tour le multiple (le droit de reproduction s’accompagnant du droit de suite !) Si l’on s’en tient à ce texte, Notice, les Dés apparaissent comme une œuvre dont l’esprit est très proche du programme général de Lawrence Weiner :

« 1. The artist may construct the piece. 2. The piece may be fabricated. 3. The piece need not to built. Each being equal and consistent with the intent of the artist the decision as to condition rests with the receiver upon the occasion of receivership. »

Ou encore des définitions/méthodes de Claude Rutault, qui mettent non moins en scène celui qui « prend en charge » l’œuvre. S’il est vrai cependant que les problèmes de réception sont présents chez Downsbrough (qui pense par exemple que des interprétations autres que celle de l’artiste sont toujours possibles), il n’en demeure pas moins que ce côté Weiner ou Rutault n’est pas central. Le jeu de Dés n’est pas une œuvre qui serait toute contenue dans le « contrat » qui l’accompagne. C’est aussi une sorte de clé pour comprendre la conception des petits livres décrits plus haut. Leur manipulation est l’équivalent de plusieurs lancers. Chaque page offre une occurrence, un placement des lignes parallèles, un mot, une page blanche inattendue, au même titre qu’il est impossible de prévoir la face sur laquelle le dé s’arrêtera de tourner. Quant au placement des Pipes, c’est aussi une occurrence, entre bien d’autres possibles.

Deux films vidéo, réalisés à New York en 1976[10], annoncent cette sensibilité à la loi du hasard. Dans l’un, la caméra cadre un coin de salon avec une télévision : des gens s’assoient, parlent, se lèvent, se rassoient, partent, reviennent… Dans l’autre, c’est un carrefour new-yorkais qui est cadré fixement de la sorte, les flots de voitures de cyclistes et de piétons se succédant au gré de l’alternance des feux. Dans les deux films, ça se rencontre, ça se croise, ça entre et ça sort au hasard.

Photomontage et utopie

Dans le livre publié par Éric Fabre en 1982, In Passing, comme dans la publicité évoquée précédemment, les dés ont aussi une existence visuelle : graphique ou photographique. Les photographies brodent sur la main qui tient les dés, les lance ou reste entrouverte, ou encore sur les dés arrêtés sur l’une de leur face, main et dés se détachant sur un fond noir animé parfois de leur reflet. In Passing inaugure un nouveau style graphique. La couverture glacée, avec son fond rouge dégradé vers le rose, ses lignes épaisses en bordure en haut et en bas, et son titre en helvetica réservé avec un contour noir, rompt complètement avec le minimalisme des publications de la décennie précédente. À l’intérieur les textes sont écrits en caractères gras empattés. En bordure de certaines pages apparaissent des aplats noirs verticaux, qui durcissent encore l’aspect contrasté de l’ensemble et lui donne des allures de manifeste d’Agit Prop.

And Now[11], publié l’année suivante à Nevers, utilise encore davantage des recettes graphiques héritées des avant-gardes historiques. Sur la couverture, le bandeau blanc du titre barre en diagonale la vue photographique nocturne de ville où se détachent les néons d’un Kino. Une bande jaune verticale, structure le bord droit, comme d’autres, bleues ou rouges, à l’intérieur. Les deux traits jumelés des premiers livres subsistent, mais bordés de mots qui leur sont accolés ; d’autres filets obliques, noirs ou de couleurs primaires contestent l’orthogonalité. Aux photographies d’architecture, prises par l’artiste, s’ajoutent des documents prélevés dans la presse : des publicités — « aimez-vous, Chantelle », « – 20 % sur le luminaire », « bonjour fashion » — ou des personnages politiques : Reagan, Mitterrand, Jaruzelski. Ces photographies, le plus souvent détourées, donnent à la plupart des pages un air de photomontage.

En 1981, Downsbrough participe à l’exposition Konstrukcja w procesie, à Lodz, en Pologne, et exposera par la suite fréquemment dans ce pays où il rencontre un écho favorable. Le constructivisme polonais lui devient proche. En 1982, il en fait l’objet d’une communication, illustrée de diapositives, à l’Internationaal Centrum Voor Structuuranalyse En Constructivisme, à Bruxelles. Le texte donnera lieu à un petit livre avec des photographies d’architecture, et Xavier Douroux[12], dans sa préface, soulignera les précédents germano-hollandais (Paul Citroën, Métropolis, 1923), polonais (Kazimierz Podsadecki, Modern City, Melting Pot of Life, 1929) et russe (Malevitch, Transformation suprématiste de l’architecture new-yorkaise, 1926) d’une pratique du photomontage incluant des fragments de la modernité architecturale. Il rapproche également les photographies de la main lançant les dés du photomontage d’El Lissitzky, Le Constructeur (1924) où, en surimpression du visage de l’artiste, une main s’ouvre sur un compas. Dans les deux cas « il est question de liberté de choix ». Downsbrough qui avec les Two Pipes « inscrivait le travail en confrontation avec l’espace réel », engageait désormais un « espace utopique ». Le texte de l’artiste parle de « rôles » et de « contexte » et Douroux met en parallèle la situation de Lissitzky se repliant sur le graphisme et la typographie au moment du ressac des avant-gardes (dans les années trente) et celle de Downsbrough affrontant l’« onde de choc expressive [des années 1980] qui contraint l’art d’analyse à la réserve ». Il n’est donc pas étonnant dès lors que la dispersion des mots orientés en plusieurs sens et les variations typographiques du manifeste du groupe a. r. (1930) se rencontre aussi dans And Now, et que tel photomontage de Jozef Szanajca (1926) y ait également son homologue[13].

Photographies et cartes postales

Peter Downsbrough a expliqué comment il était passé de la photographie documentant l’installation des Two Pipes à la photographie d’architecture :

« J’ai été intéressé par cette coupure, cette structuration de l’image que créaient les deux lignes verticales, et par la mise en évidence du rapport entre premier plan et arrière plan[14]. »

Ce nouveau type de photographies, qui était apparu dans les petits livres à partir de 1977 (n° 12, 14, 15 et 16, inventaire supra), a ensuite pris son essor[15]. Le premier porte-folio, des vues prises dans les gares de Chalon-sur-Saône et Dijon, est publié en 1981[16]. Elles offrent souvent des échappées verticales entre des plans plus rapprochés, mais ne se limitent pas à être ce seul équivalent iconique de l’espace induit par les Two Pipes. En maniant l’angle de vue et le cadrage, l’artiste y met en place des éléments volumétriques et des distances, en jouant de leur parallélisme (des obliques et des orthogonales aussi) et de leur juxtaposition, comme quand il place les lettres d’un mot le long d’une ligne ou qu’il fragmente une page en deux parties, l’une photographique, l’autre vierge. Certaines vues s’ouvrent symétriquement sur les deux ballasts de part et d’autre d’un quai, de sorte que l’échappée double donne une curieuse impression d’irréalité, comme si l’on avait affaire à un photomontage et non à une prise de vue directe. (Ces fausses symétries ne sont pas éloignées de celles des entrées jumelées de pavillons, illustrant l’article de Dan Graham, Homes for America[17].) Les bâtiments se présentent comme des parallélépipèdes avec une face avant parallèle au plan de vision et des faces fuyantes accentuées ; à moins que ce ne soit une contre plongée qui produise ces fuyantes. La composition graphique des livres du début des années 1980 trouve ainsi sa transposition en composition de l’espace, par le truchement de l’appareil photographique.

« Je choisis des paysages urbains parce que c’est la ville qui me semble aujourd’hui l’environnement le plus « naturel ». On ne peut pas vivre sans habitation, sans ville. Et dans ce paysage urbain, je choisis les lieux où les structures sont les plus évidentes […] Ensuite peu m’importent les objets ; ce qui m’intéresse, c’est leur disposition, les rapports qu’ils entretiennent entre eux dans l’espace, le jeu de leurs formes et de leurs masses[18]. »

Le discours utopique de Downsbrough sur la ville ne crypte pas des signes et des bâtiments (l’étoile, le cercle, la pyramide, etc.) ; il ne croit pas à l’essence des entités rencontrées. Il les traite au contraire comme des abstractions et ne s’attache qu’à leurs rapports. À ce titre, il peut être qualifié de structuraliste (au sens de la linguistique du même nom).

Interventions

Peter Downsbrough a également édité ses photographies en cartes postales (par exemple la série éditée par Imschoot, à Gand, en 1985). Bien avant, cependant, il avait utilisé des cartes disponibles dans le commerce en y surimprimant deux lignes parallèles verticales qui venaient restructurer des vues urbaines. Trois des cinq cartes de la série réalisée à Dijon, en 1980[19], représentent des bâtiments officiels des années 1950, de style moderne académique (palais de la foire, hôtel de police, restaurant universitaire). La restructuration utopique s’opère ici par le truchement des seules deux lignes qui rouvrent l’espace sur un possible, comme les Two Pipes le faisaient in situ. Lorsque la structure existe déjà (par exemple une vue nocturne de Manhattan avec les Twin Towers se reflétant dans l’eau[20]), les deux lignes figurent au dos, au lieu et place de la correspondance. Mettons aussi au rang des interventions graphiques celles qui eurent lieu dans des journaux (la plus ancienne remontant à la livraison de novembre 1974 de Studio International).

Ce genre d’intervention va à son tour être transposée. De la sculpture on était passé à l’espace du livre ou à la carte postale ; on retournera du graphisme à l’espace réel. Il s’agira alors de fixer deux lignes parallèles de ruban adhésif noir, sur des vitres ou des murs. Il est à noter que l’intervention sur les cartes postales et celle en ville, en six lieux (extérieurs et intérieurs), seront contemporaines, en avril 1980, à Dijon, où l’affiche sérigraphiée de l’exposition, disponible sans le lettrage avec ses seules deux lignes, pourra être utilisée par l’amateur, qui à son tour disposera ainsi d’un graphisme à mettre en place. Les kits avec des rubans et des Pipes, édités dans les années 1990, poursuivront cette idée d’un passage du relais.

Room pieces

À côté des and, des or et des here, termes de liaison, d’alternative ou de placement, apparaissent vers 1979 (par exemple dans les interventions dans les revues Fandangos et Mela[21]) les mots between et cut  : l’espace « entre[22] » et la coupure. En 1985, le petit livre And then they where…[23], sera une variation sur la coupure des blocs des mots courts : as, in, if, to et or  : le partage des lettres par des obliques, l’écart de leurs deux parties, leur fragmentation, les rend parfois illisibles, l’espacement allant jusqu’à annuler le sémantisme pour en recomposer un autre spatial et poétique. Je pense bien sûr (et ne suis pas le premier) à Mallarmé. Downsbrough cependant ne s’est pas contenté d’assumer l’importance des blancs entre les mots, « la distance copiée qui mentalement sépare des groupes de mots ou les mots entre eux[24] », il a pulvérisé la lettre. Non seulement « on évite le récit[25] », mais on coupe court aux mots. La musique invoquée par le poète, devient concrète.

Invité à investir un espace désaffecté, à l’occasion de la manifestation Rooms qui inaugurait le lieu P. S. 1, à New York, en 1977, Downsbrough y avait placé Two Pipes. Son exposition au Consortium, à Dijon, en 1986, prenait une tout autre ampleur par la manipulation d’un vocabulaire alliant Pipes, rubans adhésifs et lettres autocollantes[26]. L’été 1988, dans le cadre du programme Sous le soleil, la mise à disposition de cinq salles contiguës autour d’un couloir annulaire et du passage extérieur adjacent permettait une démonstration magistrale[27] de sa capacité à investir un lieu. Pour l’exposition personnelle au Musée Saint-Pierre, à Lyon, en 1989, des volumes blancs de base carrée, bas, cubiques ou élevés, vinrent compléter le vocabulaire précédemment mis en place. Depuis, les room pieces, prestations prenant en compte les quatre murs de la boîte blanche, se sont multipliées.

Le modèle historique le plus souvent cité par les commentateurs, à leur propos, est celui de l’espace Proun d’El Lissitzky, ce qui nous ramène aux avant-gardes évoquées précédemment.

« Le Proun avance du côté de la création d’un nouvel espace et, en l’analysant en éléments selon une, deux ou trois dimensions développées dans le temps, il construit une image de la nature polyédrique, mais uniforme. Nous commençons notre œuvre sur la surface en deux dimensions, nous passons ensuite à des modèles de constructions en trois dimensions, et aux besoins de la vie. La vie est en train de construire une nouvelle fondation Communiste, renforcée et concrète, pour l’unique cité mondiale, pour tous les habitants du globe terrestre[28]. »

Le Prounen Raum construit par Lissitzky, à l’occasion de la Grosse Berliner Kunstausstellung, en 1923[29] utilisait les quatre murs et la verrière d’un white cube. Dans son commentaire[30], de cet espace « démonstratif » son auteur parlait de la ligne oblique que l’on voyait en arrivant comme d’une forme qui « conduisait à la grande horizontale de la paroi du fond ». Cet espace « ne doit pas être un salon, c’est au contraire une exposition. Une exposition on en fait le tour », ajoutait-il, retenant de la sorte une valeur pragmatique au principe de sa composition spatio-temporelle.

C’est bien cet élément que ranime Downsbrough, avec un vocabulaire différent, mais qui présuppose tout autant un visiteur en mouvement, un homme qui marche[31], qui suit le fil d’un adhésif au sol, longe un mot, bifurque à angle droit, et rencontre en plusieurs points l’image abstraite de son axe vertébral, fixée telle un miroir au mur ou plantée là dans l’espace. Downsbrough, non moins que Lissitzky, est à ce titre un phénoménologue de l’espace, qu’il appréhende non seulement mentalement (géométriquement), mais physiquement. De cette perception qui met en jeu le corps tout entier, Maurice Merleau-Ponty a suffisamment parlé pour qu’il ne soit besoin d’insister ici. Gardons-nous cependant de faire de Downsbrough un adepte de l’espace « démonstratif ». Les directions horizontales ou verticales, toute cette signalétique directionnelle des adhésifs et des Pipes, ne possèdent pas un tel pouvoir de contrainte. Les mots disposés au sol ou au mur, et encore plus les lettres coupées qui les cantonnent annihilent ce pouvoir, et contribuent a contrario à la construction d’un espace ouvert. Étienne Tilman[32] a parlé à ce sujet de « désorientation », René Denizot[33] d’un « espace en effraction », Raymond Balau[34] de « dé-limitation », « dislocation » et « dis-jonction », Michel Gauthier[35] de « corps déflecteurs » au pouvoir « déhiérarchisant » et « défocalisant ». Ouvrir l’espace comme le font les room pieces de Downsbrough, c’est le créditer d’une certaine virtualité. La virtualité est son utopie. Toute la tradition constructiviste a toujours conçu l’œuvre comme un centre de restructuration de l’espace réel, l’œuvre, depuis son autonomie, imposant un « non-lieu » ou un lieu « autre », là où était donné un premier espace qui, de ce fait, se trouve réorganisé.

La critique de l’espace hiérarchisé et centré avait déjà été faite par Katarzyna Kobro et Wladyslaw Strzeminski[36], pour qui « chaque sculpture pose d’une façon ou d’une autre le problème le plus important : le rapport de l’espace contenu dans la sculpture à l’espace situé hors de la sculpture ». Ces auteurs militaient pour une conception homogène, démocratique, de l’espace et enregistraient l’heureuse évolution qui faisait remplacer le volume par « la zone sculpturale ». « Construire la sculpture, c’est donner forme à la partie de l’espace contenue dans la limite-limitante ». Le rythme spatio-temporel « confère une homogénéité à la sculpture sans la fermer ». « Émanant » de la sculpture, il « unit celle-ci à l’espace en le pénétrant ». Le coup de force de Downsbrough est de poursuivre cette visée utopique, mais depuis une autonomie dont l’unité spatiale ne va pas de soi, d’allier (re)construction à décentrement et défocalisation, et d’y ajouter l’élément hétérogène et virtuel du sémantisme des mots. Chez lui, le rythme spatio-temporel n’émane plus d’une entité repérable mais d’une pluralité de formes et de signes de niveau différent dispersés dans l’espace. Il maintient cependant, comme Kobro, quelque chose du lointain héritage cubiste : là où l’artiste polonaise mettait en rapport les plans, les faisait se rencontrer ou dialoguer à distance, Downsbrough conserve des fonctions de liaison à certains éléments de la dispersion multipolaire, notamment à la ligne tracée au sol. En cela, il demeure constructiviste. Pour employer une opposition qui a été étudiée par Yve-Alain Bois[37], on pourrait dire qu’il dialectise « distraction » et « démonstration », valeurs centrifuges et valeurs centripètes. L’exposition commune, avec Cécile Bart, en 1999[38], reposait sur ces deux catégories : les travaux se croisaient. le lien de la ligne au sol et le cadre des châssis « démontraient », quand la lettre, la dispersion des interventions et la transparence des écrans laissant voir l’extérieur « distrayaient ».

Les petits livres avaient introduit l’espace pragmatique d’une lecture à plusieurs registres, alors que les Two Pipes relevaient d’une phénoménologie qui demeurait celle du minimalisme. Avec les room pieces, la préoccupation pragmatique se trouve transposée à l’espace tridimensionnel. Ces installations multipolaires, défocalisantes, récupèrent le vocabulaire élaboré dans les livres, au profit d’un parcours qui n’est plus celui de l’œil et des doigts feuilletant les pages, mais celui de l’œil et du corps explorant l’espace d’une salle. Ce vocabulaire — lignes tracées, pipes, lettres entières ou coupées, volumes vierges ou supports de lettres ou de lignes, rapports induits — suffit à parler le langage « Downsbrough », il se retrouve dans toutes les room pieces qui se sont multipliées depuis le milieu des années 1980. La notion de vocabulaire, propre à un artiste, ou à un mouvement, est une notion moderniste. Les termes en ont été forgés en reprenant les données à partir de zéro. Rien du vocabulaire traditionnel de la sculpture n’a été conservé. Table rase a été faite. Le mouvement moderne, en architecture a opéré de même. C’est ce qu’un héraut de ladite architecture appelle le « principe d’inventaire[39] », premier des « invariants du langage moderne ». À ce sujet, Downsbrough ne retient dans son inventaire que des éléments à forte valeur pragmatique, lui permettant de mettre en scène l’acte d’appréhension de l’espace (et des rapports qui le constituent) comme un acte ambivalent, de déambulation et de lecture. Si l’on considère cet inventaire, les Two Pipes, les photographies ou les cartes postales ne sont formées qu’à l’aide d’une partie du lexique global, alors que les livres ou les room pieces l’exploitent pleinement. Nous reviendrons sur cette dissymétrie.

Maquettes

Il existe deux autres formes d’exploitation globale de l’inventaire : les maquettes et les œuvres dans l’espace public.

L’unité relative, maintenue par les éléments de liaison, est davantage sensible dans les maquettes. Celles-ci retrouvent, dans le plateau qui les supporte, une contrainte à laquelle n’échappaient pas les sculptures de Kobro : la délimitation du socle — d’autant plus que l’artiste a dessiné et construit lui-même la table de présentation. Downsbrough consacre tout un étage de son atelier à Bruxelles au stockage de ces maquettes rangées sur des étagères (qu’il a également lui-même conçues). L’ambiance est celle d’un laboratoire où s’élaborerait l’utopie d’une ville à venir : ses constructions. Les premières maquettes remontent à l’époque d’un premier établissement de l’artiste en Belgique, à Gand, en 1982 et 1983 ; elles ont été faites pour des projets de commandes publiques qui n’ont pas été réalisés. Elles ne sont sorties du « laboratoire » que tardivement, à partir de 1992, et au compte-gouttes[40]. La généalogie interne raconte donc que la maquette a d’abord été un mode de recherche subordonné à une œuvre à venir, et qu’elle n’a accédé au rang d’œuvre exposée qu’après coup. Cette généalogie ne nous importe pas, car les maquettes ont fini par être aussi produites pour elles-mêmes. Elles n’ont donc pas qu’une existence transitive, qu’une fonction de maquette « pour » l’architecture, même si cette connotation leur reste attachée.

La maquette, certes, est un « modèle réduit », mais c’est aussi, si l’on suit Claude Lévi-Strauss, le « modèle » de la production artistique en général.

« […] la question se pose, écrit l’anthropologue, de savoir si le modèle réduit, qui est aussi le « chef-d’œuvre du compagnon », n’offre pas, toujours et partout, le type même de l’œuvre d’art. Car il semble bien que tout modèle réduit ait vocation esthétique — et d’où tirerait-il cette vertu constante, sinon de ses dimensions mêmes ? — inversement, l’immense majorité des œuvres d’art sont aussi des modèles réduits. […] D’autre part, on peut se demander si l’effet esthétique, disons d’une statue équestre plus grande que nature, provient de ce qu’elle agrandit un homme aux dimensions d’un rocher, et non de ce qu’elle ramène ce qui est d’abord, de loin, perçu comme un rocher, aux proportions d’un homme. Enfin, même la « grandeur nature » suppose le modèle réduit, puisque la transposition graphique ou plastique implique toujours la renonciation à certaines dimensions de l’objet […] [41]. »

Si, de la sorte, on fait de la maquette un paradigme, alors, il faut considérer que la relation d’échelle, réversible, qui lui est consubstantiellement attachée, existe chez Downsbrough ailleurs que dans ses maquettes : dans le passage des Pipes aux livres, aux cartes postales ou aux photographies, des livres aux room pieces, des maquettes proprement dites aux room pieces et aux projets urbains… La maquette, du coup, acquiert rétrospectivement une faculté interprétative de l’ensemble de l’œuvre.

Le rôle séminal de la maquette, en tant que modèle réduit, se comprend mieux si, ne s’arrêtant pas à son apparition tardive (et à sa présentation quelque peu latérale), l’on remonte aux années qui précédèrent les premiers petits livres. Une des rares œuvres antérieures reproduites, Segment of Staple on graph paper piece, datée de 1968, figure dans le livre célèbre de Lucy R. Lippard[42] sur les débuts de l’art conceptuel (au sens large du terme). Downsbrough a fini par récupérer et ranger un certain nombre de ces « pièces », réalisées à cette époque dans l’atelier qu’il avait alors dans le New Hampshire ; elles emplissent aujourd’hui plusieurs tiroirs de son atelier bruxellois. De petit format, elles représentent l’activité en miniature d’un laboratoire de sculpteur constructiviste ou minimaliste. Il s’agit de petites plaques ou de petits morceaux de divers matériaux qui n’excèdent jamais quelques centimètres. Les pièces en métal — plomb, aluminium, acier brut ou galvanisé — comportent des changements d’épaisseur, des trous. Certaines, en plomb, ont été moulées. Parmi cette collection, certains objets sont des rebuts trouvés. De petits assemblages de bois rappellent les constructions de Rodtchenko. Le carton ondulé, travaillé par feuilles isolées ou assemblées, a retenu également l’artiste ; certains cartons ayant perdu leur feuille de surface, les plis sont mis à jour. Sur l’une de ces piles de carton, sur champ, ont été agrafées deux ficelles parallèles. Et l’on imagine facilement que c’est de ce laboratoire que sont sorties les Two Pipes. La miniaturisation de ces pièces constitua une rupture radicale dans l’œuvre du sculpteur, qui avait exposé ses premiers essais dès 1961 et 1963, dans une galerie coopérative (plâtre et toile de jute), et que la sculpture de fer soudé, à la David Smith, qui avait suivi, laissait insatisfait. La table rase, l’inventaire, passa par le changement d’échelle.

Res Publica

Certaines maquettes, on l’a dit, sont des projets pour l’espace public. Depuis plus d’une décennie cette destination publique de la sculpture a pris de l’importance. Si l’on excepte la pièce réalisée sur le défileur électronique de Time Square[43], à New York, en 1980 — une main lançant des dés y apparaissait, avec la phrase Dices are not loaded —, les premières réalisations publiques, Unité/de, la, sur le pignon d’un bâtiment à Rennes[44], As/if, devant le musée du film à Lodz, ou encore Open Column, dans la cour de la Glyptothèque de Munich[45], ne datent que de 1990 et 1991. Comme pour les maquettes, cette apparition tardive est trompeuse. Les Two Pipes, dont l’implantation était temporaire et plus ou moins sauvage, investissaient déjà l’espace public. Mais la destination architecturale de la sculpture renoue en fait avec un passé plus lointain, celui où le futur sculpteur suivit d’abord une école d’architecture, de 1958 à 1960[46]. En 1964, il s’installa avec sa femme et ses deux filles dans le New Hampshire, et y construisit une maison[47] et un atelier. Il n’est pas indifférent non plus que ce geste se soit répété quand il s’est installé à Bruxelles, à la fin de 1989.

De fait, par leur échelle, les projets en maquette, notamment ceux qui comportent des volumes comme pour le projet récent, Boulevard Émile Jacquemain, à Bruxelles, se situent dans une sorte de no man’s land entre sculpture et architecture. Le terme de « construction », moins chargé de l’histoire des genres, est en conséquence davantage approprié. Cette sortie des genres dénote le caractère utopique des projets publics, l’utopie ne s’arrêtant pas du reste à la seule architecture, mais s’élargissant aussi à l’ensemble de l’espace public, c’est-à-dire à la ville. C’est ainsi qu’en mai 1996, en association avec l’architecte Christian Kieckens, fut présentée à la galerie S 65, une exposition liée à un projet de remodelage d’une zone industrielle en bordure de la Dender, à Aalst[48]. Elle comportait des photographies en noir et blanc de chacun des partenaires, une maquette de l’artiste, ainsi qu’une seconde maquette, des photographies en couleur et des plans réalisés en commun. Maquettes et plans n’illustraient pas un projet « ficelé ». « Ici, remarquait Balau, les densités repérées sur site, travaillées par ce que peuvent avoir de pluriel les investigations de l’architecte et de l’artiste, constituent un substrat, un potentiel dont une part pourrait être utile à un stade de programmation. » C’est dire que la prestation urbanistique se logeait à un niveau plus utopique qu’effectif, demeurait du côté de l’art de laboratoire plutôt que du productivisme (pour reprendre la vieille opposition des avant-gardes soviétiques).

L’œuvre interprète l’œuvre

Notre tour d’horizon des différents types d’œuvres chez Peter Downsbrough demeure incomplet. Il faudrait encore commenter d’autres films et vidéo que ceux qui ont été mentionnés supra. Dans le disque produit à Eindhoven, en 1977, et dans les cassettes qui ont suivi, les procédés d’espacement deviennent rythme et coupures. Il faudrait encore s’arrêter sur le CD-rom Outline[49], qui permet entre autres de se promener autour et dans une maquette, avec des cadrages qui sont ceux auxquels photographies et films nous avaient déjà habitués. Et mettre des points de suspensions…

Reprenons. À chaque pas de notre parcours typologique, nous avons été tentés de développer des enchaînements généalogiques, expliquant tout selon la règle du post hoc, ergo propter hoc. Délaissant cette causalité biographique, nous avons aussi constaté que les œuvres offraient un double visage d’« interprétant[50] ». Elles donnaient sens à d’autres œuvres ou se proposaient comme clé de l’ensemble de l’œuvre. Du premier côté de ce Janus : les photographies qui éclairent le souci de cadrage déjà présent dans les Pipes  ; les room pieces qui font du piquetage des Pipes un cas particulier de la mise en place de directions spatiales ; la recherche urbanistique qui hausse la commande publique et les room pieces au niveau du projet avant-gardiste ; etc. Mais nous avons aussi sur les bras, deuxième face du Janus : les rubans adhésifs apposés sur des immeubles qui indiquent que les simples traits sur des cartes postales sont aussi une intervention virtualisante et que tout peut se ranger sous la bannière d’un espace utopique illustré par les notions de « construction » ou d’« architectonique » ; la coupure des lettres qui devient cas particulier de l’espacement à l’œuvre dans les livres, les room pieces les disques ou les films ; les maquettes et les transpositions d’échelles proposées comme paradigme non moins général ; etc. D’une part, chaque type d’œuvre s’offre donc comme l’interprétant d’autres types. D’autre part plusieurs prétendants s’offrent comme interprétant général de l’ensemble. Par ailleurs, la relation d’interprétation est réversible. Les photographies me font comprendre le principe de recadrage à l’œuvre dans les Pipes  ; mais les Pipes, inversement, me permettent de lire les photographies comme l’œuvre d’un sculpteur-constructeur qui met en place des volumes et des distances. Les room pieces et les projets publics situent les petits livres ou les photographies au stade de l’exercice ou du projet ; mais tout le travail graphique enracine en retour celui du constructeur dans une tradition avant-gardiste pour laquelle l’espace typographique peut ouvrir sur l’espace social ; le photomontage fournit la procédure à l’œuvre dans les room pieces et les maquettes qui à leur tour en tant qu’assemblages peuvent éclairer la construction des pages de livres…

Parmi les interprétants, la tentation est forte d’en élire un qui expliquerait tout, sans reste : les Pipes, tentation généalogique ; les maquettes, tentation de la théorie esthétique ; l’espacement, tentation littéraire ; l’architectonique ou le montage, tentation néo-avant-gardiste, etc. Il faut nous en garder. Tout l’œuvre expose au contraire une structure, faite de réciprocités, de relais et de transpositions, où chaque occurrence en interprète d’autres, et où chaque prétendant à l’interprétation générale se trouve à son tour interprété par ses concurrents.

Nulle redite chez Peter Downsbrough. La traduction infatigable qu’il opère d’un médium à l’autre ne répète pas à l’identique. Elle éclaire, fait rebondir, réinterprète, transpose. Tout se passe comme si l’artiste nous disait ; « Vous n’avez pas compris ? — Je recommence autrement ». El Lissitzky parlait d’un espace de démonstration. Telle serait la volonté de l’artiste qui, contre vent et marrée, reprend son explication, avec l’espace, la lettre, ses matériaux, mais aussi avec nous-mêmes. Peter Downsbrough n’a pas été porté par une intégration rapide dans les grandes expositions internationales comme des artistes de sa génération en ont bénéficié. Il faut en conséquence saluer son opiniâtreté. Plus de trente ans après les premières Pipes et les premiers petits livres, l’œuvre s’affirme superbe, original, la leçon, magistrale.

[1] . Interventions en ville, Dijon, 20 avril 1980 (org. par le Coin du miroir) ; Onze rue Clavel, Paris, 17 mai-… ; dans le cadre de Mise en pièces, mise en place, mise au point, Chalon-sur-Saône, Maison de la culture et Dijon, le Coin du miroir, 7 février-15 mars 1981 ; galerie Éric Fabre, Paris, 1981, etc.

[2] . « L’espace, le lieu », in cat. de l’expos. Mise en pièces, op. cit.

[3] . « On some Problems in the Semiotic of visual Art, Field and Vehicle in Image-Signs », conférence (2e colloque international de sémiotique, Kazimierz (Pologne), septembre 1966), Semiotica, vol. I, n° 3, 1969.

[4] . Pour les premières : Artists’Books, Moore College, Philadelphie, 1973 ; Artists’Books, Art Council of Great Britain, 1976… Tim Guest et Germano Celant (Books by Artists, Toronto, Art Metropole, 1981) ignorent cependant Downsbrough.

[5] . New York, The Vanishing Rotating Triangle.

[6] . Peter Downsbrough, in cat. de l’expos. Les livres d’artistes, une sélection, op. cit., p. 9.

[7] . Les numéros renvoient à l’ordre de publication.

[8] . J’indique par une barre oblique, les changement de pages. Plusieurs barres signalent des pages blanches intercalées.

[9] . « Peter Downsbrough, une présence discrète, propos recueillis par Patrick Bougelet, Denis-Laurent Bouyer et Yves Brochard à Bruxelles le 7 avril 1990 », Sans Titre, n° 10, avril-juin 1990. Contrairement à ce que subodore Downsbrough, Mallarmé n’est pas allé chercher chez les anglais un double sens qu’il connaissait déjà de la langue française. Greimas (Dictionnaire de l’ancien français) signale que le mot « hasart », attesté dans notre langue en 1145, via l’Espagne, vient de l’arabe (az-zahr, dialectal al-zahr), a eu effectivement au départ la signification de « jeu de dé », ou de coup gagnant à ce jeu (double six). De plus, le fait que l’Oxford Dictionnary ne signale pas une telle acception pour hazard, tandis que l’américain Webster la mentionne en tête, semble contredire que cette histoire soit spécifiquement anglaise.

[10] .

[11] . Nevers, APAC, 1982. Citons aussi le catalogue Peter Downsbrough, Francfort, Kunstverein, 1981.

[12] . « 4 + 2 + 1 = 421 », in Peter Downsbrough, Roles/Architectonics, Bruxelles, ICSAC, 1983.

[13] . Cf. Xavier Douroux, op. cit.

[14] . Peter Downsbrough, « entretien avec Marie-Thérèse Champesme », Art Présence, n° 9, Pléneuf-Val-André, avril 1994, p. 36 sq.

[15] . Cf. le recueil de Peter Downsbrough : Photographs. A Selection 1977-1990 (Gand, Imschoot, 1990).

[16] . Dijon/Chalon-sur-Saône, Dijon, Le Coin du Miroir, avril 1981.

[17] . Arts Magazine, vol. 41, n° 3, New York, décembre 1966-janvier 1967. (Maquette de l’article, collection Hermann Daled, Bruxelles.)

[18] . « entretien avec Marie-Thérèse Champesme », op. cit.

[19] . Le Coin du Miroir, octobre 1980. (Cartes postales Combier, Mâcon. Les deux lignes ont été imprimées sur une presse typographique de l’École des beaux-arts de Dijon.)

[20] . Carte en date du 24 mars 1981, envoyée à l’auteur.

[21] . Fandangos, n° 12, 1979 ; Mela, n° 3, Florence, printemps 1979.

[22] . Ce thème se retrouvera dans le titre du livre A Tale of the Space betwen (Limoges, 1998).

[23] . Chagny, Pietro Sparta et Pascale Petit.

[24] . Mallarmé, préface au poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard.

[25] . Idem, ibidem.

[26] . Cf. reproductions in Plus, n° 3-4, Dijon, mai 1988, p. 9-10.

[27] . Cf. reproducitons in catalogue Sous le soleil, Nice, Villa Arson, 1995, p. 34-39.

[28] . El Lissitzky, « Prouns », conférence donnée à l’Inkhouk, le 23 octobre 1924 (ma traduction d’après les traductions allemande et anglaise (cat. de l’expos. El Lissitzky, Cologne, Galerie Gurmzynska, 1976, p. 59 sq.)

[29] . Le sol, également pris en compte dans le projet n’avait pas pu être réalisé. Cet environnement a été reconstitué par le Van Abbemuseum d’Eindhoven, en 1965.

[30] . G1, Berlin, juillet 1023. Cité d’après la traduction en italien, in Germano Celant, Ambiente/Arte. dal futurismo alla Body Art, Venise, 1977, La Biennale di Venezia, p. 23.

[31] . La figure de l’Homme qui marche, titre d’une sculpture d’Alberto Giacometti (1960), a donné lieu à une double exposition en 2000 et 2001, au musée Picasso, à Antibes. Downsbrough aurait pu, à mon sens, en faire partie.

[32] . « Interférences et Désorientations », Ars Musica Magazine, mars 1989, p. 32.

[33] . « Le monde en éclats, l’œuvre en effraction », Temporale, n° 31, 1993, p.24-30.

[34] . « Infrastructures (maquettes) », in catalogue de l’exposition Peter Downsbrough, Moscou, Galerie de l’Institut d’architecture, 1994.

[35] . « Les Corps déflecteurs », in catalogue de l’exposition Peter Downsbrough, Paris, Pavillon de Bercy, 1996.

[36] . « La Composition de l’espace. Les calculs du rythme spatio-temporel », in tome 2 de la bibliothèque a.r., Lodz, février 1931. (Traduction française in Idem, L’Espace uniste. Écrits du constructivisme polonais, textes choisis et traduits par Antoine Baudin et Pierre-Maxime Jedryka, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1977.

[37] . « Exposition : esthétique de la distraction, espace de la démonstration », Les Cahiers du MNAM, n° 29, Paris, Automne 1989, p. 57 sq.

[38] . Cécile Bart et/and Peter Downsbrough, Rennes, La Criée. (Le catalogue a été mis en page par Downsbrough.) Sur la distraction chez Cécile Bart, cf. Éric de Chassey « La peinture comme modulation », in catalogue de l’exposition Cécile Bart, Aarau, Aargauer Kunsthaus, 1998.

[39] . Cf. Bruno Zevi, Il Linguaggio moderno dell’architettura, Turin, Einaudi, 1973.

[40] . En 1992 : galerie Anne de Villepoix, Paris, et The Archives, Rotterdam. En 1993 : fondation pour l’architecture, Bruxelles. En 1994 : Architectural Galley, Moscou. Le plus bel ensemble constituait : Modèles 1983-1998, Mamco, Genève, 1999.

[41]. Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 33 sqq.

[42] . Six Years : The dematerialization of the art object from 1966 to 1972, New York, Praeger/Londres, Studio Vista, 1973, p. 41.

[43] . La pièce durait 30 secondes et apparut toutes les heures, pendant quatre jours. On connaît, sur ce défileur, l’œuvre de Jenny Holzer, de 1982.

[44] . Cf. le commentaire de Michel Gauthier : « Double jeu », in catalogue Unité/ De, la, Ville de Rennes, 1992.

[45] . Cf. la présentation de Ruppert Walser, in catalogue Open Column. Glyptothek München. Peter Downsbrough, Munich, Galerie Rupert Walser, 1991.

[46] . Université de Cincinati, puis Cooper Union.

[47] . Il l’abandonna en 1970 pour revenir à New York.

[48] . Cf. Le texte de présentation de Raymond Balau, in catalogue Peter Downsbrough, Christian Kieckens. Densities, Gand, Imschoot, 1996.

[49] . Chatou, Centre national de l’estampe et de l’art imprimé/Paris, TransEuropFilm, 1999.

[50] . Ce terme est pris ici au sens de Charles S. Peirce.