L’œuvre et son interprétant

Monographie « abductive » et histoire de l’art du temps présent

(Publié in La Revue de l’art, n° 144, Paris, CNRS, juin 2004. Repris in Christian Besson, Abductions, Genève, Mamco, 2006.)

On ne saurait soutenir que l’histoire de l’art n’accorde pas une place de choix, parmi ses procédures, à l’étude monographique portant sur l’œuvre d’un artiste. Occasion de maîtrise ou de thèse — catalogue raisonné accompagné de son commentaire ou analyse d’un aspect particulier —, ne constitue-t-elle pas une voie d’accès traditionnelle à la reconnaissance universitaire ? Des historiens accomplis n’ont-ils pas illustré le genre en dressant un monument à tel ou tel artiste ? En ce qui concerne les artistes du temps présent, si les ouvrages de critiques ne manquent pas, ceux émanant d’historiens sont cependant plutôt rares [ii]. Parmi les titulaires d’une chaire d’histoire de l’art en France, aucun, à ma connaissance, n’a fait sa thèse sur un artiste vivant. Une ambitieuse bibliographie européenne [iii], qui entend « analyser et classer les ouvrages les plus importants en matière de critique d’art et d’art contemporain » et distingue « essais critiques » et « histoire de l’art contemporain », ne retient quasiment dans ces deux rubriques aucune monographie sur l’œuvre d’un artiste particulier. Six textes seulement sur les trois cents que comporte une volumineuse anthologie d’écrits théoriques sur l’art du xxe siècle [iv] proviennent de ce genre d’étude : encore sont-ils d’écrivains ou d’artistes. Ce même objet de réflexion est absent d’un colloque récent sur l’histoire de l’art contemporain [v]. Il est pourtant recensé en nombre par la revue Critique d’art (consacrée aux publications de langue française) où il représente un quart des notices de la rubrique « ouvrages par auteur [vi] », sans compter les préfaces et études incluses dans les catalogues monographiques classés séparément. Il est vrai que les comptes rendus de ceux-ci portent indifféremment sur le texte critique ou l’œuvre de l’artiste en question, quand ils n’ignorent pas le premier, signe sans doute d’une reconnaissance incertaine de ce genre pourtant nombreux.

On peut supposer trois raisons au statut mineur accordé au type de monographie qui nous occupe : l’étude monographique de l’œuvre d’un artiste vivant subit la même défiance que celle qui existe à l’égard de l’histoire du temps présent [vii] ; elle est considérée comme un outil empirique qui fournit des matériaux à une histoire plus globale, l’interprétation étant censée résider ailleurs, dans les travaux de synthèse ; si un historien écrit une telle étude, on la rangera (honteusement) sous la rubrique « critique », sous-entendant par là complaisance, jugement de valeur et absence de scientificité.

Le local et le singulier

Le second argument doit retenir notre attention. Il porte sur tout objet local. Thomas Crow [viii], par exemple, tout en défendant les études empiriques locales — il tient l’essai de Michael Baxandall sur l’utilisation du bois de tilleul par les sculpteurs de la Renaissance en Allemagne pour un modèle du genre —, prend soin d’éviter tout « risque d’effraction théorique » de la part de ce type d’objet et le maintient en définitive sous la coupe de la théorie générale [ix]. Or, c’est bien cet objet local, tenu pour singulier et non assimilable à un quelconque discours général, qui a été mis en avant par l’historiographie et la critique de l’art des trente ou quarante dernières années, et cela devrait nous inciter à une réévaluation de la place qu’on lui accorde au sein de notre discipline. La revendication de sa prééminence a tout d’abord été le fait de ce moment que l’on peut convenir d’appeler par commodité celui des néo-avant-gardes [x] (la date de 1968 lui sert à peu près de charnière), moment où l’art a acquis la figure polymorphe que nous lui connaissons encore [xi]. L’exposition Quand les attitudes deviennent forme (Berne, 1969) dit bien, par son titre et son sous-titre (En direct dans votre tête ; œuvres — concepts — processus — situations — information), la difficulté de dénommer ce qui se révèle être un nouveau Zeitgeist comparable par son ampleur à ce qu’a été le cubo-futurisme dans les années 1910. Or, ce Zeitgeist s’accompagne d’une migration du pli critique, qui quitte l’horizon d’une visée commune (celle que conservaient les « ismes » de l’art, avec leur prétention à l’universalité) pour élire domicile dans chaque œuvre, dont est vantée la spécificité. Partant de là, l’histoire de l’art ne peut se faire que (i) chronique continue et indifférenciée (L. R. Lippard, Six Years : The dematerialization of the art object from 1966 to 1972, Londres, Studio Vista, 1973 ; G. Celant, Precronistoria 1966-69, Florence, Centro Di, 1976), (ii) collection de monographies (Gr. Müller, La Nuova Avanguardia. Introduzione all’arte degli anni settanta, Venise, Alfieri, 1972 ; G. Celant, Senza Titolo/1974, Rome, Bulzoni, 1976 ; A. Bonito-Oliva, Europa America. The different avant-gardes, Milan, Deco Press, 1976), (iii) ou encore s’effacer en coordonnant des recueils où l’artiste est libre d’organiser ses pages comme il l’entend, peut décider du texte ou l’écrire lui-même. (La génération des R. Morris, R. Smithson, S. LeWitt, M. Bochner, J. Kosuth, Art & Language, D. Buren, R. Serra, D. Graham, V. Burgin, H. Haacke, J. Beuys, M. Asher, etc., n’a-t-elle pas rendu prépondérante la figure de l’artiste théoricien ?)

Le constat de cette migration critique peut être maintenu pour l’art des deux dernières décennies, dont les démarches, dans leur multiplicité, « se font un devoir de dissembler » et nous obligent à assimiler intellectuellement de nombreuses « temporalités internes [xii] ». La fin des grands récits, constatée par Jean-François Lyotard [xiii] dès 1979, conduit à la multiplication des interprétations de l’histoire de l’art par les artistes eux-mêmes [xiv]. À ces théories s’ajoute la multiplication de ce que Jean-Marc Poinsot a appelé les « récits autorisés », récits qui, sans appartenir au registre performatif direct de l’œuvre, l’accompagnent et prolifèrent dans sa dépendance lors de sa présentation :

« […] commentaires oraux que l’interview fixe sur le papier et diffuse sur les ondes […] biographies ou récits factuels qui immanquablement accompagnent livres et catalogues et donnent en quelques pages un digest des faits marquants de la vie et de l’œuvre […] déclarations ou discours plus cernés qui flanquent les illustrations des catalogues et ces projets, déclarations d’intention, recensions et descriptions a posteriori propres à l’art de l’installation […] informations, tracts et autres communiqués de presse dont les journalistes et le public se voient gratifiés [xv]. »

Les organisateurs d’exposition accompagnent le mouvement ; à la critique récurrente adressée aux expositions à thème répondent des expositions dont la seule liste de noms prétend faire histoire [xvi] (c’est-à-dire en somme l’utilisation du seul argument d’autorité), ou encore le refus de scénographier l’exposition (c’est-à-dire la substitution d’une parataxe à la syntaxe de l’ensemble articulé des œuvres), l’organisateur de l’exposition de groupe finissant par mettre chaque artiste dans une boîte séparée [xvii] : les procédures muséographiques accompagnent en somme le retrait obligé de l’histoire. Tout se passe comme si, discrédité en tant que discours dérivé d’une théorie générale préformée, le discours sur l’œuvre n’avait d’autre choix que de se fondre dans le discours singulier de chaque artiste, de lui laisser la place ou de le paraphraser. Le dilemme de l’étude monographique devient celui-là même de l’histoire de l’art placée face à des objets singuliers réfractaires à toute assignation. L’une comme l’autre peuvent-elles échapper à cet écartèlement entre discours local, tenu pour secondaire, et discours « autorisé », plus ou moins inféodé au système de production de la valeur économique de l’art ?

Considérer l’étude monographique consacré à un seul artiste comme un outil privilégié de l’investigation historique ? La réévaluation de ce type d’étude locale supposait un renversement de perspective. La méthode utilisée fut pratiquée avant que d’être théorisée, et en donnant ici les grandes lignes de son état abouti, on ne saurait faire croire à sa préméditation. Si les monographies écrites ont fini par posséder au fil du temps un « air de famille », c’est qu’elles partageaient un même outillage théorique de plusieurs provenances : de l’analyse du discours et de la pragmatique intégrée, d’abord (implicitation, actes de langage) ; de la sémiotique de Charles Sanders Peirce, ensuite (interprétant, abduction, ground) ; de sa relecture par Umberto Eco [xviii] qui fait le lien avec d’autres concepts (encyclopédie, frame, topic)  ; de Warburg (Pathosformel, Nachleben) ; de sa relecture par Carlo Ginzburg [xix], enfin (micro-histoire, changement d’échelle, focalisation, paradigme indiciaire). Ajoutons qu’en plus le souci archéologique est demeuré présent.

Archives

En dépit de la singularité revendiquée des œuvres qui nous occupent, l’objet de la monographie « abductive », tel qu’il est exposé ici, n’est pas une œuvre isolée, coupée de tout rapport, mais un objet qui n’est accessible que construit par des archives. La nature même de cet art — mais aussi le mouvement général de l’interprétation — détermine directement celle de ces archives : celles-ci n’ayant pas une existence séparée précédant l’analyse, mais étant à « inventer » cas par cas, « pour les besoins de la cause ». Une tendance se dégage pourtant. L’importance des sources écrites dans l’art des trente ou quarante dernières années, la nature directement linguistique de certaines œuvres et plus généralement la difficulté de leur appliquer un quelconque « critère visuel », remettent en question l’idée d’une spécificité des arts plastiques — tenus pour non littéraires et relevant d’une pure visualité (reine Sichtbarkeit, pour reprendre le concept de Fiedler) — et, partant, la possibilité d’une approche purement formaliste ou même phénoménologique. Si la notion de texte permet de rendre compte de l’œuvre en tant que dispositif hétérogène plus ou moins complexe, l’analyse du discours, elle, permet d’analyser les énoncés indépendants qui la portent et la traversent. Faire la généalogie de ces énoncés implique d’étendre la recherche des « sources » à des domaines proches ou lointains qui ne peuvent être définis que cas par cas (également « pour les besoins de la cause ») avant d’en parcourir les ramifications. L’art des trente ou quarante dernières années requiert plus précisément une attention spécifique à tout ce qui permet de rapporter les énoncés à leurs conditions d’énonciation, et à leurs traductions (voir plus loin), ainsi que de se défier de l’aspect ubiquitaire du « Musée imaginaire » pour s’attacher aux modalités de la mise en vue des œuvres.

De Ginzburg à Warburg

Je n’entrerai pas dans une discussion approfondie de la micro-histoire. Disons rapidement que ce courant d’origine italienne, actif tant sur le plan de l’histoire culturelle que de l’histoire sociale, conçoit la monographie non pas comme un outil inerte portant sur un échantillon représentatif, un cadre pratique associé aux règles de la recherche ou la pièce d’un puzzle qui trouve sa place dans un ensemble, mais au contraire comme une stratégie de connaissance. La démarche adverse habituelle consiste à partir du contexte le plus général : en choisissant d’organiser ainsi son interprétation autour de catégories qui surplombent l’œuvre — pour l’histoire sociale : niveaux de fortune, profession, etc. —, l’historien laisse échapper ce qui relève des comportements individuels. A contrario, Carlo Ginzburg et Carlo Poni [xx] font de l’individu l’objet même de l’histoire culturelle et sociale, et c’est à partir de ce marqueur qu’est le nom propre qu’ils entendent reconstruire les trajectoires et les relations sociales les plus complexes.

« C’est au fond, commente Jacques Revel, le vieux rêve d’une histoire totale, mais cette fois construite à partir de la base […] Chaque acteur historique participe, de façon proche ou lointaine, à des processus — et donc s’inscrit dans des contextes — de dimensions et de niveaux variables, du plus local au plus global. Il n’y a donc pas d’hiatus, moins encore d’opposition entre histoire locale et histoire globale [xxi]. »

La monograpie abductive s’inspire de ce modèle, et part de cet autre « nom propre » qu’est chaque œuvre d’art. Cela revient cependant à substituer l’œuvre au « vécu individuel » que les historiens de la micro-histoire mettent en position centrale. Il s’agit donc d’une transposition et non d’une application fidèle de leur méthode. De même qu’on a remarqué combien le « vécu » était une catégorie peu analysée par la micro-histoire et demeurait en quelque sorte sa tache aveugle, de même l’arrière-fond psychologique hante immanquablement la monographie abductive, quand bien même elle se donne, pour objet, l’œuvre.

Estrangement

La psychologie historique a permis tant aux historiens des mentalités qu’à des hellénistes comme Jean-Pierre Vernant de relativiser les catégories mentales selon lesquelles s’organise la vision du monde propre à une culture à un moment donné. Si l’on peut critiquer aujourd’hui l’impasse faite sur la psychanalyse [xxii], il faut reconnaître à ces approches d’avoir introduit, au même titre que l’anthropologie de Claude Lévi-Strauss ou l’archéologie de Michel Foucault, une certaine reconnaissance du caractère radicalement étranger de catégories qui ne sont plus les nôtres (bien que nous puissions toujours les « traduire » dans le système qui nous est propre).

Ginzburg [xxiii] a récemment ouvert une série d’études sur la perspective et la distance en histoire en faisant la généalogie de l’« estrangement », ce procédé littéraire qui consiste à observer les choses comme si elles étaient vues pour la première fois, grâce à l’artifice d’un narrateur étranger, sauvage ou animal. Il en voit les prémices dans des préceptes de Marc Aurèle comme le « Défais-toi des représentations. Arrête les fils qui agitent les marionnettes. »

« L’éducation morale de soi, commente Ginzburg, demande d’abord l’oubli des représentations fallacieuses, des postulats que l’on croyait évidents, des modes d’identification rebattus et usés par les habitudes perceptives. Pour voir les choses, il nous faut avant tout les regarder comme si elles étaient parfaitement dénuées de sens — comme des devinettes. »

Le procédé se trouve surtout chez les moralistes français des xviie et xviiie siècles (La Bruyère, Voltaire). Le formaliste russe Chklovski [xxiv], qui en relève de nombreux exemples chez Tolstoï, en fait la métaphore de toute production artistique. François Julien [xxv], plus récemment, l’a utilisé de façon originale, en mettant à distance les catégories de la culture occidentale par le fait de les regarder depuis les catégories de la culture chinoise.

La dialectique entre la familiarité des sources et leur mise à distance par estrangement est au principe de la monographie abductive, mais celle-ci adopte ce précepte non sans en changer la portée. Certes, l’art nous apprend à voir d’un œil neuf et l’historien se doit de ne tenir pour connue, dans un premier temps, aucune des catégories « institutionnelles » dont l’œuvre se trouve d’emblée enveloppée, d’oublier la certitude des appartenances à un mouvement (l’art conceptuel, le Land Art, B.M.P.T., Supports/Surfaces, etc.), l’évidence des périodes (la révolution de l’art moderne, le postmodernisme) ou des mots d’ordre (la différence, le quotidien, le corps, le chaos, l’hybridation, le réseau, le genre, etc.) Une difficulté se rencontre cependant. Les discours autorisés, non moins institués, ne cessent de désigner l’œuvre comme échappant à toute catégorie instituée par la critique. Il y a donc lieu d’appliquer le procédé de l’estrangement à ce genre d’énoncé lui-même. Si l’œuvre de ces dernières décennies obéit au modèle de l’anomie, et si l’art fonctionne non seulement comme une instance de distinction, mais aussi comme une sorte de paradigme d’un impératif créatif largement diffusé à l’échelle sociale [xxvi], alors l’œuvre étudiée ressortit bien à cet « exceptionnel normal » avancé par Eduardo Grendi [xxvii] pour rendre compte du fait qu’en partant d’un cas particulier, et en reconstituant son parcours génératif, on peut pointer le caractère en quelque sorte « normal » de sa déviance. Face à la singularité de l’œuvre de ces dernières décennies, le point de vue du Martien permet de transposer à l’artiste ce que disait Flaubert du public quand il entendait le « rattacher […] à la tradition, à l’ordre, à la convention générale [xxviii] ». (Je reviens sur ce point plus loin à propos de la notion d’indice.)

Détail et focalisation

Il y a aujourd’hui une actualité de la lecture symptomatique de la peinture qui, partant d’un détail et rompant avec les vues panoramiques de l’histoire générale ou de l’histoire des idées et des formes, procède à de nouvelles interprétations. Les historiens de l’art, en la matière, se placent volontiers sous la protection tutélaire d’Aby Warburg et de sa célèbre sentence, « Der liebe Gott steckt im Detail », le bon Dieu qui « habite dans les détails » étant celui de l’histoire. Le sous-titre du livre de Daniel Arasse [xxix], Pour une histoire rapprochée de la peinture, suggère à ce propos que l’histoire de l’art est affaire de focalisation, de sélection et de découpage dans un continuum, de mise au point et de profondeur de champ. Les historiens, quant à eux, soulignent l’importance du changement d’échelle, du jeu entre le macro et le micro [xxx]. La monographie abductive épouse ce parti pris perspectiviste, et choisit d’appréhender les œuvres d’un point de vue délibérément partiel.

Indice

L’historien part toujours du présent, remarquait Marc Bloch : « Pour avoir omis de pratiquer, quand et où elle s’imposait, une méthode prudemment régressive, les plus illustres d’entre nous se sont parfois abandonnés à d’étranges erreurs. » Car, ajoutait-il, « dans le film qu’il considère, seule la dernière pellicule est intacte [xxxi] ». L’erreur consiste, partant de prétendues origines, à développer un récit chronologique, alors qu’il faut suivre le chemin inverse et partir de la « dernière pellicule », « indice » des âges qui ont précédé.

« Pour premier caractère, la connaissance de tous les faits humains dans le passé, de la plupart d’entre eux dans le présent, a d’être, selon l’heureuse expression de François Simiand, une connaissance par traces [xxxii]. »

« L’histoire, par nature, est sémiotique, dit Ouspenski, en ce sens qu’elle présuppose une certaine sémiotisation de la réalité : la transformation du non-signe en signe, de la non-histoire en histoire [xxxiii]. » Le paradigme de la sémiotique historique remonte à la sémiotique médicale. C’est, selon Ginzburg [xxxiv], qui reprend là une remarque déjà ancienne, un paradigme indiciaire. Il a animé les meilleurs historiens « de Warburg à Gombrich ». Il est partagé par des discours très différents, tous apparus au xixe siècle : le roman policier et les méthodes d’enquête, la méthode de Morelli pour l’identification des œuvres d’art, et enfin la psychanalyse. Edgar Wind [xxxv] a rapproché l’intérêt de Morelli pour le détail du goût romantique pour le fragment. Pour Friedrich Schlegel, l’intérêt du fragment tient à son caractère organique, à son rapport à la totalité. Le 14e de ses Fragments critiques l’énonce ainsi : « En poésie également, toute totalité pourrait être fraction, et toute fraction à vrai dire totalité [xxxvi]. » Cependant, si la pluralité des fragments fait signe vers la totalité,

« la totalité fragmentaire ne peut être située en aucun point […] Chaque fragment vaut pour lui-même et pour ce dont il se détache. La totalité, c’est le fragment lui-même dans son individualité achevée. C’est donc identiquement la totalité plurielle des fragments qui ne compose pas un tout (sur un mode disons mathématique), mais qui réplique le tout, le fragmentaire lui-même, en chaque fragment [xxxvii]. »

L’analogie est trompeuse. De l’indice au fragment, la relation est moins d’équivalence que fonctionnelle et emboîtée : l’indice faisant signe vers la totalité fragmentaire de l’œuvre qui elle-même est signe de la totalité.

Pour les œuvres qui possèdent une forme coulée dans un mode d’expression conventionnel, il est certes possible de détecter des indices qui singularisent stylistiquement tel ou tel artiste. Mais que faire avec des œuvres qui offrent peu de régularité au plan de l’expression ? Sans compter que bien souvent la neutralité des moyens employés dénie toute « main de l’artiste ». Et pour ne pas parler du procès de psychologisme que l’on peut intenter à Morelli. Les détails significatifs existent pourtant bel et bien dans l’art, depuis les néo-avant-gardes jusqu’à aujourd’hui. Ils sont simplement rarement dans le « coup de pinceau ».

Quelle cause rechercher ? Lacan dit qu’il n’y a de cause que de ce qui cloche [xxxviii]. On peut donc chercher ce qui rompt le glacis des catégories du discours critique tout fait. C’est comme pour les découvertes scientifiques : il y a, pour reprendre la distinction de Thomas Kuhn [xxxix], le temps où l’on s’installe dans un paradigme, puis le temps de crise où l’on doit expliquer les anomalies. La monographie abductive. adopte ici un double point de vue. Dans un premier temps, elle semble peu faire fond sur le paradigme ; elle tente de rendre compte de l’anomalie ; elle part, dans son objet, du point sur lequel elle achoppe, du détail qui cloche. Relisant l’entretien d’un artiste, ou la liste des titres de ses œuvres, ou encore examinant à la loupe les détails d’une vue d’exposition, l’historien-interprète se surprendra parfois à pratiquer une sorte d’attention flottante — l’œuvre d’un artiste ayant toujours quelque chose d’opaque, il faut bien l’attraper par un bout ! Le terme de « symptôme [xl] » pourrait servir à dénommer ce point de résistance aux catégories de l’histoire, qui sert de point de départ à l’investigation ; il doit cependant être manipulé avec prudence : la monographie abductive n’est pas de la psychanalyse appliquée [xli], son objet n’est pas le discours d’un analysant ; Ginzburg, s’il range en tant que traces le symptôme médical, l’indice policier et les signes picturaux sous le même paradigme indiciaire, prend cependant soin de les distinguer.

Selon un second point de vue, la monographie abductive tient pour étrange le fait que l’anomalie soit elle-même, dans l’art du temps présent — mais cela est sans doute vrai pour toute la modernité (c’est-à-dire pour tout l’art de l’époque contemporaine) —, érigée en système, ou, pour le dire autrement, que l’anomalie soit constitutive du paradigme de cet art. Ce second point requiert de dépasser le face à face du couple anomalie-paradigme, de le dialectiser. Les indices de la contamination de l’ordre paradigmatique par l’écart, la différence, l’altérité, l’anomie, etc. (on peut trouver bien des mots rendant compte de la fonction en jeu dans l’« anomalie » de Kuhn), sont nombreux. On pourrait donc dire de façon paradoxale que la recherche d’indice, l’écoute flottante ou la détection symptomale visent à la fois l’anomalie et le paradigme.

Morphologie

Carlo Ginzburg a défini sa méthode comme étant « plus morphologique qu’historique [xlii] », en renvoyant à Goethe et à Propp. Il évoque aussi les noms de Lévi-Strauss et Dumézil, car « la permanence d’un phénomène à travers les âges suppose des explications d’origine structurale ». C’est là où « la démarche morphologique et la démarche structurale se rencontrent [xliii] ». Un des modèles qu’il cite est aussi celui des Pathosformeln de Warburg. Si celles-ci sont « des témoignages d’états d’âme devenus images », elles ont cependant une extension qui dépasse le seul champ des arts visuels. Ces formulæ fonctionnent, a remarqué Gertrud Bing, comme les formes conventionnelles que la rhétorique nomme des topoï, des lieux. Elles sont « davantage liées par une fin expressive commune que par une ressemblance formelle [xliv]. » Dans sa Note préliminaire à son étude sur La Naissance de Vénus et Le Printemps, de Boticelli, Warburg se référait explicitement à l’esthétique psychologique de Robert Vischer et à sa théorie de l’Einfühlung que reprendra Theodor Lipps. La Pathosformel est perçue inconsciemment, c’est une expression qui agit par identification émotive.

Introduire le pathos pose le problème de la scientificité du paradigme indiciaire. Ginzburg pense qu’il est impossible d’en éliminer une forme de « rigueur élastique ».

« Il s’agit de formes de savoir essentiellement muettes — dans le sens où, nous l’avons déjà dit, leurs règles ne se prêtent ni à être formalisées, ni même à être dites. Personne n’apprend le métier de connaisseur ou l’art du diagnostic en se bornant à mettre en pratique des règles préexistantes. Dans ce type de connaissance entre en jeu (dit-on couramment) des éléments impondérables : le flair, le coup d’œil, l’intuition [xlv]. »

Il ne s’agit pas, ajoute-t-il, de l’intuition « haute » ultrasensible des divers irrationalismes modernes, mais d’une intuition basse, plus largement répandue et sans frontières.

Survivance et anachronisme

L’analyse des phénomènes de survivance (Nachleben) par Warburg et ses successeurs peut être mise en parallèle avec celle de la longue durée par les historiens de l’École des Annales. Georges Didi-Huberman [xlvi] a cependant montré que l’histoire culturelle restait lestée, encore aujourd’hui, par les présupposés de concepts comme ceux de Zeitgeist, de mentalité ou d’outillage mental, et ne parvenait pas à se départir d’une conception synchronique de l’histoire.

L’étude des Nachleben n’est pas celle de la persistance des modèles classiques, dans la lignée d’un Winckelmann, mais celle de la réappropriation vivante de formules anciennes réadaptées pour l’occasion. (Pour Warburg, « l’Antique n’est pas un modèle à imiter, mais précisément ce qui aujourd’hui fait retour [xlvii] ».) Commentant le Jugement de Pâris et la récurrence du thème du choix, depuis les mythes indo-européens jusqu’à la Renaissance, Hubert Damisch remarque que

« La règle qui est celle de la pensée structurale (mais qui recoupe, là encore, le propos qui fut celui d’Aby Warburg) vaut ici comme ailleurs : ce qui compte est moins ce qu’une œuvre — qu’elle soit d’art ou de philosophie — représente ou manifeste, que ce qu’elle transforme, fût-ce à en altérer ou à en pervertir la forme sinon le sens [xlviii]. »

Autrement dit le Nachleben est moins la survivance d’une forme culturelle que sa « transformation » ; Warburg, s’il s’intéressa aux images en mouvement [xlix], étudia aussi leurs migrations et leurs mutations.

Poursuivant la réflexion sur les phénomènes de survivance, Didi-Huberman fait du « symptôme » un concept qui précise celui d’anachronie.

« Mais qu’est-ce qu’un symptôme, sinon précisément l’étrange conjonction de ces deux durées hétérogènes : l’ouverture soudaine [ailleurs il parle de déchirure] et l’apparition (emballement) d’une latence ou d’une survivance (îlot d’immobilité). Qu’est-ce qu’un symptôme sinon l’étrange conjonction de la différence et de la répétition ? L’“attention au répétitif” et aux tempi toujours imprévisibles de ses manifestations — le symptôme comme jeu non chronologique de latence et de crises —, voilà peut-être la justification la plus simple d’une nécessaire entrée de l’anachronisme dans les modèles de temps à utiliser par l’historien [l]. »

L’accent mis sur les tempi de la répétition, sur la déchirure, c’est la tentative d’éclairer d’un jour nouveau l’hétérogénéité du temps historique que maints historiens avaient déjà constatée.

Si chaque œuvre a sa propre temporalité interne (comme il a été dit plus haut), la difficulté rencontrée par la monographie abductive est de ne pas dissoudre l’histoire en une multiplicité de tempi sans relations. Il n’est pas interdit de dresser une typologie des survivances, ni d’en dater les occurrences — sans perdre de vue à cet égard que ces survivances traversent les œuvres et ne leur sont pas superposables. L’histoire, encore une fois, ne saurait s’identifier aux discours autorisés sur la singularité de l’œuvre.

D’Eco à Peirce (avec retours sur Ginzburg et Warburg)

Dans son étude sur la divination en Mésopotamie antique, Jean Bottéro [li] a utilisé le terme de « divination déductive » pour caractériser les types de divination qui mettent en jeu « une activité mentale de l’homme, une sorte de déduction ». Au moment de faire l’archéologie du « paradigme indiciaire » dans l’article « Spie » déjà cité, Ginzburg a recours à cette étude de Bottéro, mais juge que le matériel que celui-ci a rassemblé contredit le terme de « déduction » employé : car la divination consiste plutôt à « induire les causes en partant des effets ». Une note précise qu’il a en vue « l’inférence que Pierce [sic] a appelée “présomptive” ou “abstractive”, en la distinguant de la simple induction [lii] ». Comme en réponse à « Spie », Umberto Eco constatera en 1990 :

« Maintes théories contemporaines ont assimilé l’abduction aux procédures conjecturales des médecins et des historiens (cf. Ginzburg 1979). Un médecin recherche des lois générales aussi bien que des causes spécifiques et particulières, un historien travaille à l’identification de lois historiques aussi bien que de causes particulières d’événements particuliers. Dans les deux cas, médecins et historiens émettent des conjectures sur la qualité textuelle d’une série d’éléments apparemment séparés. Ils opèrent ainsi la reductio ad unum d’une pluralité. Découvertes scientifiques et médicales, enquêtes criminelles, reconstitutions historiques, interprétations philologiques de textes littéraires (attribution à un certain auteur à partir de clés stylistiques, “fair guesses” sur des mots ou des phrases perdus) sont des cas de pensée conjecturale. Voilà pourquoi je crois que l’analyse des procédures conjecturales dans l’enquête criminelle peut éclairer d’un jour nouveau les procédures conjecturales en science, et la description des procédures conjecturales en philologie peut éclairer d’un jour nouveau les diagnostics médicaux [liii]. »

Cette amorce de dialogue entre nos deux auteurs italiens est importante car elle raccorde en quelque sorte micro-histoire et sémiotique, et justifie de la sorte le présent exposé, qui ne fait que développer ce lien.

L’abduction

Pour comprendre la portée de l’abduction, il faut saisir que le mouvement de construction du sens à travers les signes (ce terme étant entendu au sens large : un texte, une œuvre, etc., est un signe), la sémiosis, est essentiellement pour Peirce, une activité logique qui met en relation des termes, et développe inconsciemment une sorte d’argumentation ; l’activité sémiotique procède donc par inférence. L’abduction est une inférence dont le mouvement est distinct de celui de l’induction (inférence d’une règle à partir d’un cas et d’un résultat) ; elle se rapproche de l’hypothèse qui infère un cas à partir d’une règle et d’un résultat : mais au lieu d’isoler une règle déjà codée à laquelle on corrèle un cas par inférence, l’abduction, selon Umberto Eco [liv], « est l’adoption provisoire d’une inférence explicative devant être soumise à vérification expérimentale, et qui vise à trouver également, en même temps que le cas, la règle [lv] ». C’est la sorte d’hypothèse que nous faisons — Peirce a d’abord assimilé abduction et hypothèse —, « lorsque nous constatons une circonstance curieuse, qui pourrait s’expliquer en supposant que c’est un cas d’une règle générale, et que nous adoptons cette supposition [lvi] ». Nous procédons par abduction comme l’on répond à une devinette : « Abduction is nothing but guessing [lvii] », dit Peirce. (On a vu plus haut que Ginzburg plaçait la « forme simple [lviii] » de la devinette au centre de son archéologie de l’indice.)

L’interprétant

Peirce [lix], le père de la sémiotique et de la pragmatique, a fondé sa théorie du signe sur une relation triadique, celle unissant un representamen à son objet par l’intermédiaire de son interprétant. Pour éclairer notre propos, et sans entrer dans le détail d’une terminologie complexe, on commentera rapidement l’une de ses célèbres définitions :

« Un signe, ou representamen, est quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre. Il s’adresse à quelqu’un, c’est-à-dire crée dans l’esprit de cette personne un signe équivalent ou peut-être un signe plus développé. Ce signe qu’il crée, je l’appelle l’interprétant du premier signe. Ce signe tient lieu de quelque chose : de son objet. Il tient lieu de cet objet, non pas sous tous rapports, mais par référence à une sorte d’idée que j’ai appelée quelquefois le fondement du representamen [lx]. »

L’objet  : Par objet, il faut entendre toutes sortes de choses qui vont entrer dans la représentation. Un objet peut être complexe : par exemple, tout l’œuvre d’un artiste ou un groupe d’œuvres. L’objet peut être perceptible, imaginable ou abstrait (ce peut être un autre signe) : par exemple, l’idéologie de l’artiste, ou son monde imaginaire.

Le representamen  : Peirce a proposé la distinction fameuse entre symbole, icône et indice. Cependant, tout l’œuvre d’un artiste du temps présent étant un objet complexe, hétérogène, l’interprétation n’a jamais à faire à des signes purs [lxi]. Ce qui intéresse la monographie abductive, c’est l’œuvre en tant que production symbolique globale. Le meilleur concept pour désigner cette production symbolique complexe est sans doute celui de « texte ».

L’interprétant  : Le sens d’un signe, dit Peirce, c’est « le signe dans lequel il doit être traduit [lxii] ». Le signe ne renvoie à son objet qu’en fonction de la relation tierce d’interprétance. La formule de Peirce ne se limite donc pas à l’aliquid stat pro aliquo. Le representamen « tient lieu de », mais aussi « tient lieu pour » et « sous un certain rapport » ; l’interprétant n’étant pas l’interprète, mais un autre signe produit pour rendre compte du premier.

L’interprétance ou sémiosis  : Un interprétant étant avancé, il en faut un troisième pour en rendre compte à nouveau, dans un mouvement d’interprétance, la sémiosis, qui en droit est infini. (On verra cependant qu’en fait elle a des limites.)

Le fondement  : La sémiosis n’a lieu que par rapport au ground. Qu’est-ce à dire ?

« Le fondement, explique Eco, est un attribut de l’objet en tant qu’il a été sélectionné d’une certaine façon et que seuls quelques-uns de ses attributs ont été rendus pertinents de façon à construire l’Objet immédiat du signe […] L’Objet immédiat est la façon dont l’Objet dynamique est focalisé, cette façon n’étant pas autre chose que le fondement ou signifié […] L’Objet dynamique motive le signe, mais le signe à travers le fondement institue l’Objet immédiat, qui est interne, c’est une idée, une représentation mentale [lxiii]. »

C’est une qualité saisie comme une « idée générale », un « caractère attribué ». C’est, « parmi tous les attributs généraux possibles de l’objet, celui qui a été choisi pour cerner l’objet sous quelque rapport [lxiv] ». Dans la mesure où il est le produit d’une telle sélection, il a un caractère schématique : c’est une sorte de « diagramme squelettique », une « ébauche de profil ».

L’interprétant immédiat, ou première hypothèse, est de l’ordre de l’affect. Il y a dans l’abduction une sorte d’observation :

« Car qu’est-ce que l’observation ? C’est l’élément imposé de force dans le déroulement de notre vie, c’est ce dont la conscience nous est imposée par une force occulte résidant dans un objet que nous contemplons. L’acte d’observation consiste, de notre part, à céder à cette force majeure… Or cette reddition [surrender] que nous accomplissons dans la Rétroduction [autre nom donné par Peirce à l’abduction], c’est une reddition à l’instance d’une force. L’hypothèse, comme disent les Français, c’est plus fort que moi [lxv]. »

« The abductive suggestion comes to us like a flash. It is an act of insight, although of extremely faillible insight [lxvi] » dira encore Peirce, qui ajoute que la force de l’hypothèse, c’est son « urgency [lxvii] ». L’« insight » n’est pas à proprement parler une intuition sensible. « It comes », c’est-à-dire qu’il survient, qu’il m’arrive. Il s’agit d’une hypothèse immédiate qui surgit comme une émotion, c’est une forme de pathos [lxviii] que l’on peut rapprocher de ce que Warburg décèle dans les Pathosformeln, en raison même du fait que, dans les deux cas, le pathos est sémiotisé et qu’un « intelligible » est déjà en jeu.

Sémantique et encyclopédie

C’est en relisant Peirce qu’Umberto Eco en est venu à faire évoluer la sémiotique continentale sur deux points qui nous intéressent. (i) En ce qui concerne l’examen de la structure de la signification, il n’est plus possible dans l’analyse des champs sémantiques d’en rester aux schémas binaires, ni de viser des universaux comme le faisait encore Greimas. Le paradigme gnoséologique mis en œuvre n’est plus le dictionnaire, mais l’encyclopédie [lxix] avec sa structure ouverte de renvois multiples.

« Sa conception du signe [celle de Peirce] s’étend aussi à des textes ; c’est pourquoi la notion d’interprétant concerne des processus de traduction beaucoup plus vastes et complexes que les processus élémentaires de synonymie ou de définition lexicale. Nous pourrions dire que parmi les interprétants du mot /enfant/, il n’y a pas seulement des images d’enfants ou des définitions du type “mâle humain non adulte”, mais aussi, par exemple, l’histoire du massacre des Innocents. Le problème est uniquement comment faire fonctionner la sémiosis illimitée pour en parcourir tous les raccords [lxx]. »

(ii) Le second point débouche sur une conception pragmatique du sens. Ce n’est jamais toute l’encyclopédie qui est ouverte, mais des secteurs déterminés en fonction d’inférences abductives, qui permettent d’anticiper et de corriger progressivement le contexte délimité, ou « monde possible ».

« Par quoi est convoquée cette pression contextuelle ? Soit a) par l’identification d’un thème ou topic et, en conséquence, du choix d’un parcours d’interprétation ou isotopie ; soit b) par la référence à des frames ou scénarios intertextuels qui permettent d’établir de quoi on parle, mais aussi sous quel profil, à quelles fins et dans quelles directions prévisionnelles on en parle [lxxi]. »

Une telle conception de la sémiotique, qui ne sépare pas le signe de la sémiosis, fournit à mon sens un cadre solide à l’histoire et à la critique de l’art. Avec les concepts de sémiosis, d’interprétant et d’encyclopédie, la sémantique trouve une forme intentionnelle [lxxii] non subjective, là où les prétendants habituels pour rendre compte du « contenu » — l’herméneutique, la psychologie, voire la sociologie et l’histoire traditionnelles —, se proposent le plus souvent comme des méthodes d’interprétation d’un « vouloir dire ».

La métaphore de la carte, utilisée par les historiens [lxxiii] pour expliquer les effets de focalisation liés aux changements d’échelle, est également utilisée par Eco pour expliquer l’idée qu’on ne sollicite jamais qu’une portion de l’encyclopédie globale virtuelle.

« Pour d’Alembert, dans son discours introductif à l’Encyclopédie, il était clair que toute structure en arbre est le moyen provisoire de discipliner et de sélectionner les points d’une “carte” qui pourraient être connectés autrement […] Le philosophe est celui qui sait regarder ce labyrinthe en en découvrant les connexions secrètes, les ramifications provisoires, les dépendances mutuelles qui constituent ce réticule comme une mappemonde. C’est pourquoi, les articles de l’Encyclopédie ne peuvent être que des cartes particulières qui rendent, en modèle réduit uniquement, la mappemonde, “les objets sont plus ou moins rapprochés et présentent un coup d’œil différent selon le point de vue du géographe” et “on peut donc imaginer autant de systèmes différents de la connaissance humaine que de mappemondes de différentes projections” […] [lxxiv] »

Quant à l’image qui modélise le parcours dans l’encyclopédie, c’est celle du réseau : « Le modèle de l’encyclopédie sémiotique n’est donc pas l’arbre, mais le rhizome [lxxv] » de Deleuze et Guattari [lxxvi].

À vrai dire, aucun interprétant n’a l’extension de l’espace mental virtuel total de l’encyclopédie. Une seconde image est donc nécessaire pour rendre compte de la portion qu’il sélectionne ou « monde possible ». Inventer un interprétant, à cet égard, revient à constituer un Denkraum [lxxvii], un espace mental qui ressemble à un cabinet de curiosité, un lieu où, comme le sauvage de Warburg dans le totémisme, l’esprit trouve l’« enchaînement continu » qui répond à son besoin de causalité. Ne nous trompons pas sur le terme « lieu » : il doit être pris en son sens rhétorique. C’est le lieu commun des idéalités, des concepts ou des quasi-concepts comme dit Peirce, celui où ils communiquent. Le musée ou l’exposition, qui mettent en vue les œuvres, leur offrent aussi l’unité mentale nécessaire à leur interprétation. L’invention critique ou historique joue le même rôle. On a du reste constaté la congruence du développement du musée et de l’histoire de l’art, le premier permettant de tester physiquement des modes de discrimination et de classement que la seconde verbalise. Il n’y a pas de rapport possible avec les œuvres sans un lieu. À et égard, critiquer l’art d’aujourd’hui comme un art d’institution ne peut qu’aboutir à déplacer ce lieu (chez le collectionneur, dans un squat, dans la rue, sur le net, ou ailleurs). Tout aussi significatif est la tendance de certains artistes qui non seulement mettent en vue des œuvres, c’est-à-dire communiquent des signes, mais aussi conçoivent des salles voire des expositions entières, c’est-à-dire en somme, veulent prescrire le lieu à visiter mentalement, et ainsi limiter la portion d’encyclopédie que doit parcourir le spectateur modèle qu’ils programment.

Le Denkraum fournit une image unitaire du « monde possible », découpé dans l’encyclopédie virtuelle globale. Si l’on met l’accent sur le fait que ce monde possible est lui-même fait de tensions entre des traditions qui le polarisent, ou encore que le monde symbolique occupe une position intermédiaire entre le monde des forces primitives et la conscience rationnelle, entre celui des images comme causes et celui des images comme signes, il faut alors préférer le terme warburgien de Zwischenraum [lxxviii]. Car la navigation entre les sources hétérogènes de l’encyclopédie nous place toujours « dans l’intervalle » entre histoire et anthropologie, « entre » les sciences humaines en général.

Parcourir tous les raccords de l’encyclopédie, comme nous y invite Eco, c’est parcourir un réseau fait de lectures et de références, de livres et de bribes de livres et passer de l’un à l’autre guidé par des connexions singulières, selon des associations motivées par l’objet de l’interprétation. Ce réseau labyrinthique ressemble à celui de la bibliothèque de Warburg, qu’Ernst Cassirer, qui la visita, qualifia également de « labyrinthe ». Le principe du « bon voisinage » présidait à son ordonnancement :

« Le livre qu’on était en train de chercher n’était pas nécessairement celui dont on avait besoin ; car le livre “voisin” sur l’étagère pouvait contenir des informations essentielles pour la recherche, même si cela n’était pas évident d’après le titre […] Les livres étaient pour lui beaucoup plus que de simples instruments de recherche. Rassemblés, rangés en ordre et devenus accessibles au lecteur, ils exprimaient la pensée humaine dans ses aspects constants et changeants […]. Il tenait à mettre les livres de philosophie à côté de ceux d’astrologie, de magie, de folklore, et à rapprocher les sections sur l’art de celles sur la littérature, la religion et la philosophie [lxxix]. »

Écrire une monographie abductive revient, toute révérence gardée, à organiser une portion de ce genre de « bibliothèque » à la Warburg. Le chantier d’écriture se traduit de façon tangible par l’accumulation de piles de livres, lesquelles au gré de l’avancée de l’étude augmentent, se transforment et changent d’emplacement. La monographie abductive terminée, les ouvrages vont retrouver leur place usuelle (C.D.U., classification Dewey, ou tout autre plus fantasque propre à l’auteur). Le temps du chantier, ils ont constitué une bibliothèque temporaire dont la classification reflétait les connexions mentales que le sujet étudié a suscitées.

L’invention d’un interprétant complexe se fait donc en parcourant des portions d’encyclopédie. Chaque notion examinée n’est pas soumise à une activité classificatoire qui la rangerait sous un paradigme, mais plutôt mise en relation avec des modèles prototypiques dont elle se trouve plus ou moins proche. Le sens a donc l’allure d’une nébuleuse aux contours flous, et l’interprétant ne ressortit pas à une logique bivalente, mais à une logique du vague [lxxx]. L’énoncé, « l’artiste X appartient au mouvement M », a donc toutes les chances d’être soit celui, performatif, d’un critique, soit celui d’un historien dogmatique. Les énoncés valides pour un historien conséquent sont des énoncés modaux du genre : « X, dans un temps t0, a fait les œuvres œ1, œ2, œ3, œ4 et œ5 ; il a été inclus dans un temps t1 dans un article du critique C1, illustré par œ1, œ2 et œ4, dans une liste d’artistes <X, V, Y, Z>, que C1 a dénommée « mouvement Ma », en lui donnant la définition Ma1 ; dans un temps t2, il a participé à une exposition du commissaire C2, avec les œuvres œ1, œ2, œ3 et œ5, exposition dans laquelle figuraient les artistes <X, T, V, W, U>, que C2 a intitulée « Nouveaux Ma », en donnant à Ma la définition Ma2 (différente de Ma1) ; dans un temps t3… »

Traduction

La fonction sémiotique est essentiellement une fonction de traduction.

« Les unités culturelles, dit Eco, sont des abstractions méthodologiques mais ce sont des abstractions “matérialisées” par le fait que la culture traduit continuellement des signes en d’autres signes, des définitions en d’autres définitions, des paroles en icônes, les icônes en signes ostensifs, les signes ostensifs en nouvelles définitions, les nouvelles définitions en fonctions propositionnelles, les fonctions propositionnelles en énoncés exemplificatoires, et ainsi de suite ; elle nous propose une chaîne ininterrompue d’unités culturelles qui composent d’autres unités culturelles [lxxxi]. »

L’historien manipule plusieurs types de traductions. (i) Les artistes depuis une quarantaine d’années sont eux-mêmes coutumiers d’une triple traduction : — les œuvres réélaborent des sources esthétiques en provenance de champs extérieurs (histoire, politique, culture de masse, vie quotidienne, etc.) ; — ces traductions sont « parlées » dans le jargon des « récits autorisés » ; — ce jargon est lui-même l’acclimatation de concepts empruntés au champ des sciences humaines, voire aux sciences dures. (ii) La logomachie critique, pour l’essentiel, opère de même, mais à plus grande échelle : — elle peut paraphraser les traductions déjà proposées par l’artiste dans ses textes et déclarations ; — elle peut, en bon « lecteur modèle », expliciter les traductions implicites prévues par l’œuvre ; — elle peut avancer des traductions aberrantes que l’œuvre ne prévoyait pas. (iii) Comme tout interprète, l’historien ajoute aux précédentes ses propres traductions. La différence entre le critique et l’historien (et il faudrait même ajouter l’artiste) ne réside donc pas dans leur position commune d’interprète, pas plus du reste que dans leur position métadiscursive. La différence de l’historien tient dans le type de métadiscours qu’il tient. Il part du temps présent (cf. le mot de Bloch [lxxxii] cité ci-dessus) et remonte la chaîne des discours jusqu’à l’œuvre, en sens inverse de sa fortune discursive. Là où le critique opère des traductions, l’historien les date. Pour reprendre l’exemple de l’artiste X, auteur de œ1, œ2, œ3, œ4 et œ5, quand le critique énonce « mouvement Ma » ou « Nouveaux Ma », l’historien est attentif à l’émergence de marqueurs pragmatiques [lxxxiii] tels que : la mise en vue des œuvres, les récits autorisés dont elles sont l’objet, leurs commentaires par la critique, leurs insertions dans des listes, la publication de leur reproduction, leur utilisation comme fond de décor du journal télévisé, etc. L’œuvre œ1, n’a donc pas le même sens au temps t0 que dans les traductions dont elle est l’objet aux temps t1 et t2. Le temps t0 est lui-même à considérer avec prudence : on ne peut l’enregistrer que s’il est marqué pragmatiquement (l’œuvre dans l’atelier vue par un témoin, ou l’œuvre créée en installation lors de telle exposition) ; un énoncé comme « j’ai conçu cette œuvre en t0 » appartient au temps tn où il est proféré, et non au temps t0. Le temps t0, par ailleurs se diffracte : est-ce celui de la conception, des esquisses, du projet, de la maquette, de la réalisation, de l’installation, de l’exposition ? Son chiffre même induit une origine trompeuse. L’œuvre au temps t0 a déjà été le fruit de multiples traductions d’unités culturelles, qui ont eu lieu dans des temps t-1, t-2, t-3, etc. La tâche de l’historien est aussi de remonter le temps depuis chaque traduction, pour en faire la généalogie, et ainsi de mettre à jour les « survivances ».

On doit à Michel Serres le premier programme d’histoire culturelle, proposant d’« examiner l’opération de traduire » :

« Non pas de la définir dans l’abstrait, mais de la faire fonctionner au plus large et dans les champs les plus divers. À l’intérieur du savoir canonique et de son histoire, le long des rapports de l’encyclopédie et des philosophies, du côté des beaux-arts et des textes qui disent le travail exploité [lxxxiv]. »

Il s’agissait pour lui de relever et de décrire les transformations subies par des messages quand ils sont importés d’une pratique ou d’un domaine du savoir à l’autre. Dès que l’on quitte le socle des sciences dures, remarquait-il, la communication ne se fait pas sans transpositions, voire distorsions. La sociologie s’est emparée du concept pour définir des équivalences entre des objectifs hétérogènes chez des acteurs particuliers [lxxxv]. L’opération de traduction « transforme un énoncé problématique particulier dans le langage d’un autre énoncé particulier ». Adopter le point de vue de la traduction permet de dépasser le rapport entre les représentations internes d’un sujet et celles, externes, en provenance du contexte, car cela revient à construire un réseau des traductions et « le réseau n’a ni centre ni périphérie [lxxxvi] ».

La demande d’ouvrir l’histoire de l’art aux sciences humaines s’entend de plusieurs côtés. Régis Michel [lxxxvii] invoque le modèle des « cultural studies, transversales, polymorphes [qui] ont démantelé sans drame l’hégémonie tenace de l’historicisme ». Yves Michaud [lxxxviii] constate que l’histoire de l’art continue implicitement à se référer à un système des arts et à un sens de l’histoire auxquels plus personne ne croit (mais « les historiens et les critiques perpétuent le culte »), c’est pourquoi les sciences humaines « constituent une issue à cette maladie hagiographique et égocentrique » ; elles « peuvent plus que jamais contribuer à l’histoire de l’art — à condition que disparaisse toute trace d’herméneutique ou de téléologie de leur projet comme de leur méthode ».

Notre position est sensiblement différente : les sciences humaines ne jouent pas dans la monographie abductive le rôle de savoir et de grilles de lecture importés. C’est l’art du temps présent lui-même, en tant qu’objet de la monographie, qui est traversé par les discours des sciences humaines, et celles-ci, dans la monographie abductive, sont là moins en tant qu’outils qu’objet de l’analyse, c’est-à-dire comme contenus du discours des œuvres (lequel n’est jamais purement artistique). Prendre la traduction au sérieux c’est, certes, décloisonner l’histoire de l’art. Mais les traductions sont à dater, avons-nous dit, et l’histoire de l’art, si elle doit être au fait des sciences humaines, a d’abord à se rapprocher de l’histoire en général [lxxxix]. Ce passage par l’histoire, devrait permettre de traiter les sciences humaines en tant qu’objets discursifs nourrissant les œuvres. Il n’est pas incompatible avec le projet d’une anthropologie historique, que ce soit celui de Warburg et de ses porte-parole récents ou celui de Ginzburg.

Les limites de l’interprétation

La chaîne des interprétants est en droit infinie. Elle possède cependant en fait deux bornes, deux limites asymptotiques, l’une en amont, l’autre en aval, l’une liée à son point de départ en tant qu’origine phénoménologique, l’autre à sa résolution sociale. Au premier bout de la chaîne, la sémiotique peircienne pose un « objet dynamique », qui pour n’être saisi que par la médiation d’un signe qui le donne comme « objet immédiat », n’en a pas moins une réalité. (Peirce, comme Eco, est réaliste.) Sur ce point la sémiotique a dépassé l’époque ou elle dénonçait l’« illusion référentielle [xc] ».

À l’autre bout de la chaîne, l’interprétant final est ce qui met fin provisoirement à la sémiosis. S’il est clair qu’interpréter une œuvre d’art ne peut conduire à l’adæquatio rei et intellectus chère au réalisme métaphysique, la position qui consiste à la tenir pour interprétable infiniment provient tout autant, d’après Eco, d’un « fanatisme épistémologique ». Invoquer Peirce, comme le font certains derridiens, pour soutenir une « déconstruction » mal comprise est une « dérive hermétique ».

« La sémiosis est virtuellement illimitée, mais nos objectifs organisent, encadrent et réduisent cette série indéterminée et infinie de possibilités. Au cours du processus sémiotique, notre seul intérêt est de savoir ce qui est important en fonction d’un univers de discours déterminé [xci]… »

L’interprétant logique final est donc lié à l’habitude. Il arrive un moment où une suite de lectures entraîne l’assentiment de la communauté au sein de laquelle elle a eu lieu. C’est la communauté qui garantit la vérité relative, « non naïvement réaliste, mais plutôt conjecturale » de l’interprétation.

« Derrida avait raison de soutenir que la phénoménologie de Peirce — contrairement à celle d’Husserl — ne manifeste pas la chose même. [Nul danger, donc que l’on tienne l’interprétant pour la vérité absolue de l’œuvre.] Mais, même si le signe ne manifeste pas la chose même, toutefois, à long terme, le processus de la sémiosis donne naissance à une notion socialement partagée de ce à quoi la communauté reconnaît la qualité d’être vrai. Le signifié transcendantal n’est pas à l’origine du processus, mais il doit être postulé comme un but possible et transitoire de tout processus [xcii]. »

L’alliance de la sémiosis (en droit) infinie et de la vérité (relative) de l’interprétant final devrait sauver l’historien du choix cornélien entre relation incestueuse avec la vérité de l’œuvre et relativisme absolu et complaisant de certains adeptes du Linguistic Turn [xciii]. Comme le remarque pour sa part Ginzburg, la familiarité de l’historien à l’égard de son objet est celle du juge à l’égard de la preuve. Le caractère linguistique de bon nombre de sources ne dilue pas l’histoire à écrire dans le relativisme sceptique. Ce sont des « vitres déformantes qu’il faut comparer », et l’analyse des distorsions propres à chacune d’elles « n’est pas incompatible avec l’idée de preuve [xciv] ».

Notes

[i] . « Contemporain » n’a en histoire ni l’acception du sens commun ni celle que lui donne le milieu artistique, critique ou institutionnel. « Histoire du temps présent », en usage chez les historiens depuis la fondation, en 1980, de l’institut du même nom (IHTP) ne peut lever l’ambiguïté que provisoirement. Cette dénomination possède, hélas ! la même faiblesse que « contemporain » ou « moderne » : elle a un caractère aspectuel. Son sens étant lié à son temps d’énonciation, le contenu d’une « histoire du temps présent » (parlant par exemple des années 1970) s’avérera un jour porter sur un temps qui ne sera plus du tout présent, et le problème rencontré avec « contemporain » resurgira ! Les historiens seraient peut-être mieux avisés d’adopter « âge classique », « âge industriel », « âge postindustriel » ou toutes autres dénominations non aspectuelles. (Sur le problème d’une histoire contemporaine portant sur le temps présent, cf. G. Noiriel, Qu’est-ce que l’histoire contemporaine ?, Paris, Hachette, 1998.)

[ii] . Cette règle est cependant de plus en plus contournée.

[iii] . La Critique d’art dans l’édition européenne, rapport au ministère de la Culture (Délégation aux arts plastiques), Châteaugiron, Archives de la critique d’art, février 1996. Il s’agissait des ouvrages publiés au cours des trente années précédentes, en Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas et Suisse, et disponibles en librairie.

[iv] . Art en théorie 1900-1990, une anthologie par Ch. Harisson et P. Wood, Paris, Hazan, 1997. (Édition originale : Oxford, Blackwell Publ., 1992.)

[v] . Où va l’histoire de l’art contemporain ?, sous la dir. de L. Bertrand Dorléac, L. Gervereau, S. Guilbaut et G. Monnier, Paris, L’Image/École nationale supérieure des beaux-arts, 1997.

[vi] . Sous cette rubrique, on compte : dans le premier numéro (mai 1993), 21 monographies sur 76, dans le second (octobre 1993), 8 sur 39, dans le n° 7 (avril 1996), 17 sur 78, dans le n° 21 (avril 2003), 23 sur 86. La revue ne distingue pas critique et histoire de l’art.

[vii] . Cf. G. Noiriel, op. cit., chap. 1, p. 7-28.

[viii] . « Ironie et objectivité dans l’écriture de l’histoire de l’art », Où va l’histoire de l’art contemporain ?, op. cit., p. 275 sqq.

[ix] . La critique est de Fr.-R. Martin, Culture visuelle et culture artistique, le pouvoir des images dans l’histoire de l’art aujourd’hui, rapport au ministère de la Culture, Délégation aux arts plastiques, sous la dir. de R. Recht, Strasbourg, Université Marc-Bloch, Institut d’histoire de l’art, avril 1998, p. 76.

[x] . Ni Peter Bürger ni Benjamin Buchloh, à qui le terme est parfois attribué, ne l’ont inventé ; il est d’usage dans la critique d’art dès la première moitié des années 1970. Notons cependant l’après coup de la dénomination : la génération des années 1960 (Nouveau Réalisme, Fluxus, etc.) est elle-même souvent qualifiée d’« avant-garde », comme si elle poursuivait les mêmes buts que les générations des années 1910-1920, ce qui est loin d’être le cas. On rencontre la même difficulté avec le « postmodernisme ».

[xi] . À partir de 1966 environ, un foisonnement d’expositions et de publications propose des regroupements à géométrie variable, désigne des appartenances (non exclusives) et avance des dénominations génériques ou sélectives : Rejective Art (L. R. Lippard, 1966), Nonanthropomorphic Art et Normal Art (J. Kosuth, 1967), Conceptual Art (S. LeWitt, 1967), Arte povera (G. Celant, 1967), Microemotive Art (P. Gilardi, 1968), Anti-Form (R. Morris, 1968), Earthworks (1968), Ecologic Art (J. Gibson, 1969), Process Art, Land Art (G. Schum, 1969), Software (J. Burnham, 1970), Body Works (W. Scharp, 1970), Analytical Art (1971), Artitudes (Fr. Pluchard, 1971), Mythologies individuelles (H. Szeemann, 1972), Story Art et Narrative Art (J. Gibson, 1973)… La plupart des artistes concernés sont « à cheval » sur ces dénominations.

[xii] . P. Ardenne, « Dire l’art contemporain à l’âge de sa multiplicité sémantique », Où va l’histoire de l’art contemporain ?, op. cit., p. 433-441.

[xiii] . La Condition postmoderne, Paris, Minuit.

[xiv] . Cf. H. Belting, Das Ende der Kunstgeschichte ?, Munich, Deutscher Kunstverlag, 1983. (*L’Histoire de l’art est-elle finie ?, trad. J.-F. Poirier et Y. Michaud, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1989 : 1re partie, chap. 10 et épilogue.)

[xv] . « Autocritiques », Actes du colloque Une critique d’art en évolution dans une société en transformation, AICA, Bruxelles, 1987, p. 157-164. Quand l’œuvre a lieu. L’art exposé et ses récits autorisés, Genève, Mamco/Villeurbanne, Institut d’art contemporain & Art édition, 1999 : 2e partie, p. 133-311.

[xvi] . Cf., par exemple, l’exposition Individuals. A Selected History of Contemporay Art 1945-1986, Los Angeles, The Museum of Contemporary Art, 1986.

[xvii] . Cf. l’aménagement en salles individuelles de la Halle Tony-Garnier, pour la Biennale de Lyon, L’amour de l’art, en 1991, où le public était invité à ouvrir et refermer des portes, la visite se transformant en une sorte de zapping. À Aperto, à la Biennale de Venise, aux Deichtorhallen, à Hambourg ou ailleurs, on avait déjà eu recours à l’usage du box.

[xviii] . À partir de son Trattato di semiotica generale (*Milan, Bompiani, 1975. A Theory of Semiotics, Bloomington, Indiana U. P./Londres, Macmillan, 1977). Cette relecture s’est poursuivie dans Lector in fabula (Milan Bompiani, 1979. *trad. M. Bouzaher, Paris, Grasset, 1985), Semiotica e filosofia del linguagio (Turin, Einaudi, 1984. *Sémiotique et philosophie du langage, trad. M. Bouzaher, Paris, PUF, 1988), I limiti dell’interpretazione (Milan, gruppo ed. Fabri, Bompiani, Sonzogno, Etas, 1990. *Les limites de l’interprétation, trad. M. Bouzaher, Paris, Grasset, 1992) et Kant e l’Ornitorinco (Milan, Bompiani, 1997. *Kant et l’Ornithorynque, trad. J. Gayrard, Paris, Grasset, 1999).

[xix] . À partir de son article de 1966, « Da Aby Warburg a E. H. Gombrich » (Studi Medievali, 3a, série viii. Repris dans Miti, Emblemi, Spie, Turin, Einaudi, 1986. *« De Aby Warburg à E. H. Gombrich », trad. Ch. Paoloni, Mythes, Emblèmes, Traces. Morphologie et histoire, Paris, Flammarion, 1989, p. 39-96), et surtout avec l’article programmatique « Spie. Radici di un paradigma indiziario » (Turin, 1979 ; repris dans Miti, Emblemi, Spie, op. cit. *« Signes, traces, pistes. Racines d’un paradigme de l’indice », trad. M. Aymard, Le Débat, n° 6, Paris, 1980, p. 3-44 ; repris dans Mythes, Emblèmes, Traces, op. cit., p. 139-180).

[xx] . « La micro-histoire », Le Débat, n° 17, Paris, 1981, p. 133-136. (Original italien : Quaderni Storici, n° 40, 1979.)

[xxi] . J. Revel, « micro-analyse et construction du social », Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Hautes études/Gallimard-Le Seuil, 1996, p. 15-36.

[xxii] . La critique virulente de G. Didi-Huberman (Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris, Minuit, 2000, p. 39-48) ne me semble pas rendre suffisamment justice à ces courants historiques qui nous ont formés à la reconnaissance de l’autre. La liquidation me semble proche de celle de cet universitaire américain qui prétend « en finir avec l’histoire des mentalités ».

[xxiii] . « Straniamento », Occhiacci di legno, Milan, Feltrinelli, 1998. (« L’estrangement », À distance, trad. P.-A. Fabre, Paris, Gallimard, 2001, p. 15-36.)

[xxiv] . V. Sklovski, O teorii prozy, iz-vo « Federatsiia », Moscou, 1929. (*V. Chklovski, Sur la théorie de la prose, trad. G. Verret, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1973, p. 9-28 : « L’art comme procédé ».) Chez Ginzburg, « straniamento » (estrangement) est la traduction littérale du russe « ostranienie ». Verret traduit par « représentation insolite ». L’utilisation de ce procédé est aussi défendue par M. Baxandall (Patterns of Intention, Yale U. P., 1985. *Formes de l’intention, trad. C. Fraisse, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1991, p. chap. iv, § 4 et note 4, p. 235) qui donne « défamiliarisation » comme synonyme d’ostranienie, en citant le mot russe sans dire son origine, et en renvoyant à Frederic Jameson, The Prison-House of Language, Princeton, 1972, p. 50-59.

[xxv] . Le détour et l’accès. Stratégies du sens en Chine et en Grèce, Paris, Grasset, 1995.

[xxvi] . Sur ce point, cf. le génial Sois artiste, du philosophe Joseph Mouton (Traité de politique esthétique, Paris, Aubier, 1994).

[xxvii] . « Micro-analisi e storia sociale », Quaderni Storici, n° 35, 1977, p. 506-520.

[xxviii] . G. Flaubert, Lettre à Louis Bouilhet, Damas, 4 septembre 1850, reproduite in Extrait de la correspondance ou Préface à la vie d’écrivain, présentation et choix de G. Bollème, Paris, Le Seuil, 1963, p. 51 sqq.

[xxix] . Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1992. Cf. aussi G. Didi-Huberman, Devant l’image. Questions posées aux fins d’une histoire de l’art (Paris, Minuit, 1990) qui nomme le détail pictural, un « pan », et H. Damisch, Un souvenir d’enfance par Piero della Francesca (Paris, Le Seuil, 1997), dont l’objet est un seul détail.

[xxx] . Cf. B. Lepetit, « De l’échelle en histoire », in Jeux d’échelles, op. cit., p. 71-94.

[xxxi] . M. Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien [1941], Paris, Librairie Armand Colin, « Cahiers des Annales », n° 3, 1952, p. 15.

[xxxii] . Ibidem, p. 21.

[xxxiii] . B. A. Uspenskij, Storia e Semiotica, Milan, Bompiani, 1988. (*« Histoire et sémiotique » in Lotman et Ouspenski, Sémiotique de la culture russe, trad. et annoté par Fr. Lhoest, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1990, p. 273-316.)

[xxxiv] . « Spie », op. cit.

[xxxv] . Art and Anarchy, 1963. (*Art et Anarchie, trad. P.-E. Dauzat, Paris, Gallimard, 1988, chap. 3, « critique de l’art du connaisseur ».) Sur Morelli, cf. également H. Damisch, « La partie et le tout », Revue d’Esthétique, n° 2, Paris, avril-juin 1970, p. 168-188.

[xxxvi] . Trad. Ph. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, L’Absolu littéraire. Théorie de la littérature du romantisme allemand, Paris, Le Seuil, 1978, p. 82.

[xxxvii] . Ibidem, p. 57 sqq.  : « L’exigence fragmentaire ».

[xxxviii] . Séminaire xi [1964], Paris, Le Seuil, 1973, p. 25.

[xxxix] . The Structure of Scientific Revolutions, University of Chicago Press, 1962. (Nouv. éd. augmentée, 1970. *La Structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972.)

[xl] . Il est avancé et défendu par G. Didi-Huberman : Invention de l’hystérie. Charcot et l’Iconographie photographique de la Salpêtrière (Paris, Macula, 1982) ; Devant l’image. Questions posées aux fins d’une histoire de l’art (op. cit., p. 195-218) ; La Ressemblance informe ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille (Paris, Macula, 1995, p. 165-383) ; Devant le temps (op. cit., p. 40-48).

[xli] . Si la psychanalyse est la science de la relation analytique, alors l’idée même d’une psychanalyse appliquée est problématique.

[xlii] . « Introduction », Mythes, Emblèmes, Traces, op. cit.

[xliii] . C. Ginzburg, « Le sorcier, le juge et l’historien », propos recueillis par M. Fournier, Sciences Humaines, n° 78, Paris, décembre 1997.

[xliv] . G. Bing, « Introduzione », in A. Warburg, La Rinascita del paganesimo antico, Scadicci (Florence), La Nuova Italia, 1966. Ma trad. Passage indiqué par Ginzburg.

[xlv] . Ginzburg 1979/*1989, p. 179.

[xlvi] . Cf. « La leçon d’anachronie », Art Press, n° 185, Paris, 1993, p. 23-25 ; Devant le temps. op. cit., passim  ; L’Image survivante. Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002. (Ce dernier ouvrage contient une bibliographie récente sur Warburg.)

[xlvii] . G. Careri, « Warburg », Critique d’art, n° 12, Châteaugiron, septembre 1998, p. 21 sq.

[xlviii] . Le Jugement de Pâris, Paris, Flammarion, 1992, p. 116.

[xlix] . Cf. Ph.-A. Michaud, Aby Warburg et l’image en mouvement, Paris, Macula, 1998.

[l] . Devant le temps, op. cit., p. 43.

[li] . « Symptômes, signes, écritures en Mésopotamie ancienne », Divination et Rationalité, sous la dir. de J.-P. Vernant, Paris, Le Seuil, 1974, p. 70-197. Cf. également « Divination et esprit scientifique », Mésopotamie. L’Écriture, la raison et les dieux, Paris, Gallimard, 1987, p. 157-169.

[lii] . Ginzburg 1979/*1980, p. 150, et note 38, p. 273 sq. Le vocabulaire de Peirce a varié : Ginzburg vise l’« abduction » commentée ci-après.

[liii] . Eco 1990/*1992, p. 262. (Voir note 19.)

[liv] . Si notre lecture de Peirce passe par Eco, c’est justement en raison de l’accent mis sur le fondement logique, ou si l’on veut argumentatif, de la sémiotique peircienne. La lecture de Peirce dans les années 1960 et 1970, que ce soit celle de Roland Barthes, de Jacques Lacan ou de Julia Kristeva, reste subordonnée à la sémiologie de Hjelmslev. On s’intéresse à la chaîne des signifiants ou à la typologie des signes, ou encore, au mieux, au sein de cette typologie, à la notion d’hypo-icône. Aucun de ces auteurs ne prend sérieusement en compte le caractère inférentiel de la sémiotique percienne. On s’en convaincra en relisant par exemple les « Huit thèses pour (ou contre ?) une sémiologie de la peinture » d’Hubert Damisch (Macula, n° 2, Paris, 1er trimestre 1977, p. 22-23), qui s’attache, en définissant un « niveau sémiotique » — « moment pré-thétique » de l’hypo-icône —, à soustraire la peinture de la relation d’interprétance.

[lv] . Ibidem, p. 262 sq.

[lvi] . Ch. S. Peirce, Collected Papers, 2.624 ; cité par J. Chenu ( op. cit., p. 23) et par Eco 1975, p. 185.

[lvii] . Peirce, Collected Papers, 7.755 (voir note 60, ci-après) ; trad. Chenu, op. cit., p. 26.

[lviii] . Cf. A. Jolle, Einfache Formen, Tübingen, Max Niemeyer, 1930. (*Formes simples, Paris, Le Seuil, 1972, p. 103-119 : « La Devinette ».)

[lix] . Ch. S. Peirce, Collected Papers, vol. i à vi, éd. Hartshone & Weiss, 1931-1935, vol. vii et viii, éd. Buks, 1958 [dans les références, le premier chiffre renvoie au vol., le second, au §] ; Écrits sur le signe, rassemblés, traduits et commentés par G. Deledalle, Paris, Le Seuil, 1978 ; Textes anticartésiens, présentation et trad. de J. Chenu, Paris, Aubier, 1984 ; Textes fondamentaux de sémiotique, trad. et annotés par B. Fouchier-Axelsen et Cl. Foz, Paris, Klincksieck, 1987. G. Deledalle, Théorie et pratique du signe. Introduction à la sémiotique de Charles S. Peirce, Paris, Payot, 1979. Cl. Tiercelin, La Pensée-signe, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1993 ; « La sémiotique philosophique de Charles Sanders Peirce », in Questions de sémiotique, sous la dir. d’A. Hénault, Paris, PUF, 2002, p. 15-52.

[lx] . Peirce, 2.228 ; trad. Deledalle 1978, p. 121.

[lxi] . Ranger une partie de l’art du début des années 1970 dans un seul type de signe, comme le fait R. Krauss dans ses « Notes sur l’index » (October, n° 3 et n° 4, Cambridge (Mass.), MIT Press, été et automne 1977), a donc quelque chose d’un peu fallacieux.

[lxii] . Peirce, 4.132 ; trad. Tiercelin 2002, p. 42.

[lxiii] . Eco 1979/*1985, p. 35 sq. (Voir note 19.)

[lxiv] . Ibidem, p. 36.

[lxv] . Peirce, 5.581 ; trad. Chenu 1984, p. 29.

[lxvi] . Peirce, 5.181 ; Chenu 1984, p. 164.

[lxvii] . Peirce, 2.780 et 7.139-157.

[lxviii] . La sémiotique, tant du côté de la tradition saussurienne que peircienne, s’est penchée depuis plus d’une quinzaine d’années sur les passions (cf. : H. Parret, Les passions. Essai sur la mise en discours de la subjectivité, Liège/Bruxelles, Mardaga, 1986 ; Al. J. Greimas et J. Fontanille, Sémiotique des passions. Des états de choses aux états d’âme, Paris, Le Seuil, 1991 ; J. Fontanille « Sémiotique des passions », in Questions de sémiotique, op. cit., p. 601-637 ; D. Savan, « La théorie sémiotique de l’émotion selon Peirce », ibidem, p. 681-702). Aucune tentative n’existe cependant, à ma connaissance, pour faire le lien avec les Pathosformeln de Warburg.

[lxix]. Cf. Eco 1975, p. 174 sqq. : 2.12.2, « Il modello Q ». Eco 1979/*1985, chap. i : « texte et encyclopédie ». Eco 1984/*1988, p. 63-137 : chap. ii, « Dictionnaire versus encyclopédie ».

[lxx] . Eco 1979/*1985, p. 43.

[lxxi] . Eco 1984/*1988, p. 176. Cette théorie pragmatique de l’interprétation a été établie dans Eco 1979/*1985.

[lxxii] . On ne peut s’empêcher ici de citer les Patterns of Intention de Baxandall (op. cit.). À défaut d’une comparaison détaillée, on relèvera quelques analogies : la critique historique est une « critique inférentielle » ; les inférences sont « précaires » et « conventionnelles » ; l’objet n’est saisi qu’à travers le langage ; l’effort premier consiste à tenir l’œuvre pour étrangère ; comprendre est affaire de traduction ; l’intention n’est saisissable qu’à travers une forme ; elle est traitée de façon non subjective ; l’historien doit faire part de ses procédures ; le résultat est vérifiable ; l’expérience visuelle limite les dérives de l’interprétation. La différence se situe essentiellement dans le fait que, chez Baxandall, l’inférence est de type déductive et non abductive.

[lxxiii] . Cf. B. Lepetit, op. cit. (Voir note 31.)

[lxxiv] . Eco 1984/*1988, p. 112.

[lxxv] . Ibidem.

[lxxvi] . Rhizome, Paris, Minuit, 1976.

[lxxvii] . Cf. R. Recht (« Introduction », in A. Lugli, Naturalia et Mirabilia. Les cabinets de curiosités en Europe, Paris, Adam Biro, 1998), qui me transmet la note suivante : « Selon Gombrich (« Aby Warburg zum Gedanken », Jahrbuch der Hamburger Kunstsammlungen, 11-1966, p. 15-27), A. W. voulait donner comme titre à son Mnémosyne : “La création de l’espace mental comme fonction culturelle”. »

[lxxviii] . Cf. G. Agamben, « Aby Warburg e la scienza senza nome », Aut Aut, n° 199-200, 1984. (*« Aby Warburg et la science sans nom », trad. M. Dell’Omodarme, Image et Mémoire, Paris, Hoëbeke, 1998, p. 9-43.)

[lxxix] . Fr. Saxl, cité par S. Settis (« Warburg continuatus », Le Pouvoir des bibliothèques, Paris, Albin Michel, 1996, p. 125 et 131), et repris par J. L. Koerner (« Introduction » à Aby Warburg, Le Rituel du serpent. Art et anthropologie, Paris, Macula, 2003, p. 50).

[lxxx] . Cf. Ch. Chauviré, Peirce et la signification. Introduction à la logique du vague, Paris, PUF, 1995.

[lxxxi] . Eco 1975, p. 105, ma trad.

[lxxxii] . Voir note 32.

[lxxxiii] . Les deux premiers types de marqueurs sont l’objet du livre de J. Poinsot, déjà cité (voir note 15).

[lxxxiv] . M. Serre, Hermès iii. La Traduction, Paris, Minuit, 1974, p. 11.

[lxxxv] . Fr. Dosse, L’Empire du sens. L’humanisation des sciences humaines, Paris, Syros, 1995. (*La Découverte, 1997, p. 26-29 : « La traduction ».)

[lxxxvi] . M. Callon, « L’opération de traduction comme relation symbolique » (CORDES, 1976), cité par Fr. Dosse, op. cit.

[lxxxvii] . « Quelle différence », in catalogue de l’exposition Posséder détruire. Stratégies sexuelles dans l’art de l’Occident, Paris, R.M.N., 2000.

[lxxxviii] . « Histoire de l’art et sciences humaines », in Où va l’histoire de l’art contemporain ?, op. cit., p. 260-266.

[lxxxix] . G. Didi-Huberman (2000, p. 27) juge a contrario qu’« il n’est pas satisfaisant de considérer l’histoire de l’art comme une branche particulière de l’histoire ». Je crains que poser d’emblée le caractère exorbitant de cette histoire n’interdise l’examen généalogique du paradigme anomique.

[xc] . Cf. U. Eco, « Quelques brèves observations en guise de conclusion », Actes du colloque de Cerisy Au nom du sens. Autour de l’œuvre d’Umberto Eco, sous la dir. de J. Petitot et P. Fabbri, Paris, Grasset, 2000, p. 583-586 : « La référence ».

[xci] . Eco 1990/*1992, p. 371.

[xcii] . Ibidem, p. 383.

[xciii] . Cf. L’assimilation de la narration historique à une fiction chez un Hayden White. Pour un commentaire, cf. : G. Noiriel, « Le “Linguistic Turn” », Sur la crise de l’histoire, Paris, Belin, p. 126-144 ; R. Chartier, Au bord de la falaise, Paris, Albin Michel : p. 15 sq., ainsi que « L’histoire entre récit et connaissance » et « Figures rhétoriques et représentations historiques », p. 87-125.

[xciv] . C. Ginzburg, « Introduction », Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, Paris, Hautes Études/Gallimard-Le Seuil, 2003.