Erneuerung & Versöhnung

Création, et salut chez Gottfried Honegger*

[Publié in catalogue Gottfried Honegger. Il fallait une vie, (Villa Aurélienne, Fréjus, 24 mars-30 avril 1996), Milan, Electa/Ville de Fréjus, 1996, p. 11-21.]

 « L’art est un fruit qui pousse dans l’homme, comme un fruit sur une plante ou l’enfant dans le sein de sa mère. […]
« Je me souviens qu’en discutant avec Mondrian, il opposa l’art à la nature en disant que l’art est artificiel et la nature naturelle. Je ne partage pas son opinion. Je pense que la nature n’est pas en opposition avec l’art. L’art est d’origine naturelle et se sublime et se spiritualise avec la sublimation de l’homme. »
Jean Arp [1]

Gottfried Honegger se sent-il si âgé qu’il intitule l’exposition de ses sculptures à Fréjus « Il fallait une vie » ? La coquetterie peut faire sourire ! Né en 1917, en pleine possession de ses moyens, il a déjà rédigé une autobiographie succincte dans la dernière monographie qui lui a été consacrée ; il émaille ses catalogues de textes explicatifs commentant ses propres œuvres. Rejeton de l’art concret systématique enfanté par la Suisse, il continue de ferrailler avec ses pairs (et ses pères). A-t-il le sentiment de ne pas être vraiment compris ? – Sans doute. Pour lever cette incompréhension, il est nécessaire de déterminer le rôle exact joué par la « vie » dans son esthétique, de mesurer à quel point elle en constitue – aussi étrange que cela puisse paraître – le noyau le plus irréfragable. Partant de là, son ambition s’éclaire.

Plasticien

 « Ce qui frappe chez [lui], écrit Serge Lemoine, c’est l’unité de la recherche telle qu’elle apparaît dans sa pratique artistique, autant que dans sa propre vie. On voit bien que sa peinture et sa sculpture sont le résultat d’une interrogation et d’une aspiration éthique de sa personne entière, exprimée par des formes : son art est le témoignage de la vie d’un être humain avec sa curiosité, ses élans et ses doutes, ses convictions et sa situation dans le monde. [2] »

Honegger a suivi des études à l’école des arts appliqués de Zurich ; il a d’abord eu une carrière de graphiste publicitaire et de dessinateur industriel. Au retour d’un séjour à New York (1958-1960), il décide de se consacrer pleinement à la peinture, qu’il pratiquait déjà. Marqué par l’art concret suisse et la peinture américaine, il se fera reconnaître par des tableaux-reliefs, constitués de cartons juxtaposés et marouflés sur la toile, enduits, peints ou saturés de mine de plomb frottée. À compter de 1968, la composition en est établie à partir d’un programme déterminé à l’avance, un ordinateur calculant toutes les combinaisons possibles, l’une d’elles étant retenue arbitrairement. Son œuvre de sculpteur s’est développée en parallèle.

Considérant rétrospectivement l’unité de sa démarche, il pense aujourd’hui qu’au fond il a toujours été davantage plasticien que peintre :

« La sculpture tri-dimensionnelle, la matière, la lumière et l’ombre – la sculpture dans un espace public, encastrée dans les coordonnées de l’architecture, me préoccupa de plus en plus par la suite. Si je fais mon inventaire aujourd’hui, je suis bien obligé de constater que je ne suis pas vraiment peintre, mais plasticien. » (G. H. 93 a) [3]**

« Plasticien » ajoute à « sculpteur » l’idée d’œuvrer pour l’espace public, celle de remodeler l’environnement, la ville ; on y devine le ferme espoir de « reconstruire le mode de vie » (comme disaient les avant-gardistes soviétiques). La dénomination fait chevaucher un sens propre et un sens figuré : la « plastique », pratique artistique, et le « modelage » du monde à venir (qui porte sur les choses, voire sur les hommes).

Les nombreuses créations de Gottfried Honegger à destination de l’espace public sont la manifestation insigne de son « aspiration éthique ». Il n’a jamais cessé de les concevoir comme une contribution à la construction de la cité, fidèle héritier en cela d’une tradition humaniste et sociale, qui traverse toute la modernité et ne sépare pas l’art de sa fonction.

Libération

« L’art est mon grand libérateur », déclare Honegger à propos de l’introduction récente de la couleur dans ses sculptures. Qu’est-ce à dire ?

Le jet de dés est venu renforcer, en 1971, sa recherche systématique, puis s’y substituer. (La volonté de tout déterminer selon les règles du hasard envahit alors sa propre vie : il se souvient avoir joué aux dés pour acheter un livre, ou pour choisir sa direction au coin de la rue…) Ces dernières années, il a délaissé ce genre de stratagème. Il pense que la liberté dans le travail a été pour lui le fruit d’une longue conquête, dont il avoue volontiers l’inachèvement. Le fil rouge de la « libération » permet ainsi de suivre les moments de son œuvre :

— libération du subjectivisme par la recherche programmée :

« […] je [me suis] libéré du “constructivisme impressionniste” et j’ai repris de mes collègues zurichois – des artistes concrets – des idées déterministes. »

— libération ensuite du style technologique des « purs » de l’art concret par introduction d’une certaine sensualité dans le traitement de la surface des tableaux-reliefs, par le jeu de la lumière ;

— abandon ensuite de l’ordinateur au profit des dés :

« Ma rencontre avec le compositeur Pierre Barbaud m’a définitivement libéré du délire de l’Absolu – de l’idéologie. Le travail avec l’aléatoire m’a ouvert vers la vie. Cette nouvelle liberté est restée jusqu’à ce jour ma ligne de conduite […] » (G. H. 96 c, p. 32)

— abandon des dés enfin.

Ainsi, le détachement à l’égard de certaines contraintes aurait donné accès à la vie, comme si celle-ci était auparavant absente de l’œuvre. Or il n’en est rien ; Honegger ne la découvre pas tardivement ; il l’a accueillie, et en a fait le cœur de sa thématique dès ses débuts.

Radicalisme

Les dix sculptures installées à Fréjus, dans le cadre idyllique du parc de la Villa aurélienne et devant le centre d’art du Capitou, – dont six, métalliques, sont peintes de couleurs vives – succèdent à bien d’autres [4]. Monoforme 7 B poursuit l’idée qui anime les sculptures de même nom (depuis Monoforme 1 en 1982) : un même module – ici un parallélépipède – empilé et décalé de façon systématique en génère le volume (la première version de 1986 installée à Séoul est en acier chromé ; la seconde, Monoforme 7 A, est en granit). Les Structures 38, 39 et 40 reprennent un propos laissé en suspens depuis 1981 ; c’est avec cette série que l’artiste avait, en 1970, commencé à utiliser le hasard (l’Hommage à Jacques Monod, installé sur le campus de Dijon, en marque l’acmé [5]). On peut se demander pourquoi ces nouvelles sculptures y ont été rattachées, tant elles s’en éloignent : les volumes simples appartiennent certes au vocabulaire antérieur, mais l’artiste n’a eu cure d’utiliser un quelconque programme, ni de jeter les dés. (L’abandon des combinatoires complexes n’est pas tout à fait nouveau : Monoforme 31, de 1991, par exemple, ne juxtapose que deux parallélépipèdes de granit, dont l’un est légèrement basculé.) Structure 40 étonne plus que les autres : le volume de départ, une sorte de coin posé verticalement, a été divisé selon une diagonale, l’un des deux volumes obtenus étant retourné et accolé à l’autre. C’est la même méthode de manipulation de volumes, la même conception qui préside à l’élaboration des sculptures de la série des Divisions. Deux gestes y suffisent : partager en deux, puis décaler ou retourner l’un des éléments. Cependant, Structure 40, réalisée en métal, est faite de plaques soudées ; la division des volumes doit y être imaginée, alors qu’elle peut être directement vérifiée dans les Divisions, où la pierre (le granit, pour les n° 10 et 13) a réellement subit la coupe. Les œuvres de cette série, dont le matériau est en parfaite adéquation avec la manipulation formelle qui les engendre, ont sans doute ouvert la voie aux sculptures récentes. Les Pliages, à cet égard, ne manquent pas d’éloquence ; leur titre, comme celui des Divisions, énonce clairement le concept opératoire. Partout la même la logique simplificatrice domine :

« […] les moyens d’expression, dit Honegger, se simplifient par l’expérience faite et par l’âge. » (G. H. 96 c, p. 38)

De fait, son vocabulaire plastique n’a pas changé ; règle et compas utilisés sans complication suffisent à former les lignes droites et les arcs de cercles. Il s’est simplement délesté de la combinatoire, des assemblages multiples, pour se limiter à un tout petit nombre de données. Le mot d’ordre « aller plus loin, plus radical », qu’il profère pour lui-même, allie l’idée d’une projection dans l’avenir à celle de la recherche de principes élémentaires. Comme l’œuvre du chimiste, la réduction distille le simple – ce qu’il appelle son « minimalisme ». Dans le texte où il commente une de ses Divisions, Honegger, dans le même mouvement, dit aller plus loin en étant plus radical, et convoque la matière, comme s’il y recherchait une certaine authenticité :

« J’ai choisi un granit sophistiqué, de couleur rouge, en fait un produit né de l’évolution de la nature depuis des millénaires. » (G. H. 96 c, p. 48)

C’est dire que la pointe sophistiquée de l’art demeure au plus près d’une simplicité originelle. Si le procès de réduction, qui traverse les différentes séries de sculptures récentes, peut être perçu simultanément dans l’éloignement et dans la proximité de l’origine, c’est que la conception que l’artiste se fait de l’art – avec notamment la place qu’il lui envisage au regard de la nature – soutient ce genre de paradoxe.

Le problème de la couleur

Rouge, jaune, bleu ou orange, les sculptures installées dans la pinède du parc de la Villa aurélienne ne passent pas inaperçues. Par leur couleur vive, elles attirent le regard, détonnent même, tant l’incongruité de l’objet introduit frappe. On pourrait croire à quelque champignon rencontré inopinément lors d’une promenade en forêt, à quelque tricholome, à quelque pézize, n’étaient la grandeur et la forme géométrique. Cette forme, à coup sûr, n’est pas celle d’un être végétal ou animal ; elle renchérit sur le caractère d’artefact de l’objet, semble vouloir chanter l’artificieuse production et nullement la masquer sous quelque mimétisme. La façon dont les sculptures se détachent de la nature comme d’un fond, est parfaitement contredite par le soin apporté au choix de leur emplacement, par leur intégration. La couleur ne fait qu’exacerber le trouble de cette appartenance ambiguë au cadre naturel.

Gottfried Honegger, aujourd’hui, constate que la couleur dans son travail « est restée “émotion” et non “forme” » (G. H. 96 c, p. 25). Quand il insiste sur le temps qu’il lui a fallu pour l’introduire dans ses sculptures, il est difficile de ne pas entendre, dans la « libération » dont il parle, un retour à une certaine forme de subjectivité. La forme rationnelle, mathématique, programmable, présente dans la majorité de son œuvre, a toujours laissé subsister un « reste », une zone d’ombre qu’il reconnaît aujourd’hui plus que jamais. Il défend cette part de sensibilité comme une revendication, ou bien la ressent comme le désaveu ironique de son rêve passé de désubjectivisation de l’art.

Willy Rotzler voit dans les peintures « un dialogue entre la forme rationnelle, mathématique de la composition et l’exécution picturale, émotionnelle [6] ». C’est que le « reste » a longtemps semblé résider dans le traitement subtil de la surface des tableaux-reliefs : dans la fine modulation de la lumière accrochée aux biseaux ou aux rebords de cartons juxtaposés et peints ; dans la matière sensuelle obtenue par une méticuleuse superposition de fins coups de pinceau répétés ; dans la saturation des traits de crayon et la vibration du gris anthracite ; dans la sourde coloration de monochromes, dont les tons paraissent provenir de la profondeur de la peinture…

Situer le « reste » dans la couleur, après l’avoir placé plutôt dans la lumière, n’est à tout prendre qu’enfourcher un cheval sur lequel d’autres, dans l’art concret, ont déjà caracolé. La couleur, même mesurée, produit des effets qui ressortissent davantage à la perception qu’à une vérification rationnelle. Valentina Anker le remarque par exemple chez Max Bill, figure emblématique de l’art concret suisse : « […] par la seule couleur, Bill dépasse la formule mathématique pour n’en retenir que le principe. Disparaît alors la possibilité d’approcher ces nouvelles frontières et ces nouveaux espaces par la logique rationnelle […] En laissant à la couleur (moyen irrationnel) le soin de structurer le tableau, Bill fait appel à l’intuition du spectateur qui seule peut percevoir cet ordre que la simple raison ne saisit pas. [7] »

L’introduction de la couleur dans la sculpture abstraite des années soixante est contemporaine du Pop’ Art. (Je pense aux œuvres d’Antony Caro, de David Smith, de Phillip King…) L’affirmation frondeuse d’une facture industrielle, la revendication de l’artifice sont la marque de ce moment. Honegger n’est point dans cette histoire : si la couleur de ses sculptures les distingue de la nature, c’est pour mieux signifier leur qualité d’objets naturels de seconde génération, de mutants. L’art peut bien entrer en opposition avec l’ordre de la nature, il n’en est pas moins la pointe la plus évoluée.

Vitalisme

Les premiers reliefs de Gottfried Honegger, ceux des années 1953-1954, totalement absents des catalogues et des premières monographies consacrées à son œuvre, n’ont été reproduits que tout récemment, comme si le temps était venu pour lui de les assumer. Malgré une tendance à la stylisation géométrique, certains n’en sont pas moins figuratifs ; tous disent la vie, son mouvement, son apparition et son développement, l’engendrement et la croissance. Zellteilung (la division cellulaire), et Keim (l’embryon), illustrent pleinement cette thématique vitaliste [8], à laquelle appartient également la forme de Spirale. (On rappellera à ce propos que Mario Merz – à la suite des vorticistes – fera de la spirale, un peu plus d’une décennie plus tard, une espèce d’allégorie de la création, en la reliant au nombre d’or, et à la suite de Fibonacci. [9]) On sent bien dans ces premiers reliefs l’influence directe du biomorphisme de Jean Arp.

Les toutes premières sculptures des années 1961-1962, relèvent de préoccupations voisines. Un matériau brut y est chaque fois opposé à un volume géométrique. Dans Réciprocité, une sphère de bronze s’élève, recueillie et comme protégée maternellement par deux pierres qui l’enserrent ; dans Métamorphose, deux disques émergent d’un bloc erratique. La naissance d’une forme à partir de l’inorganique suggère déjà l’idée que l’art naîtrait de la nature, comme l’artificiel du vivant. Ces œuvres, dont le titre est souvent un verbe (Pénétrer, Doubler, Révéler, Engrener), ont été déjugées par la suite :

« La pureté d’une œuvre d’art est toujours en danger lorsqu’elle est menacée par la narration. » (G. H. 96 c, p. 28)

« On voit toute l’ambition, dit Serge Lemoine, mais aussi la maladresse : œuvre de “débutant” qui veut tout dire. Cette tentative ne sera pas poursuivie. Onze pièces au total seront réalisées […] pour témoigner de cette recherche à la fois littéraire et trop didactique, qui n’a sans doute pas satisfait l’artiste. Il attendra sept ans pour pratiquer à nouveau la sculpture. [10] » C’est pourtant sur ce terrain très miné que l’artiste a fait un retour récemment, dans plusieurs œuvres installées à l’extérieur : Aléatoire 1 et 3 (1987 et 1988) et Erneuerung (1992), placée au centre d’un ensemble urbain :

« En pleine ville, là où les hommes vivent et travaillent, j’ai voulu encore une fois montrer la synthèse entre la nature évoluée (granit) et l’abstraction de la pensée (cube métallique). Malgré mon refus du symbole, le besoin de réaliser ce manifeste était plus fort. Un reste de sentimentalité m’accompagne. » (G. H. 96 c, p. 44)

Commentant ces œuvres, Honegger m’a montré l’autre jour un bloc de pyrite en sa possession, d’où émergeaient de magnifiques excroissances cubiques, quasi parfaites. Le mystère de la cristallogenèse qui plane sur l’objet en fait un bon sémiophore : le véhicule symbolique d’une unité génétique fabuleuse qui outrepasserait le clivage entre le minéral et le vivant. L’œuvre de la nature y est comparable à celle de l’art, et la leçon que Honegger en tire est celle de leur commune appartenance :

« La nature et l’art composent une unité dialectique. L’un met l’autre en avant, en évidence. » (G. H. 96 c, p. 42)

L’esthétique des tableaux-reliefs et des sculptures conçues avec l’aide de programmes, que l’on put croire tant arrimée aux artifices du calcul, de l’ordinateur, de la technique, se révèle en un tel trait curieusement proche de celle d’un Roger Caillois. « […] comme l’homme appartient lui-même à la nature, écrivait ce dernier, le cercle se referme aisément et le sentiment que l’homme éprouve de la beauté ne fait que réfléchir sa condition d’être vivant et de partie intégrante de l’univers. Il ne suit pas que la nature soit le modèle de l’art, mais plutôt que l’art constitue un cas particulier de la nature […] [11] » Une telle conception moniste des rapports de l’art et de la nature appartient à une philosophie qu’il faut bien qualifier de naturaliste. Venant d’un artiste qui récuse par ailleurs toute conception naturaliste au plan de l’esthétique, le fait n’en est que plus troublant. Il n’est cependant pas nouveau. Van Doesburg, deux ans avant d’éditer l’unique numéro de la revue Art concret, soutenait déjà, dans un Manifeste du constructivisme resté longtemps inédit, qu’« une œuvre constructiviste a un rapport immédiat avec la vie et reste une partie dans le tout [12] ».

Le hasard et la nécessité

Kurt W. Forster rappelle que l’environnement de l’abstraction géométrique après la seconde guerre mondiale a changé. En ces années, importantes pour la maturation de l’œuvre de Gottfried Honegger, se font jour les tendances de spontanéité et de vitalisme de l’expressionnisme abstrait américain. Flotte un air du temps qui valorise les rapprochements entre l’art, la nature et la science : « À partir des années cinquante, la géométrie commence à trouver des applications dans le design de la technologie avancée (Olivetti, Braun, I.B.M.). En même temps qu’elle sert, en tant qu’image, au contrôle technocratique, elle est aussi liée à la structure des molécules, cristaux, flocons de neige et autres alvéoles d’abeilles. Une telle continuité entre structures physiques, propriétés physiologiques et modèles sociaux avait déjà fasciné Kepler, et il est peut-être significatif dans notre contexte de rappeler que la structure de l’A.D.N. a été découverte en 1953 (prix Nobel 1962). [13] » En 1951, avait été édité un recueil collectif sur la forme dans la nature et dans l’art [14]. Honegger, qu’animaient de toute évidence des préoccupations du même ordre, fera, en 1958, la mise en page d’un ouvrage conçu sur le mode du face à face entre des œuvres d’art et des photographies macroscopiques de structures naturelles (édité à l’occasion d’une exposition à la Kunsthalle de Bâle, où la même confrontation était mise en scène) [15]. C’était, déclare-t-il aujourd’hui, une réponse à Max Bill qui, après avoir avancé que les œuvres d’art concret étaient « créées selon des techniques et des lois qui leur appartiennent en propre [16] », après avoir opposé l’art (en tant qu’il peut relever de « lois structurales ») à la matière amorphe [17], distrayait la structure de toute mutation ; et finira par dire que « la fin de l’art est de créer une sorte d’immuable [non changeable] et élémentaire vérité », « une mesure esthétique », un équivalent, dans le champ spirituel, de « la mesure absolue » recherchée dans celui de la nature physique [18]. Honegger était contre une telle vision absolutiste, aussi a-t-il toujours tenu son atelier pour « un laboratoire » où l’on ne prétende pas conclure à une « morale définitive » (G. H. 96 b).

Dans les années soixante-dix, sa référence favorite sera l’ouvrage de Jacques Monod, Le Hasard et la Nécessité. Maurice Besset considère à cet égard que le hasard a surtout permis à Honegger de retrouver « l’ordre de grandeur qui est celui des phénomènes de la vie ». Parlant de son art comme d’une « simulation de la vie », il conclut ainsi l’examen des peintures : « Gris sévères, rouges ardents, bleus sereins et graves – ses grands panneaux sont tout autre chose que la fameuse fenêtre ouverte sur la vie que fut si longtemps la peinture : le signe même de la vie qui naît. [19] » Et quand Honegger écrit en 1972 :

« La création à partir de programmes aléatoires déterminés est analogue par sa méthode à la croissance des êtres dans la nature. » (G. H. 72),

il semble reprendre Monod qui, en ouverture de son livre, s’interroge sur la difficulté théorique rencontrée dans la distinction des artefacts d’avec les objets naturels [20] – le mot le plus important, ici, étant celui de croissance, car, si l’unité se fait de ces champs d’investigation si divers, qui vont de la cristallographie à l’art, c’est en fonction d’une conception scientifique qui désormais peut accepter la métaphore de la genèse : celle de l’A.D.N. comme celle des cristaux, et du coup celle de l’art également. On voit donc comment les sciences de la vie fournissent un modèle qui rend compte à la fois du rationnel et du naturel, de la forme et du chaos. Ce modèle envisage tout phénomène sous l’angle d’une genèse programmée. Intégrant ordre et chaos, déterminisme et indéterminisme, système et ouverture, il peut aussi s’appliquer à l’art entendu comme création, et c’est même à cette condition que ce dernier sera au plus près de son être, sera cette pointe de la nature située en avant de l’évolution.

Avec le hasard, Honegger a pu transférer au plan structurel des thèmes naturalistes qu’il ne faisait que symboliser auparavant : grâce à ce changement de plan, « la forme est enfin devenue le contenu » (G. H. 96 c, p. 30). Il détient désormais le chiffre des figures d’engendrement et de croissance qui traversaient ses premiers essais – ce qu’il exprime en disant que « le hasard est pour [lui] la racine de toute création » (G. H. 96 c, p. 32).

Mimésis de la création

Il ne s’agit pourtant pas d’imiter la nature :

« L’art qui imite la nature, l’art qui est une illustration de la nature réduit la liberté d’interprétation du regardeur. L’imagination n’est pas active si tout est dit. » (G. H. 96 c, p. 42)

Le refus du naturalisme libère l’imagination, concède sa juste part au rêve :

« Le monochrome offre un espace de couleur, un silence de couleur, un climat de couleur qui nous permet de rêver. » (G. H. 93 b, p. 90)

Un ailleurs s’affirme, projeté dans l’autre (le regardeur), dans le rêve, ou dans l’avenir :

« Il nous reste toujours une ouverture vers l’inconnu, un point d’interrogation. » (G. H. 96 c, p. 46)

La topologie philosophique de Honegger ménage toujours cette réserve, dont la situation est en définitive celle d’une altérité radicale. « Lorsqu’on ne représente pas les choses, dit Mondrian, il reste une place pour le divin. [21] »

Honegger, qui se déclare athée, et pense que les rapports de l’art et de la nature relèvent d’une « dialectique matérialiste » (G. H. 96 b), partage cependant, avec nombre d’artistes de l’abstraction et de l’art concret, l’intuition que l’abandon de tout naturalisme esthétique ouvre la voix au renouvellement de la création. Il emprunte plus précisément aux pionniers de l’art concret l’idée que l’art, quand il rompt avec la représentation et le symbole, produit des sortes d’équivalents du monde naturel qui viennent « l’augmenter » (pour parler comme Roger Caillois). Préférer « concret » à « abstrait », c’est, à la fin des années vingt, reconnaître dans l’œuvre une chose tangible, qui vaudrait pour elle-même avant de valoir pour autre chose. C’est aussi, du moins chez Jean Arp défenseur du terme, lui conférer une certaine vie. Alexander Partens, réfléchissant la leçon des œuvres de ce dernier, constatait déjà en 1920 qu’elles sont comme un être vivant : « Rien d’autre que comme une pierre qui se détache d’un rocher, une fleur qui s’épanouit, un animal qui se reproduit […] Une sorte de création animale avec des intensités sauvages et multicolores. Un autre corps à côté de nous, qui vive comme nous, par lui-même […] [22] ». Arp, s’il dote l’œuvre d’une autonomie nouvelle, y voit surtout le fruit d’une conception (au sens propre), d’un engendrement proche du vivant. Le refus du naturalisme, le recours au hasard, l’anonymat de la facture, permettent d’accueillir « la cause première qui fait jaillir toute vie [23] ». Le « divin » de Mondrian prend ici une acception particulière, le dieu de référence devenant celui de la genèse. Éric Michaud, à qui j’emprunte certaines de ces références, cite également Paul Klee, pour qui « nous imitons dans le jeu de l’art, les forces qui ont créé et créent le monde [24] ». « […] l’artiste, dit également Klee, n’accorde pas aux apparences de la nature la même importance contraignante que ses nombreux détracteurs réalistes. Il ne s’y sent pas tellement assujetti, les formes arrêtées ne représentant pas à ses yeux l’essence du processus créateur dans la nature. La nature naturante lui importe plus que la nature naturée[25] » Chez Honegger comme chez Arp [26], les notions de création et de genèse se tiennent en embuscade derrière celle d’art concret : la mimésis doit avoir pour objet non point les créatures mais la création, non point les êtres mais le procès selon lequel ils sont engendrés.

Esthétique de la substitution

Cette esthétique pourrait s’arrêter là. Or, Honegger y trouve argument pour fixer à l’art une tâche prométhéenne qui excède son champ clos, celle de participer à la production d’un ordre humain qui se substitue à l’ordre naturel.

« Il est prévisible et la réalité quotidienne nous le confirme, que la nature sauvage sera définitivement éliminée. Ce qui nous reste ce sont des parcs, des réserves.
« Dans un monde ainsi devenu entièrement artificiel, le rôle de l’artiste […] se rapproche de celui de l’architecte. Ensemble nous devons construire nos villes, nos paysages, notre biotope. Et ceci de la petite cuillère jusqu’aux gratte-ciel […] » (G. H. 93 b, p. 58)

Il faut donc aller jusqu’au bout de l’esthétique de l’augmentation, et promouvoir une esthétique de la substitution : substitution de l’ordre humain à l’ordre naturel voué à disparition. Nulle contradiction avec la sorte de monisme de départ qui envisageait l’unité de la nature et de l’art, puisqu’ayant posé l’appartenance de l’homme à la nature, ce qui se substitue à celle-ci sera du même ordre. En quittant le plan de la seule esthétique, l’art s’intègre dans ce qui est tout à la fois une philosophie sociale et une métaphysique – la seconde indiquant le sens des rapports de l’homme à la nature, et fournissant à la première sa justification. C’est cette intuition philosophique du destin de l’homme dans la nature qui autorise Honegger à franchir un fossé analogue à celui qui séparait les productivistes des constructivistes ; c’est elle qui permet à l’art de basculer dans la politique, dans l’engagement social :

« L’art est un moyen politique dans son sens le plus noble. » (G. H. 93 b, p. 74)

Honegger a la même intuition profonde d’un monde meilleur, à construire, que les pionniers du mouvement moderne ; il partage leur élan exigeant, leur visée utopique. Le présent requiert que nous projetions la cité à venir :

« Nous ne pouvons pas revenir en arrière. L’évolution avance avec nous ou contre nous. L’histoire se moque de nos états d’âme. Ou nous construisons notre avenir et dans ce cas la culture est la base même d’une nouvelle société, ou bien nous nous complaisons dans notre attitude égoïste et conservatrice et notre espèce va disparaître comme d’autres espèces avant elle. » (G. H. 93 b, p. 40)

Prôner une esthétique de la substitution cautionnant le remplacement de la nature par l’artefact, se fait donc au nom d’une sorte de darwinisme : l’évolution, comme l’histoire, étant linéaire, « saut en avant » (G. H. 96 a) sans retour.

S’il existe un danger, c’est celui du temps qui passe que nous refoulons par peur. Pour être à la hauteur de la lutte avec ce temps dévorant, nous devons cesser de regarder et de concevoir avec les yeux du passé :

« Nous vivons aujourd’hui une révolution.
« Tout sera profondément différent. Nous avons le sentiment que notre vie sera bouleversée. Mais nous vivons et nous agissons en ignorant le temps qui passe.
« Notre esprit est toujours réfugié dans le passé.
« Et pourtant nous sommes les responsables de la qualité de notre avenir.
« […] L’art doit vaincre la peur, nous réconcilier avec le futur, nous préparer pour l’inconnu qu’est demain.
« L’art ne doit pas être nostalgique. » (G. H. 94 b)

Vaincre la peur, c’est-à-dire combattre, regarder en face l’ennemi, le temps qui passe : opposer à la violence d’un devenir fatal, l’œuvre de l’art [27].

Mélancolie

L’optimisme du récit de la transformation opérée par l’art, transformation en cours, risquée, objet d’un véritable enjeu auquel l’artiste participe en prenant parti, en s’engageant – et l’engagement pour Honegger a un sens politique plein –, cet optimisme se double de l’implicite mélancolie née de la perte programmée du monde passé et présent, aussi bien que d’une incomplétude vivement ressentie. Le refus affiché de la nostalgie n’efface pas le fond de mélancolie sur le quel le futur s’élabore. Honegger part toujours du constat de la déchéance du monde, du sentiment aigu d’un manque de plénitude :

« Nous européens sommes-nous fatigués ?
« Une couverture de déchets de consommation étouffe nos rêves. Comme des spectateurs, nous participons inactifs à l’écroulement de nos systèmes politiques, économiques et religieux. » (G. H. 93 b, p. 128)

Parler de mélancolie, c’est nommer ce sentiment de perte, le reconnaître au départ de l’entreprise qui entend projeter l’homme vers l’avenir.

Le premier monde perdu a sans doute été pour Honegger le pays rude et simple de ses racines maternelles, cette Engadine de son enfance qui voit aujourd’hui ses villages momifiés dans leur propre simulacre : sous la pression touristique le bétail a quitté le rez-de-chaussée des hautes bâtisses paysannes dont il réchauffait les hivers ; un vernis conservateur recouvre les magnifiques décorations à Sgraffitti dont l’art se perd à proportion de l’embaumement dont il est l’objet. Honegger n’y retourne guère ; il déteste le tourisme, et les retrouvailles trompeuses avec une authenticité mensongère. L’impossibilité des retrouvailles avec l’objet perdu est la source même de la mélancolie.

Erneuerung

Erneuerung, on l’a vu, reprend le thème du dialogue entre la forme et le chaos des sculptures de 1961-1962. Le fort contraste de couleur entre le gris du granit et le rouge vif du parallélépipède métallique juxtaposé y renforce la dualité des matériaux. Cette œuvre fournit la clé de l’introduction de la couleur dans la série des sculptures récentes. Le titre dit Erneuerung, c’est-à-dire régénération, et non pas genèse. Il ne parle pas du nouveau (Neuerung), mais du renouveau, et le « re » de la répétition est d’importance : l’art diffère de la création de la nature, il se tient dans l’après coup de la répétition ; s’il se place à la pointe de l’évolution, ce n’est pas sans avouer son caractère de formation secondaire, de substitut de l’objet perdu.

La couleur est donc cette annonce d’un monde régénéré, elle chante la vie que l’art réinvente et réécrit, qu’il retrouve. Les sculptures métalliques aux couleurs vives, dispersées dans la pinède, sont autant de signes de cette régénération. Sans socle, elles émergent du sol et lui appartiennent encore, tout en avouant leur étrangeté, leur caractère de mutants. Comme disait Partens, « la pierre se détache du rocher ». Si le parallélépipède rouge d’Erneuerung est comme anté sur le monolithe gris de granit, s’il est légèrement décollé, c’est que la forme nouvelle qui naît de l’ancienne, a un caractère plus élevé. Cette façon dont elle se dégage de son support, de son « origine », pour prendre son envol, en dévoile la dimension spirituelle.

Versöhnung

Au printemps de son œuvre, Honegger se démontrait très sensible à la dialectique de la nature et de la culture. On peut se demander s’il n’a pas continué à l’éprouver comme une contradiction, voire un drame qui double souterrainement toute son entreprise. Surmonter le drame ne peut se faire qu’en subordonnant le moment dialectique à la loi de l’unité, selon un tour de pensée très hégélien. Tel est le sens qu’il faudrait attribuer à Versöhnung (réconciliation), mot qui revient plusieurs fois sous la plume de l’artiste :

« Le granit qui témoigne de sa longue histoire est la matière que je préfère. Libérer mon ordre artificiel de la pierre amorphe est pour moi un acte sensuel. Le programme de mon œuvre, l’idée intellectuelle est ainsi en dialogue avec le naturel. La réconciliation entre la nature et l’artefact était et est toujours mon thème de base. » (G. H. 93 b, p. 78)
« Trente ans plus tard j’ai repris le thème de la réconciliation. J’avais enfin les moyens de réaliser une œuvre monumentale. » (G. H. 96 c, p. 44)
« […] au fond de moi, je n’ai jamais abandonné l’idée d’une réconciliation […] » (G. H. 96 c, p. 48)

Seul l’art permet de retrouver la plénitude perdue. Honegger à plusieurs reprises oppose, au bruit et à la fureur du monde, un état de paix, effet de l’art :

« Les excès agressifs de la consommation, la masse de banalités quotidiennes détériorent mon bien être. L’aménagement touristique des menus d’art accentue en outre mon besoin d’hygiène, de simplicité, de résistance. Dans la rumeur assourdissante “all over”, de l’argent souverain, au spectacle permanent de la puissance, j’éprouve un besoin profond de retraite spirituelle. Le monochrome est à mes yeux guérison, poésie […]

« Pour pouvoir vivre dans ce monde, il faut pouvoir supporter la réalité quotidienne et feindre d’ignorer. L’art, forme de sublimation la plus sensible, l’art ce grand séducteur, me rend la vérité plus supportable. Il engendre l’espérance et la force de résister. Il y a dans mon travail des moments privilégiés de réconciliation, de satisfaction intense » (G. H. 91 b)

La calme surface du monochrome, garante de paix, a succédé dans cette fonction à la grille des tableaux-reliefs qui induisait déjà une égalité de chaque partie, du moins en droit. J’ai eu l’occasion de montrer ailleurs combien l’usage de la grille par Sophie Tæuber-Arp – que l’on doit tenir pour un pionnier en la matière – était déterminé par un profond désir d’ataraxie [28]. C’est pourquoi, Michel Seuphor, en découvrant les tableaux de Honegger au coin de la rue Bonaparte, a pu non seulement y voir les vieux thèmes de l’abstraction géométriques « renaître », mais les a trouvés « tous rédempteurs [29] ». Les sculptures participent aussi de cette recherche de la paix. Leur division, leur constitution fragmentaire, contrebalancée par leur totémique verticalité, établit « une synthèse, une forme de conclusion finale » :

« La colonne verticale divisée et détachée me paraît, dit Honegger, une sorte d’épilogue. » (G. H. 96 c, p. 46)

Cette synthèse donne le chiffre de « l’ouverture vers l’inconnu ». Aussi, en continuant de filer la métaphore naturaliste, Honegger peut-il définir l’art comme sa « colonne vertébrale ». À la fois division et synthèse, la sculpture – colonne vertébrale est l’exact analogon de l’être vivant ; elle s’inscrit dans l’ordre de la nature, et cette inscription apporte la réconciliation, assouvit le désir de paix.

L’art, qui fait tenir ensemble la forme et la non-forme, qui peut réconcilier l’homme et son environnement, permet donc de retrouver l’unité au-delà de la séparation. À la déchéance il oppose sa force salvatrice. Erneuerung et Versöhnung disent clairement la tâche sotériologique confiée à l’art. En prônant une telle sotériologie sécularisée, Gottfried Honegger s’inscrit dans la lignée d’un Jean Arp, pour qui « l’art concret veut transformer le monde, […] veut rendre l’existence plus supportable [30] », et exprime « le désir d’un monde meilleur [31] ». Comme l’inventeur des papiers déchirés, mais avec d’autres moyens, il s’appuie sur une conception moniste des rapports de l’homme à la nature pour justifier son rêve d’une utopie salvatrice.

Textes et déclarations de l’artiste :

GH. 56 : Fiktion und Realität, New York, Winttenborn, 1956 ; trad. franç. in Guido Magnaguagno et Iring Fetscher, Gottfried Honegger. Werke vor 1960-œuvres avant 1960, Zurich, Waser Verlag, 1990, p. 24-52.

GH. 71 : Textes in catalogue de l’exposition Honegger, Karlsruhe, Badischer Kunstverein, 1971, trad. franç. in Gottfried Honegger. Werke vor 1960, op. cit., p. 54-70.

GH. 72 : Texte in catalogue de l’exposition Gottfried Honegger, Cologne, galerie Teufel, 1972.

GH. 75 : « Matière », in catalogue de l’exposition Honegger, Morellet, Venet, participation de la France à la xviie Biennale de São Paulo, Paris, AFAA, 1975.

GH. 90 : Textes en regard des œuvres reproduites, in Guido Magnaguagno et Iring Fetscher, Gottfried Honegger. Werke vor 1960-œuvres avant 1960, Zurich, Waser Verlag, 1990.

GH. 91 a : Widerstand aus Verantwortung, Zurich, Limmat Verlag, 1991.

GH. 91 b : Textes en regard des dessins reproduits, in petit fascicule d’invitation de l’exposition Gottfried Honegger. Le cercle et l’angle droit, Paris, galerie Gilbert Brownstone et Cie, 1991.

GH. 93 a : « Une biographie entre le rêve et la réalité », in Gottfried Honegger, Weiningen-Zurich, Waser Verlag, 1993, p. 189.

GH. 93 b : Textes en regard des œuvres reproduites, ibidem, p. 18-170.

GH. 94 a : Nous vivons une crise morale, texte réalisé à l’occasion de l’exposition Gottfried Honegger à la Synagogue de Delme (été 1994), Mouans-Sartoux, Espace de l’Art Concret/Zurich, Offizin Verlag-AG, 1994.

GH. 94 b : « Et l’art – demain ? », in catalogue de l’exposition Gottfried Honegger. Del costruire riduttivo, Milan, galerie Vismara arte, 1994.

GH. 95 : Le Vide et le Plein, Paris, éditions Jannink, 1995.

GH. 96 a : Tableau – Espace, texte dactylographié, s.l.n.d. [1996 ?]

GH. 96 b : communication orale, 12 février 1996.

GH. 96 c : Textes en regard des œuvres reproduites, in catalogue de l’exposition Honegger. Il fallait une vie, Fréjus, centre d’art le Capitou/Milan Electa, 1996, p. 25-50.

Notes

[1]. Jean Arp, « L’art est un fruit », On my Way – Poetry and essays 1912-1947, New York, Georges Winttenborn & Schultz, coll. « The Documents of Modern Art », 1948 ; repris in catalogue de l’exposition Arp, Paris, musée d’art moderne de la Ville, 1962, p. 70 ; repris in Jours effeuillés. Poèmes, essais, souvenirs. 1920-1965, Paris, Gallimard, 1966, p. 317.

[2]. Serge Lemoine, Gottfried Honegger. Tableaux-Reliefs/Skulpturen 1970-1983, Buchs-Zurich, Waser Verlag/Paris, Jean-Michel Place/Stuttgart, Verlag Gerd Hatje, 1983 : « Le travail de Gottfried Honegger », p. 7-8.

[3]. Cf. Ci-dessus : références des textes et délarations de l’artiste (à la fin du texte).

[4]. Cf., Serge Lemoine, Gottfried Honegger. Catalogue des sculptures 1953-1983, Paris, Durand-Dessert/Zurich, Waser Verlag, s.d. [1983]. Cf. également la monographie de 1993, op. cit. supra note 3.

[5]. On peut voir en outre, en Bourgogne : Volume 19, à Nevers, Structure 36, à Blanzy, et Monoforme 4, à Sens. Toutes ces sculptures ont été commandées par Serge Lemoine, dans le cadre de ses fonctions passées de conseiller artistique. Cf. Serge Lemoine, L’art contemporain en Bourgogne dans les établissements d’enseignement, Dijon, C.R.D.P., 1978.

[6]. Willy Rotzler, Constructive concepts, Zurich, ABC Édition, 2e édit., 1988, p. 157.

[7]. Valentina Anker, Max Bill ou la recherche d’un art logique, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1979, p. 86.

[8]. L’examen de ces premières œuvres contredit donc la dénégation de tout vitalisme, précédemment diagnostiquée par Maurice Besset (« Le hasard et la contradiction », in catalogue Gottfried Honegger, Paris, Musée d’art moderne de la Ville, 1978, p. 9-16).

[9]. Cf. mon « Mario Merz en philosophe », Plus, n° 1, Dijon, 1985, p. 38-41.

[10]. Serge Lemoine, Gottfried Honegger. Tableaux-Reliefs/Skulpturen 1970-1983, op. cit. : « Les sculptures de Gottfried Honegger : “The Jumpin’ Jive” », p. 81-90.

[11]. Roger Caillois, Esthétique généralisée, Paris, Gallimard, 1962 ; repris in Cohérences aventureuses, Paris, Gallimard, coll. « idées », p. 25.

[12]. « Manifest des Konstruktivismus – Paris 1928 », manuscrit reproduit in Theo van Doesburg, Scritti di arte e di architettura, Rome, Officina Edizioni, 1979, p. 417.

[13]. Kurt W. Forster, Honegger, Teufen, Verlag Arthur Niggli AG, 1972, p. 6 : « Geometrie und Gesellschaft ».

[14]. Lancelot L. Whyte, (sous la direction de), Aspects of Form : A Symposium on Form in Nature and Art [1951], Midland Paperback, 1961.

[15]. Kunst und Naturform, Bâle, Basilius Presse, 1958.

[16]. Max Bill, « Konkrete Gestaltung », in catalogue Konkrete Kunst, Munich, galerie Otto Stangl, 1949.

[17]. Max Bill, « Structure as art, art as structure ? », in Gyorgy Kepes, Structure in Art and in Science, New York, George Braziller, 1965 ; trad. franç., « La structure comme art ? art comme structure ? », in Gyorgy Kepes, La structure dans les arts et dans les sciences, Bruxelles, La Connaissance, 1967, p. 150. Cet ouvrage ainsi que celui paru l’année suivante, dans la même collection – Module, proportion, symétrie, rythme – marque l’apogée de la thématique qui nous occupe. Honegger, qui en est absent – sa carrière d’artiste débutait – n’était pas seul à explorer le terrain : de nombreux artistes systématiques sont allés chercher la caution de leurs modules et structures dans les sciences physiques.

[18]. Max Bill, « Art as non-changeable fact », in Anthony Hill (sous la direction de), Data-directions in Art, Theory and Aesthetics, Londres, Faber & Faber, 1968. Dans ce texte, Bill s’oppose surtout à l’art cinétique.

[19]. Maurice Besset, op. cit.

[20]. Jacques Monod, Le Hasard et la Nécessité, Paris, Le Seuil, 1970, p. 17 sq.

[21]. Cité par Éric Michaud (La fin du salut par l’image, Nîmes, Jacqueline Chambon, p. 90-103 : « Jean Arp ou le sens du hasard »).

[22]. Alexander Partens, « Dada Kunst », in Richard Huelsenbeck (édité par), Almanach Dada, Berlin, Erich Reiss Verlag, 1920 ; trad. franç. par Sabine Wolf, « L’Art dada », in Richard Huelsenbeck (édité par), Almanach Dada, Paris, Champ libre, 1980, p. 239-245.

[23]. Jean Arp, in On my way, op. cit. ; trad. franç. Jean Arp et Robert Valençay, « Ainsi se ferma le cercle », in Jours effeuillés, op. cit., 1966, p. 327-329. Le volontarisme de Honegger l’éloigne cependant de Arp, pour qui « la cause première […] ne peut être éprouvée que par un total abandon à l’inconscient ».

[24]. Paul Klee, Schöpferische Konfession, Berlin, Erich Reiss Verlag, Tribüne des Kunst und Zeit, n° 13, 1920, p. 28-40 ; trad. franç. Pierre-Henri Gonthier, « Credo du créateur », in Paul Klee, Théorie de l’art moderne, Paris, Gonthier, p. 34-42.

[25]. Paul Klee, Über die moderne Kunst, Berne-Bümplitz, Benteli Verlag, 1945 ; trad. franç. Pierre-Henri Gonthier, « De l’art moderne », in Paul Klee, Théorie de l’art moderne, op. cit., p. 15-33.

[26]. Serge Lemoine (« Les sculptures […] », op. cit., p. 87) note que Honegger avoue deux maîtres : Arp et Giacometti. La place manque ici pour étudier l’influence du second. Sartre, parlant de la peinture de cet autre Suisse, disait qu’elle « nous ramène à l’instant de la création tirée du néant ».

[27]. Cf. Éric Michaud, « L’insensible mélancolie de la religion et manie de l’art », op. cit. Dans cette belle étude, l’auteur rappelle que l’idée d’une lutte contre le dieu dévorant et celle de la salvation par l’art remontent au romantisme.

[28]. Cf. mon étude « Les Compositions verticales-horizontales de Sophie Tæuber », in catalogue de l’exposition Sophie Tæuber, Musée d’art moderne de la ville, Paris, 1990, p. 35-41.

[29]. Michel Seuphor, s.t., in catalogue Gottfried Honegger, Kunsthaus, Zurich, 1967, p. 5.

[30]. Jean Arp, « Konkrete Kunst », préface du catalogue de l’exposition Konkrete Kunst, Bâle, Kunsthalle, 1944 ; trad. franç. op. cit., « Art concret », in Jours effeuillés, op. cit., p. 183-184.

[31]. Jean Arp [Ascona, 1950] ; trad. franç. Robert Valençay et Jean Arp, « Jalons », in Jours effeuillés, op. cit., p. 419-420.