Le mur, la limite, le neutre

[Publié in Laurent Pariente. Œuvres, 1986-2000, Paris, éd. Laurent Pariente, diffusion galerie Cent8, 2000, p. 51-76. — « The wall, the Limit, the Neuter », trad. en anglais par Charles Penwarden, ibidem, p. 129-154.]

 « Maison mentale. Il faut en occuper toutes les pièces, les salubres comme les malsaines, et les belles aérées, avec la connaissance prismatique de leurs différences.
« C’est quand on ne s’y reconnaît plus, ô toi qui m’aborda, qu’on y est. Souviens t’en.. »
René Char, Aromates chasseurs

 Le mur

1. Dans une entretien récent, Laurent Pariente parlant de peinture, sculpture et architecture employait le mot « genre », là où il aurait dû dire « discipline », ou « art » :

« Mon œuvre n’est pas une réflexion sur la peinture, la sculpture, l’architecture ou leur possible dépassement. Ces trois genres sont assimilés en tant qu’héritage historique et agissent dans l’œuvre sans jamais former un objectif. Mondrian vit à une époque où les projets utopiques peuvent encore prendre appui sur la tradition moderne, en se démarquant par exemple du tableau de chevalet. Aujourd’hui, l’art ne peut plus s’appuyer sur la spécificité des genres comme point de départ d’une utopie, non parce que les genres n’existent plus ou ne sont plus crédibles, mais parce que la réalité est fuyante et ne peut se retrouver dans un mode de représentation unique et stable. (LP/FB) * »

Le glissement de vocabulaire trahit combien les limites entre ce que l’on nommait traditionnellement des « genres » ont fini par se fondre avec celles des arts eux-mêmes [1].

Philippe Sollers [2] s’éleva un jour contre la banalisation de Proust, Joyce et Kafka en romanciers : plutôt que de tenir le roman comme un genre donné, ces auteurs en avaient, selon lui, expérimenté les limites. De telles considérations revenaient à traduire le problème des limites en problème générique, à en faire, pour adopter le vocabulaire de Gérard Genette, une question architextuelle. Quand Laurent Pariente réalise des œuvres en s’installant dans l’entre-deux d’une double négation — ni sculpture, ni architecture —, ou en faisant se lever à leur propos des questions implicites comme : est-ce de la sculpture, une scénographie, un environnement ? — est-ce de l’architecture, de l’architecture intérieure, ou de l’art plastique ? — il soulève également une question générique ; il se place résolument dans une région de survol, là où l’œuvre, même si c’est pour les dénier, se laisse surplomber depuis des catégories architextuelles.

Près de Boulogne, il a été, sinon en titre du moins moralement, le maître d’œuvre d’un bâtiment industriel — aventure assez exceptionnelle pour un artiste qui, après tout, n’a pas de diplôme d’architecte, et n’est donc pas en principe habilité à maîtriser une œuvre de cette sorte. Un architecte de l’Ordre dut par conséquent cautionner l’ouvrage de sa signature autorisée, moyennant quoi Laurent Pariente en fut d’un bout à l’autre présenté comme le seul auteur. Cela n’entraîne pas pour autant de sa part de revendication du statut d’architecte. Il n’a pas un tel désir de reconnaissance, et déclare tout uniment que l’architecture en tant que telle ne l’intéresse pas [3]. Comment considérer l’usine construite ? Là-dessus l’artiste laisse planer le doute, refusant de voir rabattre son propos sur une catégorie déterminée. Est-ce une œuvre d’art ? — Pas seulement, c’est avant tout une usine conçue pour être un lieu fonctionnel de stockage et de distribution de pièces détachées pour machines boulonnées (c’est la spécialité du commanditaire, la compagnie Lefranc). Est-ce une usine ? — Non, c’est aussi une œuvre d’art : elle est signée par un artiste et on l’a inaugurée (le 27 septembre 1996) comme on vernit une exposition ; on prit à cette occasion la mesure de son volume : simple, plutôt fermé sur lui-même ; on en vit l’intérieur dégagé de toute installation mobilière : un grand espace central avec des prises de lumière indirectes, un anneau de bureaux séparés par des chicanes, le tout enceint d’un bâti alternant murs en redans et baies en retrait [4] ; on put mesurer combien, par toutes les nuances grises de son béton brut de coffrage, il était une pure ambiance lumineuse. (Une semaine après ce vernissage, l’espace était occupé.) Alors ? Œuvre d’art d’un jour, ou construction fonctionnelle ? La question reste irrésolue, et l’artiste affiche à son égard un maintien suspensif comme on affectionne un port vestimentaire ou une attitude corporelle.

Le mur, plus ou moins réifié, ne joue-t-il pas cependant chez Laurent Pariente, constructeur depuis 1990 de cloisons (avec ou sans plafonds) qu’il dispose dans les lieux où il est invité à exposer, le rôle de la catégorie architextuelle déniée ? De l’émergence de ce mur dans son œuvre, il en donne une explication métaphorique, le faisant dériver de la gravure :

« C’est la plaque gravée, à laquelle je me suis confronté gestuellement qui a inauguré ma relation au mur (LP/JPR ) »

Il explique ainsi qu’en creusant le métal : « le corps ouvrait un espace lumineux », de la même façon que le mur « est aussi l’ouverture d’un nouvel espace ». (On reviendra plus loin sur l’art de la contradiction poétique : le mur qui « ouvre »). Dans un entretien précédent, cependant, une explication moins circonstancielle était donnée, une explication plus proprement architextuelle :

« Le mur est venu dans ma tentative de faire un objet d’art qui échapperait à la notion habituelle d’objet, c’est-à-dire d’objet autonome. Le mur échappe au statut d’objet dans la mesure où il appartient à l’architecture. Ce n’est pas tout à fait une sculpture. (LP/MTC) »

Constatant l’appartenance du mur à l’architecture, nous devrions en déduire que la catégorie architextuelle est en dernière instance l’architecture, ce que l’artiste s’empresse ailleurs de démentir, en étendant la dénégation à l’art en général :

« Il n’y a pas d’architecture a priori. L’architecture se produit hors de l’architecture. Il n’y a pas non plus d’art, il n’y a que des œuvres exclues de l’art. (LP, N) »

Comment, dès lors, nommer ces constructions, ces œuvres, sans les rabattre sur une catégorie architextuelle ? Comment les entendre, si non en laissant se déployer devant nous, dans toute son obstination ce qui justement de part en part figure, expose, dans son matériau comme dans sa disposition, une sorte de question des limites ? Si non en tentant d’en suivre la démonstration inquiète, toute fondée sur cet usage sans fin du mur. Certes, l’affirmation péremptoire de la non-appartenance de l’œuvre à quelque catégorie que ce soit est commune à bien des artistes ; elle est même devenue un lieu commun de l’art, et Laurent Pariente n’y déroge pas. Mais il en fait une sorte de motif interne de l’œuvre, en mettant en scène grâce au mur le problème de la limite catégorielle ; il en éclaire ainsi l’origine métaphorique : architecturale. On reconnaîtra en la matière une ambition proprement philosophique puisqu’au-delà de la catégorie « art », est soulevé le problème des limites de toute catégorie.

2. Se saisir d’une feuille de papier, l’ordonner d’une grille régulière, d’un schéma régulateur que ne renierait aucun architecte ayant assimilé la leçon moderniste du mouvement international, y tracer des segments droits chargés de représenter des murs, sont parmi les premiers gestes que Laurent Pariente exécute lorsqu’il s’apprête à réaliser une nouvelle œuvre. Puis vient la maquette (aujourd’hui, parfois, elle est le premier jet) : sur un plateau où il a transféré le plan des lieux, il projette la grille faisant office de canevas, et place, guidé par les lignes directrices, de petits rectangles découpés dans du carton-plume — celui dont usent à l’ordinaire les assistants réalisateurs de maquettes dans les cabinets d’architecture —, murs provisoires qu’il assemble avec des épingles, testant de la sorte diverses dispositions. Ces gestes ordinaires, ou qui du moins le paraissent, ressemblent en tous points à ceux de l’architecte. Encore faut-il préciser de quel architecte il s’agit. Comme le moderniste, Pariente à certes recourt à un schéma régulateur, il ne retient pas d’orientation privilégiée, il laisse communiquer l’intérieur et l’extérieur ; mais, contrairement à celui-ci, il ne refuse pas catégoriquement le mur porteur au profit du seul mur-rideau. (C’était on s’en souvient un des cinq points mis en avant par Le Corbusier. [5]) Son activité essentielle consiste à placer, à disposer des murs en un lieu donné ; il pense « mur » d’un bout à l’autre, et en cela semble s’être revêtu de défroques plutôt traditionnelles.

Dans l’ancien local du 11 rue Clavel, animé par Claude Rutault, Jenny Holzer et Peter Nadin distribuèrent un jour, en guise de prestation artistique, quelques courts textes questionnant la vie quotidienne ; dans l’un d’eux ils s’interrogeaient sur les murs :

« Maison et bureau
« Les cloisons intérieures de notre maison ou de notre bureau ont été construites par quelqu’un pour quelqu’un afin d’exclure quelqu’un. Cette espérance d’isolement et de sécurité est-elle appropriée, alors que les cloisons n’offrent qu’une illusion de sécurité ? La structure, en fait, est mince et fragile. Devrions-nous ériger des barrières plus solides, ou bien devrions-nous réagir aux propriétés réelles de la structure, c’est-à-dire qu’elle sépare pour se perpétuer et pour son propre bien-être, sans nous protéger. La division de l’espace affecte évidemment la façon dont nous nous organisons ; la séparation conserve ce système de soupçon et de menace. Nous nous rendons compte de notre vulnérabilité, nous redirigeons notre attention pour contrer les dangers posés par la structure existante. [6] »

Je me souviens de ce tract et de l’abîme de perplexité où il m’avait plongé. Pourquoi des murs intérieurs ? pourquoi diviser une maison en pièces ? et pourquoi des maisons ou des immeubles avec des murs ? pourquoi les clore ? D’un seul coup l’évidence familière de ces entités s’effondrait. Au nom de quoi aurais-je pu remettre en cause le droit d’un tel questionnement qui n’en débouchait pas moins sur un puits sans fond. Je pouvais bien concevoir que les appartements ne fussent pas fermés, comme à la Villeneuve de Grenoble dans l’après soixante-huit, où l’intelligentsia de gauche qui avait investi le quartier affectait de vivre toutes portes ouvertes ; je pouvais bien admettre, me projetant en quelque utopie, qu’il n’y eut pas de porte ; mais concevoir une absence totale de murs !

Le mur, pour la conscience moyenne, est fait pour fermer, pour enfermer, ou bien pour barrer, pour interdire un accès. En cela il a mauvaise presse. Aussi la conscience artistique ne s’empare-t-elle de lui que pour en retourner paradoxalement la fonction, et cela de deux façons complémentaires :

— d’un côté elle insistera sur les passages ménagés dans le mur et, par synecdoque, elle ira jusqu’à reconnaître à celui-ci une vertu d’ouverture :

« Le mur en argile molle est […] aussi l’ouverture d’un nouvel espace. Le mur d’angle contient et ouvre devant lui l’espace. (LP/JPR) »

— de l’autre elle retiendra la fonction de limitation :

« Le mur en soi est de l’ordre de la périphérie, de la limite, donc c’est quelque chose qui échappe à la notion de centralité de l’objet. (LP/MTC) »,

pour aussitôt dénier toute limite :

« L’espace que je construis n’est pas un lieu, il est plutôt un non-espace, un espace sans limite dans un lieu. (LP/JPR) »

Parvenus à ce point et observant les dessins et plans de Laurent Pariente, nous pourrions constater le caractère semi-ouvert des espaces qu’ordonnent ses murs, et conclure sans plus aller avant à une dialectique de l’ouvert et du fermé, de la limite et de son contraire — banalité qui pourrait s’appliquer à tout mur possédant une ouverture.

Le renversement de la fonction du mur ne s’inscrit pas dans une telle dialectique formelle. Le lieu construit n’est pas seulement une architecture. Inscrite dans un lieu donné, l’œuvre instaure un lieu déclaré être nulle part, pure utopie, le maintient de couples de contraires comme caractéristiques de l’œuvre étant la marque même de cette utopie — une utopie formulée en une poétique, qu’il reste à définir plus précisément. La question de l’architexte poursuivie dans le dédale de ses apories débouche sur un architexte bifrons qui les dénie tous, ayant pour face signifiante la poétique en question et pour face signifiée, l’utopie.

 

L’épreuve du labyrinthe

3. Laurent Pariente ne s’arrête pas à la valorisation de la périphérie et à la dialectique connexe de l’ouvert et du fermé ; tout en vantant la périphérie, il valorise également la clôture, l’isolation, l’autonomie du lieu créé par rapport à celui où il se situe, et cette autonomie l’emporte. La question des limites prend forme de la sorte sur fond d’intériorité, en un sens tout hégélien. L’affirmation du caractère intérieur de la question a logiquement conduit l’artiste, à un moment donné, à ajouter aux murs un plafond :

« À la Galerie de l’ancienne poste, je réalise pour la première fois un projet qui ne permette pas un regard sur l’espace. On ne perçoit plus du tout l’espace extérieur, celui de la galerie. Le plafond est lié à cette volonté de faire une pièce complètement intérieure. (LP/MTC) »

La lumière inonde le tout sans que l’on soit en mesure de déterminer son origine exacte. Isolé de l’extérieur le spectateur est d’autant plus perdu dans le labyrinthe.

« Le spectateur perdra ses propres repères dedans (c’est un labyrinthe), mais aussi par rapport à l’extérieur puisque le labyrinthe est couvert. (LP/MTC) »

Il n’est pas dans la position d’un sujet face à un objet :

« Tu n’es pas en face de l’objet, tu es dedans. Tu éprouves, tu ne saisis pas. (LP/MTC) »

L’épreuve du labyrinthe est avant tout sensible :

« Le spectateur est livré à lui-même, à sa confrontation avec l’espace, la matière, la couleur, etc. Il ne cerne pas. (LP/MTC) »

Le soin apporté à parer les murs, à leur donner tel aspect brillant ou mat, telle couleur improbable, témoigne à tous égards d’une recherche quasi sensuelle. À cette nuance près que le souci d’un matériaux qui sollicite tout ensemble la vue et le toucher, voire l’odorat, s’affiche au service d’autre chose que de la pure jouissance hédoniste. Demander à Laurent Pariente pourquoi dans telle œuvre il a enduit les murs de savon plutôt que d’argile ou de plâtre « est une mauvaise question » :

« Cela pourrait être autre chose… Ce qui compte, c’est que cette matière est lumineuse et inconnue, nouvelle pour le spectateur (LP/MTC) » .

Matière inconnue, quasi déréalisante, dont la finalité en tout cas n’est pas d’être identifiée concrètement, mais de produire un effet lumineux global, une ambiance qui résout toutes les contradictions, produit cet état d’ataraxie que Pariente nomme « bonheur » :

« La lumière a une incidence fondamentale sur les matières que je crée : argile, savon. Elle n’est pas brutale ni froide, elle est évanescente. Elle n’est pas un élément de subversion mais plutôt d’unité, d’homogénéité, de bonheur. Je ne peux pas la théoriser, je n’ai qu’une affection pour elle. (LP/MTC) »

(Il est difficile, ici, de ne pas entendre, dans l’unité ainsi produite et dans le bonheur afférent, quelque accent de l’âge d’or.) Pure affection, la lumière contribue à faire de l’œuvre une apparition :

« Tout doit “apparaître” en même temps au regard du spectateur. (LP/MTC) »

Ne pas séparer l’objet du sujet, placer le spectateur au cœur de l’œuvre suppose une conception phénoménologique de celle-ci :

« En s’installant dans le lieu, l’œuvre privilégie le moment de la visite. L’œuvre est là, dans ce lieu qu’elle porte et qui la soutient ; elle n’existe pas ailleurs. Le spectateur le sait. Ils se rencontrent au même moment, au même endroit. Spectateur, œuvre et site se tiennent mutuellement. (LP/JPR) »

On balance de la sorte entre l’unité primitive, heureuse, utopiquement retrouvée, et l’unité phénoménologique que forment l’œuvre, le spectateur et le site, dans le moment de la visite.

Il reste néanmoins à se demander quelle est la nature de l’apparition. Le site, le labyrinthe, joue une partie double. Il est à la fois le lieu et l’objet de l’expérience sensible, mais celle-ci, immédiate, n’en a pas pour autant pour objet la seule existence matérielle, tangible des murs et plafonds du labyrinthe. Une autre apparition est en jeu derrière l’apparaître sensible, un apparaître plus proprement philosophique : l’émergence d’une question. Sa précellence sur l’apparaître trivial, sensible, est flagrante. Il n’est pour s’en rendre compte que d’observer attentivement les dessins préparatoires de cinq lieux majeurs créés récemment, ceux qui prirent corps à la galerie de l’Ancienne Poste, à Calais, en 1993, au musée d’art contemporain d’Anvers (même année), à l’institut Henry Moore, à Leeds, en 1996, au Creux de l’Enfer, à Thiers en 1997, à la galerie Cent 8, à Paris en 1998. Dans ces dessins, comme dans ceux du bâtiment du Panetier, près de Boulogne (dont il a été question plus haut), le crayon inlassablement a parcouru le labyrinthe, hésitant, changeant de trajet, en adoptant d’autres, jusqu’à ce que des circonvolutions plus appuyées l’emportent — comme si c’était le trajet même du crayon, au terme de toutes ses hésitations, de toute son insistance aussi, qui avait dessiné en retour le labyrinthe et fixé les murs dans leur disposition finale. Il y a dans ces dessins une façon étonnante d’inverser l’ordre logique du processus, de faire du spectateur muni de toute la puissance de son errance, l’origine incongrue du labyrinthe. Ces dessins ne sont pas seulement l’accompagnement de l’œuvre principale ; ils en véhiculent la clé. Ils disent combien son caractère labyrinthique lui est consubstantiel : que les espaces créés sont le lieu d’une épreuve, qu’ils sont agis autant que construits, que cette épreuve est au départ de la construction et non son seul effet. Cette épreuve présupposée, déjà là avant même que ne vive l’œuvre pour le spectateur, se manifeste non seulement dans les dessins, mais encore dans le moment de la construction au cours duquel les maquettes sont à nouveau interprétées en parcourant les premiers reports de tracés au sol, où le schéma régulateur est ajusté, où l’appréhension directe et physique de l’espace conduit à y introduire maintes irrégularités, maints décalages. Autrement dit, le labyrinthe n‘est pas la concrétisation du plan, mais une épreuve, un parcours, une dimension philosophique qui précède ontologiquement l’œuvre, et ce déjà là lui confère, par rapport à celle-ci, une sorte de position originaire, un statut d’arché. Quand bien même telle œuvre n’aurait pas la forme d’un labyrinthe, celui-ci en tant qu’image de la question en est toujours comme le principe.

4. Commentant le dessaisissement, la dépossession du spectateur, Laurent Pariente assimile l’appréhension de l’œuvre à quelque parcours dans le noir — ce qui est assez paradoxale, parlant d’une architecture toute blanche, et ce qui laisserait penser que le blanc est trop blanc, aveuglant :

« [Le spectateur] est un peu dans la situation où, plongé dans le noir, sa perception habituelle de l’espace devient inefficace et ses yeux insuffisants pour le saisir. L’approche de l’œuvre ne se fait ni par le savoir, ni par l’expérience, car celle-ci est encore une modalité du savoir. On ne fait pas l’expérience du noir […] (LP/FB) »

Ailleurs, il parle de mémoire :

« Mon travail réveille une mémoire qui n’est pas seulement celle que suscite le cheminement dans l’œuvre […] La mémoire est ce qui vient alors, comme une reconnaissance de ce qui apparaît sous forme d’énigme et qui nous saisit. ((LP/ JPR) »

Entendant ces deux références au /blanc=noir/ et à la mémoire, il est difficile de ne pas lire dans le labyrinthe la métaphore d’un espace intérieur : âme, inconscient, ou quelque chose de la sorte qui resterait à préciser. On trouve, par parenthèse, une semblable équivalence du blanc et du noir, eu égard à une telle métaphore, dans l’œuvre d’Anne et Patrick Poirier [7]. Il faudrait aussi citer les déambulations dans des architectures dont tous les lieux se ressemblent qui, de L’année dernière à Mariendbad à Dans le labyrinthe, en passant par la Topologie d’une cité fantôme, ont contribué à faire d’Alain Robbe-Grillet un « spéléologue de l’imaginaire » dont l’univers est « celui du rêve et de l’hallucination [8] ».

Le caractère labyrinthique de cet espace intérieur est inscrit dans son dessin, dans son plan à déchiffrer. Hegel, en rapprochant le labyrinthe de la pyramide, en fait le hiéroglyphe de la mort. Il n’enferme que des symboles du divin, qu’un dieu absent. Dans les constructions des égyptiens, on erre pendant des heures, « et l’on se fait dire et révéler ainsi par ces masses de pierres empilées ce que c’est que le divin ». Les labyrinthes offrent « tout un parcours sinueux significatif parmi les énigmes symboliques. […] Des cours, dit encore Hérodote, on passe dans les chambres, des chambres dans les salles, des salles dans d’autres pièces et des chambres dans les cours. [9] » Langage muet à l’intention de l’esprit, l’errance fait sentir l’absence de vérité. Dans le labyrinthe, « c’est en effet l’image de lui-même comme indéchiffrable qui s’offre à l’esprit [10] ». Même si le sens en demeure inconscient, une telle image n’en possède donc pas moins un contenu symbolique : elle est pour l’esprit le symbole de la non identité à soi, de la mort de soi.

Autrement dit, à la fois origine et effet de l’œuvre : la question

« Être dans le labyrinthe c’est être à la recherche de quelque chose, dans une situation de frustration qui va se répéter le long des couloirs, des portes, de l’espace parcouru, sans rien obtenir » (LP/MTC)

Entendons par question une puissance neutre, impersonnelle, qui s’impose aussi bien à l’artiste qu’au spectateur. Elle est la force qui met en branle le dessin, elle pousse à parcourir en tous sens le labyrinthe, elle est le dessein de l’œuvre, ce qui l’excède et lui refuse d’être une fin en soi. L’œuvre n’est qu’un moyen au service de la question.

« L’objet réalisé n’est pas une fin en soi, il n’est qu’une étape du développement. C’est la finalité vers laquelle il tend qui est essentielle. » (LP/MTC)

La question qui se substitue ainsi à l’œuvre en tant que fin a deux caractéristiques principales : effet de l’expérience du labyrinthe, elle est sans réponse et sans objet précis.

« L’œuvre n’apporte pas de réponse ; elle ouvre simplement à une interrogation […] L’interrogation n’a pas à être nommée, elle est seulement l’expérience informulée et continue du spectateur face à l’œuvre. » (LP/JPR)

Cette question sans réponse et sans objet est cependant spécifiée — sinon explicitement, du moins dans les faits (dans l’œuvre) — en question des limites, Laurent Pariente lui-même accréditant cette hypothèse :

« Quand je gravais, je ne cherchais plus, à partir d’un certain nombre de gravures, à faire des gravures, mais à sortir de la gravure. J’ai poussé pour arriver au volume, puis pour arriver au mur, puis pour faire ce que j’ai fait à Lyon. Ensuite, j’ai poussé pour faire des volumes qui englobent l’espace habitable. Aujourd’hui, avec le labyrinthe, il s’agit d’une autre confrontation, mais dans cette continuité. Je ne pense pas que mon travail soit dans les murs ou l’argile ou le savon. Il est dans ce développement, dans le fait de pousser au bout les limites de ce qu’il est possible de réaliser. Ce qui est dans l’ordre du presque impossible fait partie des valeurs mêmes de mon travail. Cela a à voir avec la notion d’utopie. Une œuvre est importante dans la mesure où l’on a repoussé les limites de sa possibilité. » (LP/MTC)

Comment passer de l’obscurité du labyrinthe à l’aveuglement de sa lumière ? Un tel oxymore se retrouve chez Georges Bataille. L’homme est un défi porté à « la nuit universelle où tout se trouve et tout se perd ». Se donnant comme universel, il en est la « négation tragique », mais homme « il sombre dans les méandres de la connaissance de ses semblables, […] dans le labyrinthe brumeux formé par la multitudes des “connaissances” ». Ce n’est que « hors de lui », « dans l’anéantissement tragique » qu’il retrouve « l’éclat aveuglant qu’il n’avait pas pu supporter en lui-même ». Et Georges Bataille de filer la métaphore du labyrinthe en y replaçant le taureau : « L’universel ressemble à un taureau, tantôt absorbé dans la nonchalance de l’animalité » tantôt affrontant le vide, la « nuit du labyrinthe ».

« Mais le vide qu’il rencontre est aussi la nudité qu’il épouse en tant qu’il est un monstre assumant légèrement beaucoup de crimes, et il n’est plus comme le taureau le jouet du néant car le néant lui-même est son jouet : il ne s’y abîme que pour le déchirer et pour en éclairer la nuit, un instant, d’un rire immense, — auquel il ne serait jamais parvenu si ce néant ne s’ouvrait pas totalement sous ses pieds. [11] »

 

Le Neutre

5. La limite mise en question ne serait-elle pas celle du langage ? Quand, en ouverture, nous nous sommes interrogés, de façon très convenue, pour savoir quelle autorité architextuelle était garante de l’œuvre, nous avons senti combien les mots faisaient problème, combien était recherché leur porte-à-faux : ni a ni b, à la fois a et b, etc. Maurice Blanchot [12] a justement commencé la suite de chapitres nommée « L’expérience-limite » qui forment la seconde partie de L’entretien infini, par des considérations sur Héraclite, « l’homme entre les choses et les mots [13] ». Les phrases énigmatiques que la tradition nous a laissées obéissent à quelques formules rhétoriques identifiables. Laurent Pariente, amateur d’Héraclite de son propre aveu (LP/CB), est sensible à certains des procédés héraclitéens, et s’il n’a pas recours à l’asyndète, du moins prise-t-il l’antiphrase et l’inversion. Ainsi retrouve-t-on dans ses déclarations (LP/MTC, LP/JPR) :

— des attributs contradictoires avec le sujet :

« le mur est […] l’ouverture d’un nouvel espace »,
« [le mur est] une limite qui se retire »,
« [le vide est] un vide comblé »,
« un toit pas au-dessus [du spectateur], mais en lui »,

— ou contradictoires entre eux :

« [le savon] translucide et opaque, mat et brillant […] tantôt dur et friable, tantôt souple et moite »,
« lorsque vous êtes à l’extérieur, vous êtes toujours dans l’œuvre »,

— de nombreux verbes contradictoires entre eux

« l’œuvre prend corps en se retirant »,
« l’œuvre prend corps en se dérobant »,
« creuser […] c’est ouvrir »,
« en creusant le métal, le corps ouvrait un espace lumineux »,
« remplir l’espace pour mieux le creuser »,
« le mur contient et ouvre »,
« dans la mesure où l’œuvre se retire […] elle peut accueillir »,
« [le seuil] réunit en séparant »,
« [l’espace] réunit en séparant  »,
« [le mur à qui] la matière donne corps […] dans le même temps se dérobe »,
« le plafond s’ouvre en se fermant »,
« couloirs, portes, fenêtres ou bureaux se referment en s’ouvrant »,
« [la craie] ne couvre pas [le mur] pour l’habiller, mais pour le dénuder »,

— des verbes en contradiction avec le sujet :

« le vide construit [l’espace] »,
« [le plafond] contient le bâtiment »,

— des sujets s’attribuant leur contraire :

« [la plaque de zinc qui devient] espace »,
« faire un objet d’art qui échapperait à la notion habituelle d’objet »,

— la confusion du génitif objectif et du génitif subjectif :

« l’œuvre ayant trouvé son site permet au lieu de se situer »,

— l’interchangeabilité du passif et de l’actif :

« habiter l’œuvre et […] se laisser habiter par elle  »,
« lorsque vous passez une porte, la porte vous passe […] lorsque vous traversez l’espace, l’espace vous traverse »,
« [toucher l’œuvre et être] touché par elle »,
« le lieu que [l’œuvre] porte et qui la soutient »,

— à quoi il faut ajouter de très nombreuses négations — la plupart des déclarations revêtant la forme d’un « a n’est pas b » — voire de dénégations :

« l’espace que je construis n’est pas un lieu, il est plutôt un non-espace ».

Beaucoup des termes dont on pourrait supposer qu’il rendent compte du genre d’œuvre qui nous est proposé (y compris le mot œuvre que je n’utilise que par commodité), beaucoup des catégories architextuelles dont il a été question plus haut pourraient se couler dans une formule héraclitéenne. Plutôt que ni sculpture, ni architecture, ni peinture, il faudrait alors dire : « est et n’est pas de l’architecture », « est et n’est pas un mur », etc. La question de l’architexte, celle des limites, entendue de la sorte serait liée à celle du neutre. Elle prendrait naissance dans le langage en Grèce, quand il commence à philosopher. En s’emparant d’une catégorie grammaticale plus ancienne que lui, le langage philosophique abandonne les vieilles explications cosmo-vitalistes, les images de la génitalité et de la croissance. « […] l’être parménidien, remarque Henri Joly, dans l’unité de son abstraction et dans l’homogénéité de son être, n’aurait pas été possible indépendamment de la catégorie la plus appauvrie et la plus riche, la plus vide et la plus pleine, la plus abstraite et la plus insignifiante, la catégorie neutre de l’étant saisi dans sa neutralité. [14] » Or le neutre, avant de dire l’un a signifié la différence. Jean Bollack et Heinz Wismann montrent que l’on a assimilé abusivement le neutre héraclitéen à celui qui prévaudra dans la tradition philosophique : chez le penseur d’Éphèse « l’un ne dit pas l’union de l’ensemble des choses, mais au contraire la singularité de chaque chose qui a sa propre unité. [15] »

6. Le neutre, pour grammatical qu’il soit a l’origine, passe pour l‘indice d’autre chose. Maurice Blanchot y revient à plusieurs reprise : « Le neutre : nous croyons le saisir, si nous invoquons, au hasard, des formes d’action passive aussi marquées et remarquables que celles, précisément, du hasard, plus justement de l’aléatoire, de l’inconscient, de la trace et du jeu. Et bien d’autres formes pourraient être proposées sans jamais satisfaire : le sacré par rapport au dieu, l’absence par rapport à la présence, l’écriture (prise ici comme exemple non exemplaire) par rapport à la parole, l’autre par rapport à moi (et aussi bien à ce Moi qu’est autrui), l’être par rapport à l’existence, la différence par rapport à l’Un[16] »

Pour les sémioticiens, le neutre est un terme de deuxième génération obtenu par la mise en relation des deux termes négatifs : ni a et ni b. Il est à la fois contradictoire avec l’axe sémantique des contraires, a vs b, et déterminé par cet axe sans lequel il ne peut se concevoir. « On a donc à faire, dit le dictionnaire de Greimas et Courtés, avec un terme étrange, une sorte de « rien » sémiotique qui n’a rien à voir avec le rien affirmatif du sens nié, mais plutôt avec la privation sémiotique du sens posé ; un non lieu que la catégorie traverse et non pas le lieu d’un terme négatif.

« […] Plusieurs récits utilisent le neutre comme un ressort pour le déclenchement de séquences narratives, en particulier dans plusieurs poétiques du doute, du problème, de l’inquiétude, etc. là où le discours opère avec des procédures de neutralisation qui restent encore pour la plupart à dévoiler. [17] »

On voit par là comment le neutre est l’attribut favori d’une certaine poétique questionnante. N’est-ce pas un poète, René Char, qui a fourni à Blanchot l’objet de sa première méditation sur le neutre ? — neutre dont il dit que paradoxalement « portant un problème sans réponse, [il] a la clôture d’un aliquid auquel ne correspondrait pas de question [18] ». Roman Jakobson, dans une célèbre étude expliquait par la superposition de la similarité sur la contiguïté, l’« essence de part en part symbolique, complexe, polysémique » de la poésie », l’ambiguïté étant « une propriété intrinsèque, inaliénable, de tout message [qui, comme la poésie, est] centré sur lui-même [19] ». On s’en tient généralement là. C’est oublier qu’au revers de la poétique ainsi définie sémantiquement par le terme complexe (c’est-à-dire par le terme de seconde génération obtenu par l’union des terme posés sur l’axe des contraires (a vs b ) : a et b, à la fois riche et pauvre, à la fois sculpture et architecture, etc.), une autre poétique est possible dont la place est sémiotiquement déterminée, celle du neutre (lequel, on l’a vu, naît de l’union des termes posés sur l’axe des subcontraires : non b et non a, ni pauvre ni riche, ni architecture ni sculpture, etc.)

La logique transcendantale de Kant [20] contient la reconnaissance de ce troisième terme, le neutre, distincts des deux termes posés de la simple négation, en concevant un autre type de négation que celui qui s’attache à la définition d’une « grandeur négative », en distinguant la négation transcendantale de la simple négation logique. En plus des jugements affirmatifs et négatifs, le jugement indéfini (ou plutôt infini, unendlisches urteil) brille d’une lumière étrange. De ce dernier, Kant dit qu’il est limitatif (limitatives urteil), établissant ainsi un lien entre le neutre et le problème des limites. « Le jugement infini indique, non pas simplement qu’un sujet n’est pas contenu dans la sphère d’un prédicat, mais qu’il se trouve quelque part, à l’extérieur de la sphère de celui-ci, dans la sphère infinie ; il s’en suit que ce jugement représente la sphère du prédicat comme limitée[21] » Le neutre est donc le point à partir duquel peut se révéler ce qui demeurait impensé. D’un autre côté, en retranchant à l’infini des choses possibles tel prédicat, il laisse la pensée ouverte sur l’infini des choses possibles. C’est ainsi que l’affirmation d’une non-architecture, d’un non-lieu, tout en dessinant implicitement les limites dans lesquelles s’inscrit la distinction usuelle des catégories disciplinaires, architecture et sculpture, ouvre aussi sur l’espace imaginaire de l’utopie.

 

Architecture, arché et utopie

Laurent Pariente, tel un architecte classique, a recours, on l’a vu, à un module : par exemple, les alvéoles de base de la construction réalisée à la galerie Cent 8, sont des carrés de 1,20 m de côté. Même si cette grille a été ajustée par endroit, nous ne sommes pas loin du métron, par quoi l’architecture, chez les grecs, se distingue du simple bâtir et naît de la sorte en tant qu’art. Daniel Payot [22] montre comment le mot même, « architecture » est formé sur cette dualité, arché (à la fois origine et principe) venant s’ajouter à tektonia (construction). L’architecture a besoin d’un architecte, c’est-à-dire, si l’on se réfère au vieux sens de l’arché, d’un commandement, d’un principe extérieur, d’un projet. Comme l’architecte grec, Pariente exécute également des maquettes. De ces mêmes maquettes, les paradeigmata, Platon en fit la métaphore des modèles que le législateur utilise [23]. Car l’architecture n’est pas, on l’a remarqué, un art mimétique ; elle n’imite pas un ordre qui la précède mais le constitue. Le supplément artistique qui la fait distinguer de la simple bâtisse la contraint à être représentative d’autre chose : édifice législatif, philosophique, ordre cosmique — l’architecture, commente Denis Hollier [24], étant « avant toute autre détermination l’espace de la représentation ».

Or, dans un système idéologique moderne qui renverse la valeur positive du logos, de l’ordre, de la loi et du pouvoir, l’architecture devient un modèle à renverser. Georges Bataille en a dressé l’image honnie, à laquelle il a opposé l’informe du labyrinthe, délibérément anti-humaniste : « L’architecture est l’expression de l’être même des sociétés [… Les] grands monuments s’élèvent comme des digues, opposant la logique de la majesté et de l’autorité à tous les éléments troubles [… Chaque] fois que la composition architecturale se retrouve ailleurs que dans les monuments, que ce soit dans la physionomie, le costume, la musique ou la peinture, peut-on inférer un goût prédominant de l’autorité humaine ou divine. [… L’ordonnance] mathématique imposée à la pierre n’est autre que l’achèvement d’une évolution des formes terrestres, dont le sens est donné dans l’ordre biologique, par le passage de la forme simiesque à la forme humaine, celle-ci présentant déjà tous les éléments de l’architecture [… Si] l’on s’en prend à l’architecture […] on s’en prend en quelque sorte à l’homme. [25] »

Tout un discours, qui va en chercher les preuves dans une argumentation à la fois étymologique et historique, fait consommer architecture et ordre, voire académisme. Il faut dès lors quelque dialectique pour définir une architecture autre qui échapperait à de telles déterminations [26]. Le discours de Laurent Pariente sur ses propres constructions, le lieu qu’elle créent et celui qu’elles occupent, n’échappe pas au style antiphrastique déjà repéré :

« Je ne cherche pas à réaliser des espaces ou des lieux. L’espace que je construis n’est pas un lieu, il est plutôt un non-espace, un espace sans limite dans un lieu. Ce que je construis n’est pas un objet spatial, c’est peut-être simplement spatial. Il ne s’agit pas de construire un espace original, mais de réunir les éléments matériels pour permettre à l’œuvre de trouver un lieu d’habitation. » (LP/JPR)

S’il distingue sémantiquement deux sortes de lieux, en nommant site le lieu d’accueil, c’est pour mieux dire de l’autre le non-lieu.

« Cela a à voir, note-t-il, avec la notion d’utopie. »

Comment dés lors démêler les fils de ce discours postulant une architecture non-architecture, instaurant un lieu qui n’en serait pas un ? Pour rendre possible le discours de l’utopie, il faut quelque renversement de l’architecture, un déplacement de l’arché, qui glisse de son sens aristotélicien à celui d’une certaine archéologie, dont la prétention est bien de fouiller au-dessous des couches déposées par la tradition philosophique (et artistique) occidentale, en un lieu qui se veut originaire.

C’est ainsi que le labyrinthe prétend susciter la remémoration. La question qu’il soulève est originaire au sens ou dans sa reconnaissance, nous saisirions quelque chose de très lointain qui fait retour :

« Mon travail réveille une mémoire qui n’est pas seulement celle que suscite le cheminement dans l’œuvre. Elle est celle qui permet au spectateur de se trouver, lorsque déstabilisé, il est poussé dans ses retranchements. L’espace que je construis évide : il vide le spectateur de ses dispositions, de son attente, de ses repères ; de même, il vide le lieu. La mémoire est ce qui vient alors comme une reconnaissance de ce qui apparaît sous forme d’énigme et qui nous saisit. » (LP/JPR)

Le cheminement dans le labyrinthe ne produit aucun souvenir plein, aucune image. Grâce à l’évidement se lève une question au plus près de l’arché dont s’entendent les accents heideggeriens : remémoration, saisie, énigme, etc., et jusqu’à la substitution du thème de l’« habiter » aux notions trop cartésiennes de lieu ou d’espace. Avec l’architecture on peut donc jouer sur deux tableaux, et Laurent Pariente ne s’en prive pas. Quand arché est entendu en son sens de commandement, le metron prévaut, l’architecture se conçoit en tant qu’art et la référence va à l’histoire de l’art et de l’architecture. Quand arché s’entend en son sens heideggerien, l’accent est mis sur le labyrinthe, sur une architecture avant l’architecture, sur la détermination négative de l’art (sur le non-art).

Il faut appeler labyrinthe, écrit Denis Hollier, lecteur de Georges Bataille, « cette structure, dont l’ambiguïté n’est pas surmontable, d’un espace dont on ne sait jamais s’il nous rejette ou nous enferme, espace composé uniquement d’ouvertures mais sans que l’on puisse jamais savoir si elles donnent sur l’intérieur ou sur l’extérieur, si elles font sortir ou entrer [27] ». Mais ce lieu qui n’est ni intérieur, ni extérieur, n’est-il pas de la sorte la métaphore de toute l’architecture ? Dans l’esthétique hégélienne n’est-ce pas l’architecture en son entier qui correspond à un entre-deux entre extériorité naturelle et intériorité spirituelle, entre immédiateté primitive et réflexivité adulte ? N’est-elle pas un passage, et en cela elle aussi l’effet d’une double neutralisation ? Pour faire consommer le neutre avec l’idée de passage, le jugement limitatif avec la dialectique hégélienne, il faut concevoir le neutre comme la substantialisation d’un processus — du mouvement qui va du même à l’autre. Terme transitoire permettant de passer du même à son contraire, le neutre ainsi entendu devient la « tentative logique pour dire (rationaliser) le passage [28] ». Or, le neutre ainsi définit comme substantialisation d’un passage, est l’attribut de ce qui n’a pas de lieu, d’un non-lieu — utopie — où se déroule le récit, conçut comme la transformation d’un état de chose en son contraire. « Le neutre fait ainsi surgir cette idée paradoxale d’une partie d’un tout qui serait hors du tout, d’une partie qui serait en supplément des parties complémentaires de la totalité dont la somme l’épuise, d’une différence qui s’ajouterait au système clos de la différence. [29] » N’ayant sa place nulle part dans le système, il définit l’autre du système. Le discours utopique a donc cette spécificité, remarquée par Louis Marin, de faire coïncider l’utopie inhérente à tout récit avec une figure spatiale, celle de l’architecture. Au Janus bifrons de l’arché et de l’architecture s’ajoute donc un second jeu d’ambivalences : celui qui fait se superposer le neutre à la fois avec l’architecture et avec l’utopie.

 

Figure

N’y a-t-il pas quelque illusion à penser que l’on puisse rester dans le neutre, en ce lieu d’où s’engendrerait la limite, sans produire à son tour de limite, sans faire image ? Le mouvement qui emporte cette recherche insensée, n’est-il pas toujours contrecarré par son contraire, par la force de l’image, qui rabat la figure sur une configuration identitaire ? Puissance du système de l’art, antinomique de la puissance de désœuvrement de l’art visant son autre, puissance transformant la dénégation en reconnaissance : nommant l’installation, la construction, le labyrinthe, lui attribuant un auteur, Laurent Pariente, insérant œuvre et artiste dans la chaîne des identités de l’histoire de l’art. Le mouvement profond du parcours dans le labyrinthe, la poursuite insensée de la figure du neutre, — de « l’effet de neutre » pour parler comme Blanchot, cette pensée de la rupture du cercle des cercles peut-elle se figurer ? Si l’œuvre, malgré qu’elle en ait, fait de l’utopie artistique une image, en faisant œuvre Laurent Pariente ne remet-il pas en scène, une fois de plus, l’échec programmé du désœuvrement moderne ?

Regardant, tentant d’analyser les œuvres de Laurent Pariente, écoutant son discours, il ne nous a guère été possible de ne pas l’inscrire dans une catégorie sémiotique (le neutre), de ne pas convoquer des thèmes philosophique (le problème des limites, l’utopie), voire mythologique avec la figure du labyrinthe largement sollicitée. Au bout du parcours, l’analyste est bien obligé de reconnaître un certain décalage entre les abstractions qu’il manipule — et dont l’artiste lui-même ne se prive pas, comme en témoigne son discours —, et l’œuvre elle-même, l’expérience sensible qu’elle provoque. Il faut bien en effet que la philosophie, la pensée, quitte le plan de la stricte spéculation pour que l’œuvre advienne, concrète, matérielle. Un ensemble de procédés de traduction sont à l’œuvre — parler de traduction ne préjugeant en rien du fait que la philosophie serait première et l’art second, ou l’inverse ; la traduction est seulement le nom donné aux opérateurs qui permettent de passer d’un plan à l’autre. Tels sont le labyrinthe, le jeu de la limite, des ouvertures et des fermetures, le neutre pris comme un mot dont on maintient le sens en suspension. Côté pensée, ils soulèvent les problèmes philosophiques, logiques, sémiotiques qu’on a vus, et mettent en scène leur obscurité. Côté œuvre, ils se spécifient en construction matérielle, en labyrinthe semi-ouvert, en revêtement neutre, indescriptible (la craie, l’argile), en espaces aveuglant de lumière. Tels sont labyrinthes, jeu des limites et des passages : une figure bifrons. Comme un schème de l’imagination, elle permet de faire communiquer des pensées et des images.

Parcourant le labyrinthe en compagnie d’Ariane, Thésée n’en posséda jamais la clé. Sorti vainqueur de l’épreuve grâce au subterfuge de la fille de Minos, il exécuta en compagnie de sa suite, garçons et filles, une danse en l’honneur d’Aphrodite dont Hubert Damisch souligne le caractère dionysiaque. Tels le crayon de Laurent Pariente parcourant le plan de la construction en dessinant l’entrelacs d’un trajet sans fin, « pareille farandole, au moins si l’on en croit Plutarque ne reproduisait pas tellement le cheminement du héros qu’elle ne redoublait le labyrinthe lui-même par le détour d’une danse qui mettait en mouvement tous les membres des corps entraînés par elle dans une course sans autre terme assignable que l’étourdissement ou l’ivresse légère des danseurs livrés à des méandres, leur individualité étant appelée à se consommer dans des figures collectives dont l’entrelacement et la succession, entraînant la rupture répétée de la chaîne, étaient faits pour évoquer ce lieu obscur et sauvage […] [30] » Or, concernant le labyrinthe crétois, la mythographie qui de Dédale en fait l’architecte le tient aussi pour le plus célèbre sculpteur de xoana, de ces statuettes de bois recouvertes de métal précieux, effigies des dieux placées au centre de chaque sanctuaire. Entre l’architecte du labyrinthe, auteur selon Hegel d’un art symbolique qui a toujours quelque chose d’illimité, et le sculpteur, producteur d’image, possédant le sens de la mesure et respectant les limites de l’individualité, la contradiction, remarque Damisch, est frappante. Le mythe, mêlant par anachronisme deux époques de l’enfance de l’art, assimile la figure au fond, l’apollinien au dionysiaque : « Car s’il faut, pour que Dédale puisse être déclaré l’inventeur des images, qu’il soit simultanément désigné comme le constructeur du labyrinthe, c’est (ainsi que le veut la perception) qu’il n’y a de figure que par rapport à un fond. »

Dans un cours, sur Le principe de raison, Martin Heidegger a développé une longue réflexion sur le paradoxe du fond. Ayant posé l’assimilation de l’être au logos, Heidegger constate qu’il « “est” la même chose que la raison (le fond) », mais, ajoute-t-il, « pour autant que l’être s’étend comme fond, il est lui-même sans fond » :

« Non pas qu’il se fonde lui-même, mais parce que toute fondation — même celle de soi-même par soi-même et justement celle-là — demeure inappropriée à l’être comme fond. Toute fondation, et même toute apparence de pouvoir être fondé, ne pourrait que rabaisser l’être au niveau de ce qui est. L’être en tant qu’être demeure sans fond. Le fond, celui qui devrait d’abord fonder l’être, demeure loin de l’être, sans rapport avec lui. L’être : le sans-fond, le sans-raison, l’abîme. [31] »

Le fond du fond, nous ne pouvons l’atteindre, nous ne pouvons rien en dire. Où plutôt, explique Hubert Damisch, nous n’avons jamais affaire qu’à une de ses figures. « Le labyrinthe n’est pas le fond, si même il se substitue dans l’équilibre du mythe au fond de l’être le plus obscur et souterrain — sinon, plus explicitement, à la caverne, à l’antre originel ou infernal —, mais sa métaphore ou figure, comme l’entrelacs l’est de la matière où toute forme naît et s’abolit. » Une telle figure, version différée de l’originaire, n’en a pas moins une fonction dans l’histoire de l’esprit, celle de reconnaître des expériences qui ne sont pas données dans l’intuition. « Bâti selon les voies de l’art, dit encore Damisch, le labyrinthe du mythe est cette figure qui contredit à la notion de contour et de forme en même temps qu’à celle même de fond, et tout à la fois l’outil d’un discours qui travaille à dépasser l’opposition, sinon la distinction de la figure et du fond, mais pour l’inscrire encore dans une figure : figure au-delà (ou en deçà) de toute figure et où l’esprit s’enclôt pour apprendre d’elle les conditions qui sont celle de la pensée, et d’abord du langage, par ce privilège qui fait la Pensée apparaître comme l’autre de l’esprit (selon les termes propres de Hegel) et comme le fond de toutes les pensées […] [32] » Dans l’histoire moderne de l’art, le labyrinthe — et avec lui toutes les constructions qui tentent de formuler le fond architectural — prend place à côté d’autres tentatives qui ont la même fonction : à côté du monochrome, de l’entrelacs et du tissage, de la transparence, aussi — toutes entreprises qui mettent en scène le paradoxe d’une pensée du fond, d’une pensée qui prétend se projeter et résider en deçà de tout rapport avec un fond.

Une telle figure, si elle peut être engendrée, repose sur un chiasme sémantique. La disposition spatiale est bien de l’ordre d’un englobé et d’un englobant. Mais est dénié à l’englobant toute prétention à fournir un fond universel. Quant à l’englobé, tout en étant construit à partir d’une parcellisation de l’espace, il finit par se voir attribuer les qualités d’un tout sans parties. Entre omnis et totus, l’échange des places est frappant : il y a eu attribution à l’intérieur des attributs d’un tout indéterminé, tandis que l’extérieur a été doté des qualités d’un espace circonscrit (déterminé par l’institution, l’histoire, la culture).

Textes cités

* Références des textes et déclarations de Laurent Pariente cités :

– « Laurent Pariente : entretien avec Marie-Thérèse Champesme », Art Présence n° 6, Pléneuf-Val-André, sept.-oct. 1993, p. 16-19. (LP/MTC)

– Laurent Pariente, Notes de travail, inédit, s. l. n. d. [1996-97]. (LP, N)

– Diverses communications orales, automne 1996- printemps 1998. (LP/CB)

– « Habiter l’œuvre – entretien avec Laurent Pariente », dossier réalisé par Jean-Paul Robert, Detail, Munich, 1997. (LP/JPR)

– « Laurent Pariente. L’expérience du vide ou le lieu de l’intermédiaire. Dialogue avec Frédéric Bouglé », Art Présence n° 25, Pléneuf-Val-André, janv.-févr.-mars 1998, p. 5-17. (LP/FB)

Notes

[1]. Sur ce sujet cf. mes « Notes sur l’architexte », in L’art exposé, (sous la direction de Bernard Fibicher), Sion, musée cantonal des Beaux-Arts / Ostfildern, Crantz Verlag, 1995, p. 49-65.

[2]. Philippe Sollers, « Le roman et l’expérience des limites » [1965], Logiques, Paris, Le Seuil, 1968, p. 226-249.

[3]. À la différence d’un Jacques Vieille qui avoue avoir rêvé de le devenir, ou d’un Luc Deleu qui l’étant réellement le fait légitimer en tant qu’art.

[4]. Le modèle en a été rencontré à la Villa Arson, à Nice, lors d’un séjour de l’artiste en 1996. Les ateliers de cette école construite par Michel Marot, en 1970, sont éclairés à l’est et à l’ouest par un dispositif de cette sorte.

[5]. Tout du moins la conséquence des notions de plan libre (construction sur pilotis) et façade libre. Cf. « Les cinq points d’une nouvelle architecture » [1926] ; repris in Le Corbusier et P. Jeanneret, Œuvres complètes 1910-1929, Zurich, Les Éditions d’architectures, 1974, p. 128.

[6]. Jenny Holzer, Peter Nadin, Textes positions, Paris, Onze rue Clavel, 1980.

[7]. Cf. Jean Clair « Une archéologie du présent », chroniques de l’Art vivant n° 32, Paris, août-sept. 1972, p. 16-17 ; cf. également mon « Anne et Patrick Poirier et le théâtre », in catalogue Anne et Patrick Poirier, Grenoble, Maison de la culture, 1984.

[8]. Gérard Genette, « Vertige fixé », postface à Alain Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, Paris, U.G.E., 1962, p. 271-306 ; repris in Figures, Paris, Le Seuil, 1966, p. 69-90.

[9]. Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Vorlesungen über die Aesthetik [1818-1829], éd. Heinrich Gustav Hotho, Werke, t. x, 2ème édit. Berlin, 1841 ; nouv. trad. franç., Jean-Pierre Lefèbvre et Veronika von Schenck, Cours d’esthétique, Paris, Aubier, t. ii, 1996, p. 273 et 275. Cité par Daniel Payot, Le philosophe et l’architecte, Paris, Aubier, 1982, p. 39.

[10]. Daniel Payot, op. cit., p. 40.

[11]. Georges Bataille, « Le labyrinthe », Recherches philosophiques, t. V, Paris, 1935-36, p. 364-372 ; repris in Œuvres complètes, t. i, op. cit., p. 433-441.

[12]. Maurice Blanchot, L’entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 119 sq.

[13]. Il se réfère au livre de Clémence Ramnoux, Héraclite ou l’homme entre les choses et les mots (Paris, Les Belles lettres, Guillaume Budé, 1959 ; 2ème éd. augm., 1968.

[14]. Henri Joly, Le renversement platonicien, Paris, Vrin, 1974 : « La neutralité de l’essence », p. 23-27.

[15]. Jean Bollack et Heinz Wismann, Héraclite ou la séparation, Paris, Minuit, 1972

[16]. Maurice Blanchot, Le pas au-delà, Paris, Gallimard, 1973, p. 103-104.

[17]. Francesco Marsiani, complément de l’article « Neutre », in Algirdas Julien Greimas, Joseph Courtés, Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du langage, t. ii, Paris, 1986, p. 152. Cf. également A. J. Greimas et François Rastier, « The interaction of semiotics constraints », Yale French Studies, n° 41, 1968 ; version franç. in A. J. Greimas, Du sens, Paris, Le Seuil, 1970, p. 135-155.

[18]. « René Char et la pensée du neutre », in L’entretien infini, op. cit., p. 437 sq.

[19]. Roman Jakobson, « Closing statements : Linguistics and Poetics », in Thomas A. Sebeok éd., Style in Language, New York, 1960 ; repris in Essais de linguistique générale, trad. franç. Nicolas Ruwet, Paris, Minuit, 1963, p. 209-248.

[20]. Critique de la raison pure, trad. franç. A. Tremesaygues et B. Pacaud, Paris, PUF, 1944, 7ème édit. , 1971, p. 89-90. Kant est cité et commenté par Louis Marin (Utopiques : jeux d’espaces, Paris, Minuit, p. 36-39).

[21]. Emmanuel Kant, cours de Logique, trad. franç. L. Guillermit, Paris, Vrin, 1966 : « Qualité des jugements », p. 113-114.

[22]. Op. cit.,

[23]. Cf. Henri Joly, op. cit. : « technique et métrique », p. 262-271, géométrie et utopie », p. 303 sq., « Le droit et la mesure », p. 262 sq.

[24]. Denis Hollier, La prise de la Concorde, Paris, Gallimard, 1974, nouv. éd., 1996 : « La métaphore architecturale, p. 66 sq.

[25]. Georges Bataille, article « Architecture », Documents, n° 2, Paris, mai 1929, p. 117 ; repris in Œuvres complètes, t. i, Premiers écrits 1922-1940, p. 171-172. Cité par Denis Hollier.

[26]. Sylviane Agacinski (Volume : philosophie et politique de l’architecture, Paris, Galilée, 1992), de façon quelque peu abusive, fait ainsi de l’architecture elle-même un « désœuvre ».

[27]. Op. cit., p. 115.

[28]. Louis Marin, op. cit., : « L’arbitrage de la synthèse et la guerre de la différence », p. 30-33.

[29]. Louis Marin, op. cit., p. 30.

[30]. Hubert Damisch, « La danse de Thésée » Tel Quel, n° 26, Paris, été 1966, p. 60-68 ; repris in Ruptures cultures, Paris, Minuit, 1976, p. 163-175.

[31]. Martin Heidegger, Der satz vom grund [1957] ; trad. franç. André Préau, Le principe de raison, Paris, Gallimard, 1962 ; coll. Tel, 1983, p. 239.

[32]. Hubert Damisch, « La danse de Thésée », op. cit., p. 174-175. Dans « Le labyrinthe d’Égypte », Damisch (Skyline. La ville narcisse, Paris, le Seuil, 1996, p. 38-57) a poursuivi cette réflexion sur le labyrinthe.