La religion de Morellet

Le problème de l’incroyance dans l’art de la seconde moitié du XXe siècle
(Postface à l’Éloge des culs-de-sac)

(Publié in catalogue François Morellet. Quelques courbes en hommage à Lamour (Nancy, Musée des beaux-arts), Paris, R.M.N., coll. « reconnaître », 2003. Repris in Christian Besson, Abductions. L’œuvre et son interprétant, Genève, Mamco, 2006.)

François Morellet a conçu son exposition au Musée des beaux-arts de Nancy comme un hommage à Lamour[1], l’auteur des grilles de la place Stanislas. Pour qui connaît sa référence récurrente au style baroque et son goût des jeux de mots, cela n’a rien de surprenant. Au baroque et à son cortège d’attributs — la courbe, l’irrégularité, le mélange des médiums, la métaphore végétale, la perturbation de l’architecture par le décor, l’anamorphose, l’effet optique, la dissolution des formes, voire le ravissement amoureux — son œuvre répond par bien des échos, davantage et de plus en plus délibérément, du reste, au fur et à mesure qu’elle avance dans le temps. La référence de l’artiste va même plus précisément à la phase tardive du baroque, le rococo, comme il s’en est expliqué dans la présentation de son exposition à la galerie de l’École des arts appliqués de Vienne, en 1994, exposition qu’il avait intitulée de façon significative BarocKonKret, ramassant de la sorte, en un mot-valise, la duplicité d’un œuvre entrepris sous les hospices de la rigueur constructiviste. Cette duplicité est connue et les pieds de nez hasardeux et baroques de Morellet à l’École de la rigueur ont déjà donné lieu à maints commentaires — y compris les siens[2]. L’Hommage à Lamour poursuit donc, en tout état de cause, le renversement du paradigme de ses premières amours, celui de l’ascétique trame, au profit d’un nouveau, plus débridé, celui de la courbe. L’exposition va même plus loin, en construisant la fiction rétrospective[3] d’un Morellet entièrement « courbe », à coup de sélection partiale d’œuvres ad hoc. Ce tour de force est bien entendu un mensonge.

Or, Morellet saisit cette occasion nancéenne pour publier un essai faisant l’« Éloge des culs de sacs », sorte de plaidoyer pro domo pour la voie qu’il a suivie et qu’il définit, mi-sérieux, mi-amusé, comme une impasse. À lire en filigrane ce texte en forme de Rückblicke, l’abandon de la trame au profit de la courbe, le passage de la contrainte du système à la liberté de la ligne serpentine, tout ce discours rapide qui s’offrait comme la voix royale de l’interprétation de l’œuvre se brouille ; les provocations de l’artiste cessent d’apparaître comme une palinodie, et requièrent au contraire d’être comprises comme une contestation interne qui ne renie pas les prémices systématiques.

Désordre amoureux

Le baroque incarne avec d’autres contre-modèles — art concret, art systématique, motifs abstraits non occidentaux, Dada, etc. — l’opposition de Morellet à une norme elle-même plurielle — figuration, expressionnisme, etc., et cette opposition entre deux pôles plus ou moins fluctuants se retrouve dans plusieurs de ses textes. À ma droite, si l’on peut dire, le modèle contesté, à ma gauche, la valorisation de sa transgression. Une opposition variable donc, ou plutôt double : externe et interne. Lutter contre l’ennemi ou bousculer ses amis, cela n’a pas le même sens, n’est-ce pas ? Au rang de l’opposition externe, mettons la contestation de l’art et de son histoire occidentale, et la référence à des contre-valeurs comme celle des arts d’autres civilisations (peintures sur écorce des aborigènes australiens, tapas océaniens, entrelacs mauresques) ; sans oublier le rejet de toute forme de figuration et d’expressionnisme au profit d’une recherche abstraite (concrète) et systématique. Cette opposition externe n’a en somme guère varié. Il n’en est pas de même de l’opposition interne, plus labile, qui se renouvelle à chaque apparition d’un nouveau type d’œuvre, selon une dialectique que l’artiste lui-même date ainsi :

1944-1949 : peintre figuratif ; 1950-… : peintre abstrait ; 1952-… : systèmes ; 1958-… : répartitions aléatoires ; 1962-… : structures dans l’espace ; 1965-… : néons ; 1968-… : adhésifs ; 1971-… : Désintégrations architecturales ; 1973-… : tableaux déstabilisés ; 1983-… : Geometrees ; 1986-… : Géométries dans les spasmes  ; 1988-… : Défigurations  ; 1991-… : œuvres baroques ; 1992-… : Relâches  ; 1996-… : Lunatiques  ; 1998-… : p picturaux.

La référence à des traditions non occidentales, l’adoption de l’abstraction et de procédures systématiques et programmées n’ont jamais été reniées par Morellet, même s’il a pu se déclarer « fatigué d’un certain constructivisme classique et équilibré[4] ». C’est de ce parti pris global dont il parle ici même en terme de « cul-de-sac ». L’opposant à l’expressionnisme et à l’académisme réaffirme sa sympathie à l’égard des « jusqu’au-boutistes », les compagnons de route qu’il a choisis à compter du début des années 1950 avec ses premières œuvres systématiques. Le mouvement qui commence en 1958 avec le recours au hasard, et se poursuit ensuite jusqu’aux œuvres baroques et aux p picturaux ou sculpturaux, en passant par les Désintégrations architecturales, est donc, a contrario de l’opposition externe, une contestation tout interne ; elle concerne ses propres œuvres ou s’adresse à son propre camp, celui des artistes qui comme lui ont emprunté la voie d’un art concret désémantisé. Le hasard, et les trames contestent la recherche programmée de nouvelles formes intéressantes. (Morellet, au début des années 1960 parle encore de Gestalt, de bonne forme.) Les adhésifs, outils éphémères contestent la production fétichiste d’œuvres-objets que l’art concret n’a pas rejetée. (Morellet a d’abord fait des tableaux.) Avec les tableaux déstabilisés, ils font de l’artiste un digne membre de la nouvelle tribu de l’in situ. Les Désintégrations architecturales font le pied de nez à tout le discours avant-gardiste qui, depuis Léger, a défendu au contraire l’intégration, c’est-à-dire la subordination de la peinture à l’architecture. Les œuvres baroques depuis la Gitane de 1991, les Grotesques, les Courbettes, les Lunatiques et autres p rococo, opposent la courbe à la droite officielle de Mondrian. (Les trames, donc des droites, furent la première marque de Morellet.) Les Relâches, avec les précédentes, font de la surenchère sur la dispersion aléatoire et feignent un informel que l’art systématique abhorre. Toutes ces contestations internes ne remettent pas fondamentalement en cause l’engagement de l’artiste dans le camp qu’il a choisi au début des années 1950, et ressortissent plutôt à une sorte de querelle amoureuse. C’est du moins ce que laisse comprendre l’Éloge des culs de sacs, où Morellet parle de son « grand intérêt », du « plaisir » pris à réaliser des œuvres non-figuratives, de son « enthousiasme » et de son « optimisme naïf » :

« Me voilà donc, depuis cinquante ans, heureux de m’être inscrit dans ce courant pur et dur, tempéré dans mon cas, il est vrai, par le nihilisme charmeur de Duchamp […] »

Définir la voix qu’on a suivie comme une impasse, c’est à coup sûr faire état de sa désillusion. Une impasse mène bien quelque part, mais ne va pas plus loin ! L’impasse, en matière d’art, qualifierait une voie sans avenir et sans postérité. A priori, quel triste constat  ! Morellet, cependant, affirme dans le même mouvement qu’il ne regrette pas de s’y être engagé et en tire même une certaine superbe. La désillusion se double de la satisfaction de s’être écarté du main stream, un sentiment rien moins qu’aristocratique venant contrebalancer ce qui pourrait être tenu pour un échec.

Croyances, incroyance et passion

Mais commençons par la désillusion, si désillusion il y a. Elle doit être rapportée chez Morellet à son incroyance récurrente.

« Moi-même, aujourd’hui, je me demande à partir de quand je n’ai plus été croyant. »

Tout se passe en effet comme s’il n’avait cessé de s’efforcer de ne pas croire, y compris à ses œuvres et à sa gloire. On peut le mesurer à divers auteurs, cités ici ou là, porteurs de valeurs qu’il a partagées, ou qu’il aurait pu partager, et qui, systématiquement, sont renvoyés en fin de compte dans les cordes.

Le premier guide cité est Gurdjieff, guide momentané que Dmitrienko, qu’il fréquente entre 1948 et 1951, lui a fait connaître[5]. Du livre d’Ouspenski, Fragments d’un enseignement inconnu[6], qui diffusa l’enseignement de Gurdjieff et fut publié en France avec un certain succès, Serge Lemoine rapporte en effet qu’il constitua pour Morellet « un très grand choc ». Le titre anglais primitif, In Search of the Miraculous, trahit davantage le galimatias ésotérico-initiatique de cette prose qui reteint un temps notre artiste, dont on peut se demander s’il n’a pas traversé alors une crise mystique, quoiqu’il s’en soit défendu plus tard :

« Ce qui m’intéressait était l’idée du contrôle de son corps, de son esprit, du dépassement de soi. Et ces idées étaient puisées ailleurs qu’en Occident. Les références au Tibet, à l’Orient me fascinaient. Ça m’a intéressé longtemps. Mais le livre de Gurdjieff, Récits de Belzébuth à son petit-fils[7], qui se voulait nietzschéen, était du genre prétentieux débile[8]. »

Étrange référence malgré tout que ce piètre penseur, eu égard au Morellet d’aujourd’hui, et qui indique sur quel fond d’adhésion à un ensemble de contre-valeurs s’est forgé son engagement d’artiste. Si Gurdjieff fut en définitive congédié pour cause de débilité profonde, le self control et la nébuleuse des valeurs orientales demeurèrent.

Gurdjieff enseignait l’état de non-existence de la plupart des hommes qui vivent tels des somnambules et répondent mécaniquement à ce qui « arrive », l’étude des lois de cette machinerie, la prise de conscience de ce perpétuel changement d’attitude, de cette « idiotie », devant permettre d’accéder, avec l’aide de quelques exercices, — bien entendu tenus secrets ! à un état de veille et de lucidité ; ce qui revenait en somme à valoriser une activité « contre nature ». Morellet a jeté les exercices ; il a conservé la lucidité et l’éveil, mais aussi le hasard et l’artificialisme.

  1. Les valeurs orientales n’étaient pas nouvelles. Jeune étudiant, Morellet avait guidé ses pas vers les Langues O., qu’il n’avait abandonnées pour l’entreprise familiale, en 1948, que bardé d’un diplôme de russe[9]. Avec la fréquentation du musée de l’Homme, l’attrait de l’Orient s’est élargi à d’autres civilisations non européennes ; il s’est aussi confirmé, l’été 1952, par la découverte des entrelacs de l’Alhambra de Grenade. Dans le projet, évoqué dans l’Éloge, d’un ouvrage qui dresserait « l’inventaire des hauts lieux de l’art géométrique », le terrain de recherche alternatif est toujours en majorité celui de ces autres civilisations, mais la contre-valeur devient plus généralement celle des « arts décoratifs » ou « appliqués ».
  2. Sa défiance acquise à l’égard de l’ésotérisme se porta aussi sur le domaine des nombres, mais il fut auparavant tenté par leurs mystères. C’est l’époque où il réalise des peintures déjà très simples, à la règle et au compas et dans des tons cassés à la Charchoune. La plupart sont le fruit d’une géométrie toute subjective. Certaines semblent cependant calculées.

« Le nombre d’or, ça me fait rigoler maintenant. Bien sûr j’avais lu Ghyka. J’ai encore des dessins d’œuvres non réalisées, du début des années cinquante, qui utilisent le nombre d’or. Mais c’est ésotérique et non justifié[10]. »

Très vite, ces calculs seront abandonnés pour des systèmes sans connotations symboliques et sans liens avec la tradition picturale issue de la Renaissance. On passera de l’ésotérique F à l’irrationnel p, des mystères pythagoriciens de à la simple commodité des ramdom numbers. Le hasard, introduit comme système de fabrication d’œuvres visuelles, à compter de 1958 — utilisation des décimales de p ou des chiffres pairs et impairs d’un annuaire du téléphone — ne devra plus rien aux relents métaphysiques du tournant de 1950 ; il ne sera plus « ce qui arrive », au sens gurdjieffien du terme. Il est à noter cependant que ce premier hasard rencontré, qui rime avec « destin », se retrouvera ailleurs, et subsistera comme « ce qui arrive à l’œuvre » lorsqu’elle est interprétée par le spectateur.

  1. La théorie du pique-nique que Morellet popularisa dans le milieu de l’art, à compter de 1971, revenait en effet à reconnaître le rôle de l’interprétation hasardeuse du spectateur, et même à concevoir un art qui lui ménage la plus grande place possible, celle de la nappe étendue pour qu’il puisse y déballer ses victuailles. Ainsi ce même hasard qui avait poussé sur un terreau de croyance initiatique, revenait en tant qu’arme retournée contre la croyance qui avait occupé Morellet dans les années 1960, pour s’attaquer au rêve d’une participation dirigée du spectateur. Ce rêve, comme tout rêve pédagogique, était en effet un rêve de contrainte, et même en ce qui concerne les labyrinthes du GRAV, de contrainte par corps et par esprit. Le titre d’un texte de 1967, « Mise en condition du spectateur[11] », est à cet égard un aveu plus parlant que le lénifiant « participation du spectateur » :

« […] il paraît nécessaire que l’art de demain face appel à la mise en condition et au temps dirigé, principalement si nous voulons essayer de toucher d’autres spectateurs que le petit groupe d’esthètes cultivés et raffinés formant jusqu’ici la majorité de notre public. »

Quatre ans plus tard, dans « Du spectateur au spectateur ou l’art de déballer son pique-nique[12] », Morellet ne croit plus au « rêve ».

« Je sais que c’est le rêve de beaucoup d’artistes de toucher directement un public sans culture. Cela a été aussi le mien. Mais soyons objectifs. Quel est l’artiste moderne qui a eu un succès auprès du public non informé sans passer par des spécialistes, promoteurs, commentateurs ? Toutes les formes d’art vraiment nouvelles n’ont provoqué qu’hostilité ou indifférence quand elles avaient la chance d’être présentées à ce public vierge idéal. La « sortie dans la rue », que nous avons faite avec le Groupe d’Art Visuel, n’a enthousiasmé (en dehors de nous) que deux critiques et un directeur de musée convoqués à cet effet. »

La théorie du pique-nique a une portée double. Elle sert en premier lieu à brocarder les œuvres surchargées de figures et de symboles, et leurs derniers avatars, les concepts et les attitudes qui offrent de « nouveaux terrains vagues » aux déballages imaginatifs d’un petit groupe de « vassaux des grands génies ». Mais, Morellet, rapporte aussi la théorie à la tradition dans laquelle il s’inscrit :

« l’Art pur, l’Art pour l’Art, est fait pour ne rien dire (ou tout dire). Quand de leur vivant, des artistes semblent en accord avec certains de leurs commentateurs, c’est la plupart du temps qu’ils ont accepté ravis, le sens qu’on a donné à leur travail. »

Tout se passe donc comme si le vide, l’absence de significations intentionnelles, était le garant d’une liberté de déballage du spectateur d’autant plus grande. Quant à l’artiste, « ravi », il se prête au jeu ou l’anticipe.

« Mais que doit être cet art fourre-tout pour bien remplir sa fonction ? Il doit être rien ou plus exactement presque rien.
Malevitch, Duchamp, Mondrian, Yves Klein ou aujourd’hui Beuys, Carl Andre, Kosuth, de Andrea […] ont bien mérité leur succès puisqu’ils ont su offrir aux amateurs éclairés ce presque rien qui appelle le remplissage »

La théorie du pique-nique s’applique donc également à l’œuvre de son auteur, qui d’avance se gondole des interprétations écrites sur la nappe vide de significations qu’il étale à nos pieds depuis bientôt cinquante ans. Le spectateur dès lors est un être sur lequel ne reposent aucunes contraintes, d’autant plus libre que l’œuvre ne se charge d’aucune intention à son égard, et qu’on ne croit plus à sa participation. Quant au sérieux des interprétations qui pourraient être émises, elles sont parodiées par la Géométrie dans les spasmes, une série d’œuvres réalisées avec deux ou trois tableaux blancs, censés mimer des accouplements, tout le sens de l’art s’y trouvant résumé dans l’adage coluchien « — À quoi penses-tu ? — À la même chose que toi, salope »

  1. Gurdjieff postulait l’existence d’« hommes remarquables », en petit nombre, seuls connaisseurs de la « vraie science ». Comme en réponse, Morellet déclarera que la « mystification » consiste à faire croire que les artistes sont géniaux, alors qu’ils ne sont tels qu’en raison de ce que le public projette dans leurs œuvres.

« C’est quand un homme politique, un scientifique, un artiste, etc. laisse croire que ce qu’il est ou ce qu’il fait est d’une nature différence de ce qu’est ou ce que fait le « vulgaire » que la mystification apparaît. C’est pour moi la plus grande faute contre le progrès et l’intelligence, c’est toujours un retour en arrière (vers les pires arrières)[13]. »

Les artistes, depuis Duchamp « ont été aussi habiles à détruire l’art (des prédécesseurs) qu’à construire leur génial personnage ». La peinture à l’huile « c’est fini, démystifiée, démodée. Ce qu’il reste c’est l’artiste prêtre-clown […] » Ces lignes écrites en 1971, répudient donc la notion de génie. Elles se terminent par l’évocation d’une double alternative utopique : 1. les artistes deviennent des éveilleurs pour faire comprendre que tout le monde est artiste (attribuée à Filiou, cette voie est aussi celle de Beuys) ; 2. les spectateurs, comme dans un conte, s’aperçoivent que l’imagination leur appartient.

« Ce serait une belle fête. Mais, ça serait quand même bête qu’elle arrive juste au moment où les pique-niqueurs commencent à me trouver du génie [14]. »

Le génie certes n’existe pas ; cependant, semble dire Morellet, si le public veut y croire, il n’y a qu’à se prêter au jeu. L’attitude critique laisse place à ses côtés à une sorte d’acceptation ludique. Et c’est bien à l’intérieur de ce jeu, que Morellet, fort de l’acidité de ses analyses, pousse la pointe. En conséquence de ce qui précède, il pense tout uniment le plus grand mal de la création, ce pouvoir des grands hommes et des artistes géniaux :

« Créer aujourd’hui, comme hier, pour moi, ne veut rien dire.
Créer fait partie de tout un vocabulaire de catéchisme (foi, charité, contrition, etc., etc.) que je n’emploie plus depuis ma première communion[15]. »

  1. Le texte de 1971 contient également une théorie du « contexte artistique » et de la production de la valeur. Le passage est remarquable de lucidité de justesse et d’exactitude :

« Essayons d’analyser le processus d’accession au succès d’une œuvre d’art moderne.
La première condition est, bien entendu, que l’amateur d’art voie, remarque l’œuvre. L’attention est d’abord attirée par l’aspect inhabituel de l’objet proposé. Mais cette originalité apparente doit obligatoirement être vue dans un contexte artistique.
Il faut un décorum, un signe traditionnel, qui montrent l’appartenance de l’objet à sa catégorie « art ». Ce peut être le lieu (galerie, musée), la manière (toile, pierre, photographie), la présentation (mur, socle, brochure), la désignation (peinture, sculpture, art, anti-art). En gardant comme exemple le carré noir ou le rectangle bleu, on trouve à peu près toutes les conditions du décorum classique : ces œuvres étaient peintes avec des couleurs d’artiste sur de la toile, exposées sur le mur dans une galerie, et l’auteur avait bien précisé qu’il considérait son œuvre comme de l’art. L’aspect inhabituel existait évidemment puisqu’un carré noir ou un rectangle bleu n’avaient pas été auparavant proposés à la consommation artistique.
Si le spectateur de l’époque a refusé de déballer son monde poético-philosophique, c’est qu’il y manquait « le sérieux ». On ne pique-nique pas n’importe où. « Le sérieux » doit absolument cautionner le chef-d’œuvre (y compris la pissotière de Duchamp ou les merdes de Manzoni). »

Morellet énumère la plupart des modalités du « contexte artistique » et pointe également le rôle du sérieux théorique, producteur de valeur et de reconnaissance. Il ajoutera ailleurs :

« Je sais que ce que je fais est destiné à des gens qui me ressemblent[16]. »

Ces analyses ne sont pas sans évoquer l’Art World et l’atmosphere of artistic theorie d’Arthur Danto ou encore le « champ » de Bourdieu et sa mise en relation du jugement de goût avec la « distinction sociale[17] ». Le démontage des mécanismes qui président à la création des chefs-d’œuvre laisse peu de place à l’aura religieuse dont on les entoure d’ordinaire. Il reste que conscient de sa propre inscription dans un champ limité, celui de l’aristocratie du jugement de goût avant-gardiste, Morellet déclare dans l’Éloge aimer rétrospectivement l’« aggravation du divorce entre le public et les jeunes peintres » dont il était. Il en tire même « jubilation ». La puissance critique de l’analyse du « pique-nique » ne l’a pas empêché de rester « incroyablement passionné par le même défi moderniste et absurde », et aussi « élitaire ».

De la raison progressiste à la logique de l’absurde et à l’artificialisme

Mais qu’en est-il de cet « optimisme naïf d’un vrai moderniste » ? En 1961, Morellet publia cette déclaration dans le catalogue Nove Tendencije  :

« Pense que nous sommes à la veille d’une révolution dans les arts aussi grande que la révolution qui a existé dans les sciences. Trouve que pour cela la raison et l’esprit de recherche systématique doivent remplacer l’intuition et l’expression individualiste[18]. »

Deux ans plus tard, il signait avec François Molnar une sorte de manifeste « Pour un art abstrait progressiste[19] », qui opposait en art la tendance progressiste à la tendance réactionnaire, et défendait un certain nombre de « croyances » :

« Confiance dans la raison et la logique comme base.
Confiance dans le progrès […]
Croyance en l’art actuel, en un changement qualitatif brusque. […]
Croyance en l’utilité de la critique collective.
Croyance en un art expérimental. »

Deux ans plus tard encore, il détectait chez les artistes une tendance à refuser l’improvisation subjective.

« Ils n’ont plus d’eux-mêmes cette religion qui fait croire en l’infaillibilité du choix arbitraire[20]. »

Les mots ont toute leur signification. C’est bien une « confiance dans la raison et la logique », une « croyance » en une révolution, en une « critique collective », en un « art expérimental » qui est attendu en remplacement de la « religion » de l’intuition et de l’expression individuelle.

  1. La raison et la logique servent de fondement. Morellet[21] aura l’occasion de citer à ce propos La Destruction de la raison, de Lukács, dont la traduction en deux tomes était parue en France en 1958 et 1959, et que François Molnar, qu’il rencontre à la fin de 1956[22], lui avait conseillé de lire. Il partage alors avec cet auteur sa critique de « l’irrationalisme moderne » et, contre la croyance, défend les vertus du contrôle et de la raison :

« On peut s’abandonner et croire ; je préfère contrôler et peut-être comprendre[23] »

Invité en 1996, par Jean-Marc Lévi-Leblond, à s’exprimer sur Descartes, Morellet distinguera alors raison et logique (ce qu’il ne faisait pas, on vient de le voir, en 1965) :

« Je dirais aujourd’hui que j’ai été en fait plus attiré par la logique que par le rationalisme. Le rationalisme c’est, d’après mon dictionnaire, une doctrine, une croyance, alors que la logique c’est une science et puis surtout ça se marie mieux avec « absurde » et n’évoque pas l’horrible « raisonnable » [24]. »

La défiance à l’égard de la raison, assimilée au cartésianisme, portera encore sur la religiosité :

« Mais voilà, l’œuvre de Descartes n’est pas seulement une apologie de la « Méthode » et le Discours de la méthode est un titre mutilé qui, en réalité, se poursuit par pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Je n’ai vraiment aucune envie de bien conduire ma raison ni de chercher la vérité et encore moins de prouver l’existence de Dieu (troisième partie du Discours)[25]. »

Contrairement à la raison, la logique a le mérite de traiter aussi de l’absurde, et la raison est dévalorisée, à travers Descartes, comme outil utilisé pour prouver l’existence de Dieu. Le maître du doute ne serait pas allé assez loin ; comme le dit encore notre artiste : « Mon époque et mes incroyances ne sont plus celles de Descartes ». Sol LeWitt, en 1969, commençait lui aussi ses Sentences on Conceptual Art par une diatribe contre le rationalisme, mais il ne sauvait pas la logique et déclarait : « Conceptual Artists are mystics rather than rationalist. They leap to conclusions that logic cannot reach[26]. » Quoique l’art de Morellet réponde à certains préceptes de l’art conceptuel, qui programme entièrement l’œuvre avant toute exécution, le mysticisme avancé par l’artiste américain n’entre pas dans les ingrédients de la cuisine du Français.

  1. Le trait contre le rationalisme est cependant plus nuancé qu’il n’en a l’air. Quand Morellet, invité à un colloque sur van Doesburg, se range du côté de celui-ci, contre Mondrian c’est pour une raison double. Il avait écrit dès 1974 : « J’aime bien Duchamp[27] », et c’est le côté Bonset de van Doesburg qui l’attire, comme s’il se projetait dans la duplicité de ce membre du Stijl, qui fut aussi le fervent thuriféraire de Dada [28] :

« […] si j’ai accepté d’écrire sur van Doesburg, c’est parce que quelques fois, ces dernières années, j’ai eu l’audace, quelques instants, de croire qu’il était moi-même[29]. »

Morellet se reconnaît dans celui qui rejeta le mysticisme de Mondrian, « préférant la déduction mathématique à l’intuition artistique et la fin de l’art à sa rénovation », et se déclare fasciné par un œuvre où « la destruction flirte avec la construction ». Chez van Doesburg, les mathématiques ne contredisent pas Dada, et c’est bien ce que Morellet en retient. Quant à Picabia, cet autre dadaïste, il l’honorera par les Relâches de 1992 qui lui empruntent leur titre[30], et se déclarera « fils monstrueux de Mondrian et de Picabia[31] ».

  1. En 1978, il termine une lettre à Claude Rutault[32], en lui demandant s’il avait lu L’anti-nature de Clément Rosset. L’année suivante, il écrit :

« […] si depuis 1950 mes œuvres flirtent avec le vide, c’est avec cette espèce bien particulière de vide dû à l’absence de « nature » […] Eh bien, une justification de ces œuvres « dénaturées », c’est d’être en accord avec un monde, comme je le conçois, « dénaturé » lui aussi, débarrassé de Dieu et de son résidu : l’idée de « nature ». C’est d’accepter un monde régi seulement par le hasard et l’artifice, d’accepter enfin un présent qui n’est plus refusé au nom d’un passé perdu ou d’un avenir à instaurer[33]. »

On a vu plus haut que l’artificialisme était le corollaire du « dépassement de soi » que Morellet avait trouvé chez Gurdjieff. Le rapprochement de l’absence de nature avec le vide appartient à une époque où ces errements de jeunesse semblent bien loin. Toutefois, on se souviendra à l’occasion que le vide est une technique initiatique utilisée par certains maîtres orientaux, dont les maîtres zen, et c’est bien de ce côté que le gourou russe était allé chercher. Morellet ne cite le zen que pour s’en départir, mais parmi les musiciens qu’il retient ici ou là figurent John Cage ou Steve Reich, qui n’y ont pas été indifférents. Du reste, les liens du vide et de la mystique sont attestés, nombreux, et la littérature à leur sujet[34], suffisamment profuse pour qu’il ne soit besoin d’insister. Notons également que les entrelacs islamiques, chers à Morellet, découlent d’une conception religieuse. L’ornement ne comble pas le vide, « il le corrobore par son rythme continu ou son caractère de tissu sans fin : au lieu de capter l’esprit et de l’entraîner dans quelque monde imaginaire, il dissout les « coagulations » mentales[35] » et sa vertu est essentiellement contemplative.

La grille, en tant que forme neutre, a non moins une faculté suspensive. Rosalind Krauss en a remarqué le côté contre-nature : « Flattened, geometricized, ordered, it is antinatural, antimimetic, antireal. It is what art looks like when it turns its back on nature[36]. » Elle a aussi rapproché la structure de la grille de celle du mythe, tous deux opérant une sorte de suspension para-logique. Un long passage de son analyse mérite d’être cité ici :

« Given the absolute rift that had opened betwen the sacred and the secular, the modern artist was obviously faced with the necessity to choose betwen one mode of expression and the other. The curious testimony offered by the grid is that at this juncture he tried to decide for both. In the increasingly de-sacralised space of the nineteenth century, art had become the refuge for religious emotion ; it became, as it has remained, a secular form of belief. Although this condition could be discussed openly in the late nineteenth century, it is something that is inadmissable in the twentieth, so that by now we find it indescribably embarassing to mention art and spirit in the same sentence.
The peculiar power of the grid, its extraordinary long life in the specialized space of modern art, arises from its potential to preside over this shame : to mask or to reveal it at one and the same time. In the cultist space of modern art, the grid serves not only as emblem but also as myth. For like all myths, it deals with paradox or contradiction not by dissolving the paradoxe or resolving the contradiction, but by covering them over so that they seem (but only seem) to go away. The grid’s mythic power is that it makes us able to think we are dealing with materialism (or sometimes science, or logic) while at the same time it provides us with a release into belief (or illusion, or fiction)[37]. »

Comment ne pas être religieux ? Il fallait donc ajouter un ingrédient supplémentaire à la logique du système, au vide et à la neutralité de la grille. Il fallait s’accrocher davantage à l’anti-nature, défendre le travestissement, le faux, la simulation, pour ne pas laisser la pureté de la grille sombrer dans la bigote authenticité.

« Incapable de m’intéresser au beau, au vrai, au cri ou à la raison, je me suis résigné depuis de nombreuses années à simuler, parodier ou travestir[38]. »

À partir de là, Morellet finit par mettre en avant la figure du « frivole ». L’Homo frivolus était déjà pour Suétone un esprit léger, et le frivolus jocus, qui se rencontre chez Pline, qualifie assez bien le jeu de l’art au sens où l’entend notre artiste. Le mot cependant a dans nos oreilles un air de dix-huitième siècle, car c’est bien à ce moment qu’on commence à parler de « frivolité ». Au même titre que le mot « libertin », il acquiert alors une double acception et se dit aussi bien de l’esprit (sens plus ancien) que des mœurs (sens qui va l’emporter). De Morellet nous pourrions tout aussi bien dire qu’il réactualise la figure du « libertin », au premier sens du terme, c’est-à-dire de quelqu’un qui est « indocile aux croyances religieuses ». Le mot, qui appartient à l’esthétique autant qu’à la morale, provient d’une époque qui, au centre des Lumières, invente le jugement de goût et en fait le paradigme de la libre-pensée. On ne peut cependant s’empêcher d’entendre « frivole » sans y associer une bonne dose d’inconstance dans les rapports sexuels. À cet égard l’Éloge offre une double perspective sur l’(in)fidélité de l’artiste. Si ses revirements, ses propres remises en question, le devenir baroque de son œuvre, relèvent de la frivolité (de l’inconstance), la fidélité qu’il affiche a contrario envers le camp de l’art abstrait et systématique contredit l’épithète.

La fin des grands récits

Il reste que l’Éloge n’échappe pas à une sorte de mélancolie. Passant en revue une histoire glorieuse et constatant qu’elle tourne court, que « l’époque bénie de l’art moderne » est « près de sa fin », que la « grande cassure » s’éloigne, le texte est tout empreint de « sympathie », de sentiments « amoureux » à l’égard de l’art qui a « passionné » l’artiste et de ses « amateurs un peu nostalgiques ». L’image du « cul-de-sac » qui s’écarte du main stream ne correspond cependant pas à la « fin des grands récits » que le postmodernisme enregistre. Tout en n’y croyant plus, tout en substituant à sa croyance passée sa fidélité d’ancien combattant qui ne renie pas sa cause, même s’il la tient pour perdue, Morellet reprend le récit linéaire de l’histoire moderniste. Au lieu de défendre, comme les tenants de la postmodernité, une multiplicité rizhomatique des récits, il éprouve le besoin de placer le récit moderniste au centre de l’Éloge. Ce faisant, il reprend une histoire progressiste qu’il a plusieurs fois répétée dans ses textes, il dispute au passage avec Serge Lemoine qui a récemment fait une place de choix à Puvis de Chavannes. Le critère selon lequel il distingue les « provocateurs, les vrais responsables de la cassure », est autant formel que sociologique, l’insuccès populaire étant, pour Morellet, le sûr gage de l’innovation. (C’est pourquoi Puvis, peintre chargé de commandes officielles, n’entre pas dans son récit, alors que van Gogh ou l’art brut y ont leur place.) C’est la répétition d’une histoire qui a son code bien établi dans la modernité, celle qui marie artiste novateur avec incompréhension et marginalité aristocratique. L’artiste qui, ironiquement, remarque ici ou là que l’on commence à lui trouver du génie et que ça marche bien, continue cependant d’adhérer à un contre-modèle qui remonte en fin de compte à la bohème et à son mythe de l’artiste incompris voire maudit[39].

Au récit moderniste fait écho le récit autobiographique. C’est l’histoire d’une incroyance conquise de longue lutte. Résumant son long chemin de mécréant tout parsemé d’embûches, il avait déjà noté en 1991 :

« J’ai cru en Dieu jusqu’à l’âge de vingt ans, puis au progrès jusqu’à quarante, puis… à plus rien du tout[40]. »

En 1996, il avait détaillé les péripéties de cette marche vers l’incroyance :

« — Dans les années quarante, le musée de l’homme à Paris […] avait justifié et affermi mon goût pour une certaine simplification géométrique. J’en avais conclu que l’art occidental était devenu sans intérêt […]
— Dans le début des années cinquante, je trouvais dans la « Gestalt Theorie » et dans l’« Art Concret » de bonnes justifications à ma géométrie systématique, puis, un peu plus tard, avec mes amis François et Véra Molnar, nous avons cru en trouver une encore meilleure dans la toute nouvelle « théorie de l’information ». Il nous fallait réaliser des œuvres expérimentales qui serviraient à une nouvelle science de l’art. De toute façon, notre forme d’art avec, entre autres, sa confiance dans la raison, dans le progrès, et sa défiance envers l’individualisme, nous semblait (n’en déplaise à Jdanov) répondre aux vœux des vrais marxistes.
— Les années soixante, celles du Groupe de recherche d’art visuel, furent toutes dévouées à la participation du spectateur. Le jeu donnait enfin un sens social à notre géométrie.
— Par la suite dans les années soixante-dix, j’ai encore par deux fois cédé à la tentation de la justification. Tout d’abord, avec ma théorie du « pique-nique » (que Duchamp avait d’ailleurs esquissé dans une célèbre interview, bien avant moi), je trouvais une raison honorable au non-sens de mes géométries : si mes œuvres ne voulaient rien dire, c’était pour encourager les spectateurs à les faire parler, à leur donner un sens bien à elles.
— Puis, ultime révélation, grâce au philosophe Clément Rosset et à son livre L’anti-nature, mon goût de la précision et mon abstraction devenaient philosophiquement corrects.
Par la suite, j’ai résisté aussi bien au Zen qu’à Baudrillard, au Chaos et au Fractal, qui pourtant, m’a-t-on dit, m’auraient tous si bien convenu. Et je résisterai donc à Descartes aussi. Car ma méthode est frivole et non cartésienne […] »

Il restait à concilier cette incrédulité acquise avec un récit de l’aventure de l’art moderne qui ressemble au lieu commun de l’histoire officielle moderniste. Un examen attentif montre que Morellet ne poursuit son rêve de mécréant qu’en accommodant cette histoire à sa sauce : « désacralisée, absurde, logique, élitaire, suicidaire, éblouissante… »

Lucien Febvre avait consacré un ouvrage à La Religion de Rabelais auquel le titre du présent article fait allusion. Il essayait en gros d’y montrer que Rabelais, à son époque, ne pouvait pas ne pas croire. Les historiens d’aujourd’hui, qui ne croient plus à l’existence d’une mentalité collective monolithique pour une époque donnée, ont tendance à le contredire[41]. Peut-on être incroyant dans un milieu qui, en majorité, croit tout de même à l’art, et à une époque qui croit à la créativité ? Telle serait la question de l’artiste athée. Quant à la réponse, le parcours qui vient d’être évoqué montre à ce qu’il semble que la réponse n’est pas d’un bloc toute tranchée, même si la balance penche fort du côté de l’athéisme. Je voudrais juste ajouter que, comme chez François Rabelais, l’incroyance de François Morellet passe par les jeux de mots, outil par excellence d’un renversement de l’ordre ; mais c’est un autre sujet de commentaire, et je me tais.

Notes

[1] . Jean Lamour : ferronnier, né et mort à Nancy (1698-1771).

[2] . Cf. François Morellet, Mais comment taire mes commentaires, Paris, ENSBA, 1999. Signalé infra, dans les notes, sous la dénomination : Écrits.

[3] . Cf. supra notre « Carrément rond »

[4] . « Réponse à un mathématicien allemand », 1992 ; Écrits, p. 183.

[5] . Cf. Serge Lemoine, François Morellet, Paris, Flammarion, p. 10, notes 7 et 8, p. 171 et note 16, p. 172. Cf. également, Christian Besson, « Entretien avec François Morellet », in cat. de l’expos. François Morellet. Rétrospective, Paris, Centre Georges Pompidou, 1986, p. 114-128.

[6] . Paris, Stock, 1949.

[7] . Récits de Belzébuth à son petit fils. Critique objectivement impartiale de la vie des hommes, Paris, 1956.

[8] . Rapporté par Serge Lemoine, François Morellet, Zurich, Waser Verlag, 1986, p. 248.

[9] . Notons au passage que Gurdjieff écrivait en russe et que Dmitrienko était d’origine russe par son père.

[10] . Rapporté par Christian Besson, op. cit., p. 126. Il s’agit de Matila C. Ghyka, Le Nombre d’or. Rites et rythmes pytagoriciens dans le développement de la civilisation occidentale, Paris, Gallimard, N.R.F., 1931. Les peintures n°  17, 20 et 21 du catalogue François Morellet (peintre amateur) 1945-1968 (Angers, musée des beaux-arts, 1997) semblent aussi comporter des partitions de longueurs en rapport du nombre d’or.

[11] . 1967 ; Écrits, p. 30 sq.

[12] . 1971 ; Écrits, p. 44 sq.

[13] . « Du spectateur au spectateur ou l’art de déballer son pique-nique », op. cit.

[14] . Ibidem.

[15] . Lettre pour (ne pas) répondre à un questionnaire sur la création, 1994 ; Écrits, p. 202.

[16] . « À propos d’œuvres éphémères… », 1977 ; Écrits, p. 64 sq.

[17] . La Distinction. Critique sociale du jugement (Paris, Minuit), ne paraîtra qu’en 1979. La théorie de Danto est antérieure (« The Artworld », The Journal of Philosophy, lxi, 1964, p. 571-584), et ne sera traduite en français qu’en 1988 (Philosophie analytique et esthétique, textes rassemblés et traduits par Danielle Lories, Paris, Méridiens-Klincksieck, coll. « esthétique », p. 183-198) ; je doute que Morellet l’aie lue. Il a par contre pu avoir accès aux différents textes de « Mise en garde » de Daniel Buren qui remontent à 1970 et à Limites critiques (Paris Yvon Lambert), qui est de la fin de la même année, textes où l’on trouve également une théorie du « champ » artistique.

[18] . 1961 ; Écrits, p. 15.

[19] . François Molnar et François Morellet, « Pour un art abstrait progressiste », 1963 ; Écrits, p. 18. Ce texte ne figure pas dans le catalogue de l’exposition Nove tendencije 2, (Zagreb, 1963), comme indiqué — les Écrits reprenant sur ce point l’erreur du catalogue du Centre Georges Pompidou (1986, p. 178).

[20] . « Le choix dans l’art actuel », 1965 ; Écrits, p. 19 sq.

[21] . in Christian Besson, op. cit.

[22] . Cf. Serge Lemoine, op. cit., p. 24 et notes 26, p. 174.

[23] . 1960, première publication 1981 ; Écrits, p. 14.

[24] . Rapporté par Christian Besson, op. cit., p. 126.

[25] . « Résister à Descartes », 1996 ; Écrits, p. 227.

[26] . Art-Language, vol. i, n° 1, 1969.

[27] . Écrits, p. 62.

[28] . Pour un commentaire, cf. Jan van der Marck, « François Morellet or the problem of taking art seriously », in catalogue de l’exposition François Morellet : Systems, Buffalo, Albright-Knox Art Gallery, 1984, p. 9-15 ; ainsi que Bernard Blistène, in catalogue du Centre Georges Pompidou, op. cit., p. 8-18.

[29] . Texte rédigé pour le colloque international Theo van Doesburg, Université de Dijon, 6-7-8 janvier 1982 ; Écrits, p. 100 sq.

[30] . Le plus bel ensemble, All over, en a été présenté au Consortium, à Dijon, dans l’espace de l’Usine, en 1995.

[31] . 1987. Écrits, p. 142.

[32] . 1978 ; Écrits, p. 71 sq.

[33] . « Les années soixante-dix »,1979 ; Écrits, p. 80 sq.

[34] . Au hasard : « Le Vide. Expérience spirituelle en Occident et en Orient », Hermès, n° 2, Paris, Éd. des Deux Océans, 1981.

[35] . Titus Burckhardt, « Le vide dans l’art islamique », Hermèsop. cit., p. 309.

[36] . « Grids », October, n° 9, 1979.

[37] . Idem, ibidem.

[38] . « Mes Systèmes à travestir, mes Relâches, mes Free-vol », 1993 ; Écrits, p. 197 sq.

[39] . Murger , dans les Scènes de la vie de Bohème (nouv. éd., 1861 : préface), avait bien vu cette dialectique quand il distinguait une « bohème officielle » de la « bohème ignorée ». Pour la première, la marginalité de jeunesse est gage de réussite sociale et financière ensuite.

[40] . « Esthétique électrique et pratique éclectique », 1991 ; Écrits, p. 175 sq.

[41] . Il faut lire à ce sujet, de Carlo Ginzburg, son très beau Il formagio e i vermi. Il cosmo di un mugnaio del ‘500 (Turin, Einaudi, 1976 ; Le Fromage et les vers. L’univers d’un meunier au xvie siècle, trad. de l’italien par Monique Aymard, Paris, Flammarion, « nouvelle bibliothèque scientifique », 1980.)