Annelise Else Frieda Fleischmann est une inconnue pour la plupart d’entre nous. Étudiante au Bauhaus, elle devient Anni Albers, en 1925, et ce n’est que sous ce nom que nous la connaissons. Professeur de tissage et de design textile au Black Mountain College, à compter de 1933, Anni Albers reste le plus souvent intégrée dans le complexe « The Albers », voire « The Alberses », comme l’écrivent certains historiens américains. Les monographies sur Joseph Albers (celle d’Eugen Gomringer, en 1972, par exemple) lui consacrent peu de mots. À la hiérarchie homme/femme s’ajoute celle qui distingue l’art des arts appliqués. Comme dans les cas de Sophie Taeuber et de Sonia Delaunay, quand l’homme peint ou sculpte, la femme, qui œuvre dans le textile, est perçue comme s’occupant d’activités mineures, et ceci en dépit de tous les textes théoriques sur l’intégration des arts. Pour rattraper ce décalage sans doute, le site de la fondation Joseph and Anni Albers s’ouvre sur leur double portrait.
La hiérarchie des arts n‘était pas absente du Bauhaus. Concernant son intégration dans l’école, Annie Albers se souvenait :
« So the only thing that was open to me was the weaving workshop. […] I didn’t like the idea at all in the beginning because I thought weaving is sissy, just these threads. » (Oral history interview with Anni Albers, 1968 July 5, Archives of American Art, Smithsonian Institution.)
« The Albers » est un projet de carte qui permet une introduction mondaine : c’est le couple qui rend visite ou se présente. L’absence d’autres précisions laisse supposer que la carte n’était destinée qu’à des relations qui connaissaient déjà le couple ; elle dénote même une certaine familiarité. Comme pour Sonia et Robert Delaunay, ou Sophie Taeuber et Hans Arp, le nom collectif renvoie aussi à une commune aventure dans l’art, affichée de façon fusionnelle.