Utopie concrète

[Publié in Utopie concrète, ouvrage publié à l’occasion des dix ans de l’Espace de l’art concret, Mouans-Sartoux, Espace de l’art concret, 2000, p. 42-47. — Trad. en anglais et en allemand par François Delzor, ibidem, p. 152-155 et p. 160-163.]

« C’est en nous seuls que brille encore cette lumière et la marche imaginaire vers elle commence, la marche vers l’interprétation du rêve éveillé, vers l’utilisation du concept utopique en son principe. C’est pour la trouver, pour trouver ce qui est juste, ce pour quoi il convient de vivre, d’être organisé, d’avoir du temps, c’est pour cela que nous allons, arpentant les chemins métaphysiques constitutifs, c’est pour cela que nous appelons ce qui n’est pas, que nous bâtissons dans l’inconnu et cherchons le vrai, le réel là où la simple réalité factuelle disparaît – incipit vita nova ! »
Ernst Bloch [i]

Lors d’un vernissage au château de Mouans, je me souviens avoir été amusé par le discours de Monsieur le maire déclarant que, si son soutien à l’Espace de l’Art Concret allait lui coûter des électeurs, ce n’était pas une raison pour qu’il cessât de le prodiguer… Le soir des législatives de [date ?], comme j’écoutais les résultats à la radio, je dressais l’oreille – Mouans-Sartoux, tiens, je connais ! – André Aschiéri, maire de ladite commune, connu pour son opposition à la spéculation immobilière et au projet de doublement de l’autoroute Nice-Cannes, venait d’être élu député. Le politologue de service ce soir-là notait le caractère exceptionnel de l’élection, dans un paysage dominé par la droite et l’extrême droite. Le maire d’une grande ville voisine, interrogé, s’étranglait et déversait un rare fiel contre l’élu ; sensible à l’esthétique, il trouvait scandaleuse une élection qui selon lui faisait tache sur la carte : on perturbait son désir d’une géographie homogène. Dans son délire réactionnaire, du moins cet élu saisissait-il l’altérité de ce territoire, ce qui l’extrayait du commun et en faisait un hors-lieu, c’est-à-dire, étymologiquement, une utopie. Ce ne pouvait être que dans une ville marquée d’un tel sceau que germât et se développât l’aventure de l’Espace de l’Art Concret.

Rêver

Le terme « art concret » fut avancé par Theo van Doesbourg dans la livraison unique de la revue du même nom, publiée à Paris en avril 1930 :

« Peinture concrète et non abstraite parce que rien n’est plus concret, plus réel qu’une ligne, qu’une couleur, qu’une surface. [ii] »

Il défendait l’usage de moyens rationnels, tant pour la conception que pour la réalisation de l’art ; comme, Kandinsky ou Mondrian il ambitionnait de créer un « langage universel » dont il projetait le règne dans le futur :

« L’œuvre d’art ainsi conçue réalise la clarté qui sera la base d’une nouvelle culture.[iii] »

Kandinsky, inventeur de l’abstraction, finit lui aussi par préférer nommer concrète cette peinture qui selon lui représentait « l’avenir [iv] ». Quant à Max Bill, artiste et théoricien qui anima depuis la Suisse la poursuite du mouvement de l’art concret, il pronostiquera le règne à venir d’une « conception démocratique de l’art [v] ». Parmi tous les artistes qui ont adopté le terme, Jean Arp est cependant celui qui relie le plus l’art concret à une visée utopique et salvatrice. Ainsi en 1944, un an après le décès tragique de Sophie Tæuber — l’un des plus grandes artistes de l’art concret —, faisant suite à leur séjour commun à Grasse (que l’exposition Miroirs cassés a commémoré) :

« L’art concret veut transformer le monde. Il veut rendre l’existence plus supportable. Il veut sauver l’homme de la folie la plus dangereuse : la vanité. Il veut simplifier la vie de l’homme. Il veut l’identifier avec la nature. La raison déracine l’homme et lui fait mener une existence tragique. L’art concret est un art élémentaire, naturel, sain, qui fait pousser dans la tête et le cœur les étoiles de la paix, de l’amour et de la poésie. Où entre l’art concret, sort la mélancolie, traînant ses valises grises remplies de soupirs noirs. [vi] »

En 1946, dans un texte de souvenirs :

« Nos travaux se proposaient de transformer le monde, de le simplifier, de l’embellir. […] Je suis convaincu qu’un retour à un ordre essentiel, à une harmonie est indispensable pour sauver le monde du chaos infini. [vii] »

Et en 1950, encore, où, évoquant poétiquement cette utopie, il l’enracine dans un désir esthétique :

« Le désir d’un monde meilleur, plus agréable, plus parfait que celui sur lequel nous jouons dormons ramons rêvons nous induit à nommer beau le scintillement des étoiles [viii] ».

C’est dans cette tradition qu’il faut replacer le discours de Gottfried Honegger, lequel est, par le volume de ses interventions, de ses entretiens et des textes qu’il a multipliés ces dernières années, le véritable « idéologue » de l’espace de l’art concret [ix]. Son idéologie généreuse et visionnaire est sans doute aussi importante, sinon plus, que la conception proprement formelle attachée à l’art concret. Plus d’une fois, il a insisté sur la dimension utopique de cet art :

« Vivre dans le monde de l’art dépend directement de l’aptitude à l’utopie. […] Ce n’est qu’avec l’aide de l’utopie – et l’art est utopie – que l’homme est en mesure de s’adapter aux changements réels et en même temps de les provoquer. Dans le monde de l’art tout est possible. Les visions de l’art conduisent à de nouvelles perspectives. L’art ne poursuit pas d’autre but. » (GH 91 b)
« Dans son isolement et comme il ne peut pas vivre dans un espace vide, son imagination invente des utopies. L’artiste travaille dans la fiction d’une nouvelle société, d’une société plus juste. » (GH 92 b)
« L’image de l’art concret est une image optimiste. »
« L’inconnu de l’art est le réservoir de nos réalités de demain. » (GH 92 c)

Certes la pensée de Honegger est toute laïque, mais quand il brode sur le thème de l’utopie, il emprunte volontiers ses termes à la théologie de la salvation :

« L’art concret renferme l’espoir pour une autre culture, une pensée libérée. » (GH 95 a)

En définitive, n’a-t-il pas conçu l’Espace de l’Art Concret comme une sorte de contribution au rêve éveillé dont parle Ernst Bloch ?

Collectionner

Depuis son ouverture, le 29 septembre 1990, l’activité de l’E.A.C. a eu comme principal support la « collection Sybil Albers-Barier », déposée au château de Mouans, et devenue aujourd’hui la collection Albers/Honegger. Centrée autour de l’art concret dans une optique d’élargissement de la notion et de confrontation avec des démarches contemporaines, cette collection reflète moins un courant de l’art moderne qu’une attitude à l’égard de l’art, faisant de ce dernier non pas l’objet d’une connaissance abstraite, mais ce autour de quoi s’organise toute une façon de vivre.

Gottfried Honegger a toujours collectionné, pour lui et pour les autres, et son art est inséparable de l’attention portée aux œuvres de certains de ses collègues. Il est en cela l’héritier d’une tradition moderne selon laquelle l’artiste est le premier critique, le premier amateur de l’art. Son aventure de collectionneur est faite de curiosité, de rencontres et d’amitiés et commence dans l’immédiat après-guerre. À partir de 1955, il travaille pour une grande firme pharmaceutique zurichoise, I. R. Geigy AG, et devient en 1958 son consultant à New York. Le président Charles Sutter lui donne la possibilité de mettre sur pied une collection d’art contemporain. Le conservateur de la Kunsthalle de Bâle, Arnold Rüdlinger, lui fait rencontrer Luwig Sander, Sam Francis, Hal Held (qui figurent dans la collection), mais aussi Al Jensen, Marc Rothko, Barnett Newman, Franz Kline, Alexander Calder (GH 93).

« J’ai rencontré le conservateur du musée de Berne, Rüdlinger, qui à l’époque était une sorte de star ; il avait repris l’idée d’une association de collectionneurs qui avait été réalisée en 1900 à Paris, et qui s’appelait la Peau de l’Ours. Il avait repris cette idée à Berne, parce que Berne a dans son drapeau un ours. J’ai alors fait la même chose à Zurich, avec la Peau du Lion, parce que le drapeau de Zurich a un lion. Pendant cinq ans, j’ai acheté environ 120 œuvres pour cette association. On a fait une exposition au musée de Zurich. C’était une collection qui ferait rêver aujourd’hui. Il y avait Fontana, Lichtenstein, Manzoni… On allait dans les ateliers, à Paris, à Milan, en Allemagne. Souvent l’artiste disait : “J’ai vendu quatre tableaux, je t’en donne un”. C’était avant 1960. » (GH 00)

Il faudrait aussi parler de son amitié avec Sam Francis qui lui a fait rencontrer d’autres artistes, et de bien d’autres rencontres sources d’achats et d’échanges…

Sybil Albers-Barrier, quant à elle, commence à collectionner en 1972, et le fait de façon vraiment intensive à partir de son installation à Paris, en 1977.

« Quand Sybil est arrivée, il y avait déjà une petite collection : des artistes américains, suisses et européens, peut-être une vingtaine d’œuvres ou quelque chose comme ça. Peu à peu Sybil a pris goût à cette idée. Pas du tout de faire une collection, mais d’acheter des œuvres pour elle. » (GH 00)

Tous deux font la connaissance de Liliane et Michel Durand-Dessert à l’occasion d’une exposition de Hans Haacke. Sybil Albers travaillera pour leur galerie durant plusieurs années.

« La première exposition que j’ai vue chez Durand-Dessert, c’était Mario Merz. Non, c’était Hans Haacke, avec Gottfried. Il y avait aussi Rutault. Il y avait aussi Richter, des monochromes gris, et ça m’a fascinée.
— On a commencé à acheter, surtout chez Durand-Dessert : Rückriem, Charlton…
— Au même moment, j’ai visité d’autres galeries. J’étais assez amie avec Nancy Gillespie. J’ai acheté un dessin de Flavin, le premier de la collection, et un dessin de Sandback, qui est dans la collection.
— Dès qu’on commence à acheter, cela devient une maladie. On n’a jamais pu vivre avec ces œuvres, parce qu’il y en avait trop. On avait les murs pleins.
— Jamais avec l’intention de faire une collection. Jamais. » (SA et GH. 00)

C’est la collection de Sybil Albers qui a servi de support en 1990 à la création de l’Espace de l’Art Concret [x]. Ces deux dernières années, il a été question d’une donation Albers/Honegger, mais elle semble s’être quelque peu enlisée dans les méandres de l’administration française ! Restons prudents et disons donc « collection Albers/Honegger ». Cette collection reflète quoiqu’il en soit toute la subjectivité qui s’attache à la double histoire individuelle qui vient d’être très brièvement évoquée.

« Si, au début, nous avions envie de vivre avec des œuvres originales pour mieux comprendre, pour mieux apprécier et aimer le monde de la création visuelle, c’est devenu peu à peu une obsession […] » (GH 96 a)

Une telle collection, on a pu le remarquer, est, comme beaucoup de collections privées, une forme de création. C’est une activité productive, « eine produktive Tätigkeit », dit aussi Honegger (GH 91 b), qui la conçoit comme un jeu :

« Collectionner est une forme complexe de jeu […] S’occuper d’art moderne est le jeu par excellence. » (GH 91 b)

Il cite à ce propos Schiller : « […] l’homme ne joue que là où dans la pleine acception de ce mot il est homme, et il n’est tout à fait homme que là où il joue. [xi] » La remarque, pour le poète romantique, devait servir d’assise « à tout l’édifice des beaux-arts et à celui de l’art plus difficile encore de vivre ». C’est bien ce lien inextricable entre l’art et la vie que reflète la collection de Mouans-Sartoux.

Mais le collectionneur tient aussi son importance du fait qu’il appartient au public et qu’à ce titre, en première ligne, il participe à la construction du sens de l’art :

« L’impuissance de l’art aujourd’hui repose en partie sur sa séparation avec sa destination. Sartre pense que l’œuvre d’art ne trouve sa finalité qu’auprès du destinataire. Cela présume que le collectionneur d’art moderne n’est pas seulement un consommateur et spéculateur, mais encore un partenaire qui participe avec engagement. » (GH  91 b)

Car l’art, comme l’a montré Hans Robert Jauss [xii], ne prend sens que dans sa réception ; par les jugements de goût qu’il émet, l’amateur est créateur de nouvelles normes. En inaugurant le nécessaire dialogue avec l’art, le collectionneur le fait sortir de son ghetto et, par là même, rend possible la communication de l’utopie :

« Nous voulons trouver des collectionneurs d’art contemporain qui contribuent à libérer l’art de son royaume des ombres pour imaginer ensemble un autre monde. » (GH 91 b)

Exposer

C’est par l’exposition, cependant, que l’art accède de façon privilégiée à la sphère publique. Si Sybil Albers et Odile Biec ont conçu certaines manifestations de l’E.A.C., depuis son ouverture, l’automne 1990, la majeure part des textes de présentation est de la plume de Gottfried Honegger [xiii], et l’on peut suspecter qu’il a fourni maintes idées. Nombre de ces expositions ont pris la forme d’une opposition, d’une rencontre, d’un face à face. Le succès de Voir et s’asseoir, en avril 1991 (qui mettait en regard des sièges de la collection Vitra avec des œuvres de la collection) a peut-être poussé à en reconduire la formule. Le cri et la raison, en juillet 1992, reposait sur une opposition de type « formel vs informel ». Gottfried Honegger, qui se référait dans son texte de présentation au livre de michel Seuphor Le Style et le Cri (1965), y défendait une ambition politique et pédagogique :

« [C’est un essai modeste pour mettre face à face deux formes d’expressions nous permettant de réagir. Nous voulons confronter deux messages pour que l’on puisse comparer […] en comparant on peut prendre position – réduire nos doutes. »

Face à face, qui lui succéda en décembre, confrontait dix œuvres de la collection S. A.-B. à dix icônes russes de la collection Manfred Wandel de Reutlingen. Même visée explicitée par Honegger qui rapprochait dans le catalogue l’art concret de l’icône :

« L’icône inspire l’absolu. […] L’image de l’art concret […] est une image qui invite à l’espérance, une image qui nous invite à agir vers une culture plus humaine. »

L’esprit dada, ou la fin de la composition, se présentait comme un « regard personnel porté par un artiste engagé, Gottfried Honegger », un « hommage rendu par [lui] à Marcelle Cahn ». Les œuvres de cette dernière et celles qui l’honoraient étant accrochées dans des salles distinctes, la rencontre spirituelle autour de la « fin des idéologies », dans un monde « condamné à la liberté », restait toute symbolique. Dans la préface du catalogue de l’exposition Espace libéré (juillet 1993), Odile Biec, commentant la « cohérence de la collection Sybil Albers-Barrier », rapportait qu’un visiteur de la maison de la collectionneuse y avait trouvé « même le beurrier […] juste ». L’anecdote illustrait la valeur accordée à l’esthétique des objets de la vie courante, déjà reconnue dans l’exposition Voir et s’asseoir ; elle annonçait le propos de l’exposition suivante C’est beau, dans laquelle « des objets naturels, végétaux, animaux [sic] ou minéraux et une quarantaine d’œuvres peintes se rencontr[aient] dans les salles ». Dans son court texte, Honegger, qui tient la beauté pour « une nécessité existentielle » opposée à la laideur du monde ambiant, met sur le même plan l’œuvre de la nature, la créativité populaire et celle des artistes, toutes capables de nous sauver. Face à face 2, rencontre entre des objets de la tradition paysanne provençale et des œuvres d’art moderne et contemporain, immédiatement après, poursuivait du reste sur ce même registre de l’ouverture, de même que Art et vêtement vu par Corinne Cobson, où ce fut le tour des créations d’une styliste de mode d’être entourées par des œuvres d’art contemporain. Depuis C’est beau, ces différentes idées d’exposition étaient aussi des idées scénographiques. En juillet 1994, les œuvres de Bernard Aubertin et ses amis du groupe zéro furent ainsi disposées ensemble, dans les mêmes salles. Les secondes, « ponctueront l’hommage rendu », annonçait le communiqué de presse. Le geste symbolique, l’« accompagnement » amical, se traduisait cette fois par une cohabitation visuelle. La disposition scénographique de l’exposition Devant et derrière la lumière, qui mettait en présence dans les mêmes salles les œuvres de Günter Umberg avec celles d’autres artistes, reprenait le dispositif de la confrontation dans une même salle. Il faudrait encore citer La peur du vide, où dans chaque salle un siège était disposé en face d’un monochrome, Comparer, pour voir, dont « le propos était de mettre le spectateur en situation active, de l’amener à établir des comparaisons pour affiner son regard, pour construire sa propre vision des œuvres », ou encore cette extraordinaire rencontre, l’été 1999, des œuvres d’Aurélie Nemours avec celles de Jean Tinguely. Toutes ces expositions thématiques, toutes ces mises en scène dialoguées étaient tendues par une double visée artistique et pédagogique. Elles ont été conçues pour la plupart sur un mode bipolaire et elles font entendre ainsi plusieurs voix (au moins deux). Leur forme est dialogique, pour reprendre le terme de Bakhtine [xiv], et elles mettent ainsi en scène l’espace contradictoire de l’interlocution, celui du dialogue et du débat, en bref, pour être clair, celui-là même de la démocratie.

Pour saisir pleinement par quel cheminement de pensée de telles règles du jeu ont été utilisées ou proposées, il faut dire aussi quelque chose de l’ambiance si particulière du château de Mouans habité par cette collection, animé par ces expositions, dire comment un certain humanisme en émane. Loin des monstrations publicitaires qu’affectionne une bonne part de la scène artistique contemporaine, les œuvres que nous pouvons y découvrir semblent appartenir à un espace pour ainsi dire privé, induisant une appréhension plutôt intimiste. L’atmosphère plus moderne que postmoderne défère très peu à la société du spectacle.

« Des expositions gigantesques, des expositions qui se manifestent à travers leur luxe, à travers le nombre d’œuvres, n’ont plus de place aujourd’hui. » (GH 97 b)

Les œuvres, qui ne sont pas de très grande dimension, nous interpellent de salle en salle, une par une. Ainsi pouvons-nous entretenir avec chacune d’elles un rapport aussi individualisé que sensible. L’E.A.C. n’a pas choisi arbitrairement pour politique d’exposition les formules de la rencontre, de l’hommage, du dialogue, etc. C’est très profondément, du moins l’ai-je ressenti à chacune de mes visites, que le visiteur se trouve comme face à face avec chaque œuvre, interpelé. Contre la fausse communication publicitaire, l’espace de l’art concret veut donc être, grâce à ses expositions, l’espace d’une communication retrouvée – ce qui revient à restituer à l’« espace public » son sens le plus noble.

Éduquer

Dès son ouverture l’E.A.C. s’est doté d’une structure permettant d’accueillir tous les niveaux scolaires depuis la maternelle, et c’est pour cette activité pédagogique qu’une première extension architecturale (architecte Marc Barani) a vu le jour en 1998. Du projet à la réalisation, si l’on est passé de l’« Espace Art + Jeu » à l’« Espace Art, Recherche, Imagination », le jeu est resté au centre de la pédagogie. Le premier mot d’ordre lancé, « apprendre à regarder », reprenait une antienne bien connue du mouvement moderne, depuis le Bauhaus (parmi les volumes de la « Bibliothèque de synthèse » dirigée par Gregory Kepes, figure par exemple une Éducation de la vision [xv]).

« Nous apprenons à marcher […] à parler […] à lire et à écrire […] à chanter… Mais voilà, on n’apprend pas à regarder. » (GH 92 a)

Mais, aussi bien, le projet éducatif s’est élargi, avec des mots d’ordre comme « apprendre à écouter », « apprendre à toucher » ou « apprendre à bouger », et cet élargissement prouve son ambition humaniste. Le but assigné n’est en rien réduit à l’accueil des classes aux fins d’explication de texte pour faire passer la pilule de l’art contemporain. À ces fins éducatives, Honegger a déjà conçu et fait éditer deux jeux : le Viseur et l’Écouteur (en collaboration avec Yves Rousquisto).

Pourquoi l’éducation ? Comme ses prédécesseurs du mouvement moderne, Honegger part d’un constat de crise :

« La crise actuelle est d’abord une crise morale, une crise culturelle, une crise de notre système » (GH 94 a),
« […] le résultat d’une décadence. » (GH 94 b)

La crise, identifiée à la domination des médias, se manifeste par un appauvrissement psychologique :

« Dans un monde de sur-information, l’imagination et la réflexion critique s’appauvrissent » (GH 90 b) ;

par une perte du réel :

« Au lieu de communication, de contacts directs avec la réalité, notre vie actuelle est déterminée de plus en plus par de la simulation » (GH 97 e) ;

et, corrélativement, dans le pseudo-dialogue avec la machine, par le repli hors de la communauté :

« Nous ne jouons plus en communauté, mais seuls face à un ordinateur » (GH 94 b).

Face à cet appauvrissement, à cette communauté en perdition qui n’est plus qu’une foule solitaire [xvi], Honegger, comme Hannah Arendt qu’il cite (GH 94 a), compte sur le rôle positif de l’art : « […] une discussion sur la culture est tenue de prendre comme point de départ le phénomène de l’art parce que les œuvres d’art sont les objets culturels par excellence [xvii] ». Et si l’art est au centre de l’entreprise éducative, c’est parce qu’il est du côté des Lumières :

« […] l’art fait partie de l’Aufklärung […] » (GH  96 a)

Il participe du mouvement de libération évoqué par Horkheimer et W. Adorno : « De tout temps, l’Aufklärung, au sens le plus large de pensée en progrès, a eu pour but de libérer les hommes de la peur et de les rendre souverains. [xviii] » Lié aux Lumières, l’art l’est donc à l’espace public, si l’on admet, avec Habermas [xix], que la constitution d’un tel espace, au sens moderne du terme, remonte précisément au XVIIIe siècle. Cela sous-entend aussi que l’art doit s’inscrire dans celui-ci – la commande publique (Honegger a réalisé une sculpture monumentale pour l’entrée sud de Mouans-Sartoux) étant la première manifestation d’une volonté de partage :

« L’art comme la nature doit se mettre au service de la société dans son ensemble et de l’individu en particulier. Ses réalisations et ses objets doivent être accessibles à tous. » (GH 56)

Car l’art est un bien public, il appartient à la communauté :

« […] les valeurs spirituelles de l’art sont la propriété de tous. » (GH 56)

Mais, plus profondément peut-être, l’art doit croire à la nécessité du débat public, contribuer à faire exister cet espace d’échange et de discussion sans lequel il n’y a pas de communauté. À celle-ci, il donne voix.

« L’art créé par les hommes parle de leur philosophie et de leur conception du monde. L’art est une contribution au débat public. L’art est le melting-pot des frustrations et des joies de tous les hommes. L’art est histoire active. L’art prend position ; les concessions sont ses ennemis. » (GH 56)
« Nous voulons activer ce débat, nous voulons réagir. L’art est la voix de nous tous […] Nous sommes contre une société muette, nous sommes contre la résignation. » (GH 92 b)
« Oui, l’art est le cri d’une société tout entière. » (GH 92 b)

Concevoir que faire de l’art ou l’apprécier, c’est comme prendre part à une discussion, ou encore débattre, c’est le penser comme une activité politique, au sens fort du terme. En découlent les notions de prise de position, d’engagement, mais aussi de responsabilité que Honegger tient pour consubstantielles à l’activité artistique :

« […] comme l’écrivait Adorno, je me demandais aussi si après Auschwitz, il était encore possible de faire de l’art. En 1957, je m’engageais tout entier en faveur de l’art […] À partir de là j’ai accepté la responsabilité. Elle détermine encore aujourd’hui mes actes. » (GH 90 a)
« Nous Européens sommes nous fatigués ? Une couverture de déchets de consommation étouffe nos rêves. Comme des spectateurs, nous participons inactifs à l’écroulement de nos systèmes politiques, économiques et religieux. Au lieu de surmonter la résignation et d’aller au travail, nous restons passifs, paralysés. Et pourtant, nous n’avons pas d’alternative. Il faut avancer. Nous pouvons avancer. » (GH 93, p. 128)
« Jamais de tout temps l’art n’avait eu une telle responsabilité, une telle obligation impérative de s’engager. » (GH 97 e)

Dans « responsabilité », Bakhtine le remarquait déjà, n’y a-t-il pas « réponse », ce qui sous-entend interpellation ? On comprend dès lors que la forme dialogique soit si importante, jusqu’à être celle même des expositions, comme on l’a évoqué plus haut.

Vouloir résoudre la crise par l’éducation suppose un pari sur les nouvelles générations. Comme le remarque également Hannah Arendt, « Le rôle, que de l’antiquité à nos jours toutes les utopies politiques prêtent à l’éducation, montre bien combien il paraît naturel de vouloir fonder un nouveau monde avec ceux qui sont nouveaux par essence et par nature. [xx] » Encore faut-il préciser quelle vertu l’on accorde à l’art pour le doter d’un tel pouvoir éducatif. Il s’agit en premier lieu, par l’éducation de la vision, d’ouvrir les sens à la beauté, de construire la possibilité de résister à la laideur ambiante, de produire ce que Honegger appelle une « contribution sociale à l’écologie du beau » (GH 90 b) :

« Nous parlons enfin de l’écologie, de la sauvegarde de notre environnement naturel. Mais il faut aussi une écologie esthétique – il faut arrêter le massacre de notre milieu artificiel, de notre milieu urbain. Nous avons enfin pris conscience qu’il existe une pollution biologique. Nous devons admettre qu’il existe aussi une pollution provoquée par la laideur. C’est la laideur de notre urbanisme de nos objets quotidiens qui empoisonne notre âme, qui rend malade nos yeux. » (GH 92 b)

Un autre aspect positif est dans la créativité, l’art étant le paradigme même de cette vertu sociale dont l’utopie commande la généralisation :

« Plus que jamais nous avons besoin d’une société créative […] » (GH 94 b)

Mais les vertus positives du beau et de la créativité ne sont pas seules. Honegger reconnaît aussi à l’art une fonction propre de négation et, en lui faisant droit, poursuit paradoxalement une tradition inaugurée par les romantiques :

« L’artiste vit éloigné de la société, éloigné de la collectivité. Il travaille dans l’esprit de la négation. Le refus des artistes de participer à l’exploitation aveugle de notre terre est devenu une nécessité historique malheureusement mal comprise par une majorité. Le rôle de l’artiste est de contester, d’accuser. » (GH 92 b)

Par son refus du système économique néo-libéral, l’art est un facteur de déconditionnement. L’éducation de la vision a non seulement pour fin l’écologie du beau, mais aussi la libération du regard :

« […] pour pouvoir s’adonner à la créativité, il faut se débarrasser de ses préjugés […] il faut se libérer des conventions […] » (GH 97 e)
« […] un regard libéré, c’est un moyen primordial pour mieux se défendre, pour mieux se comprendre, pour un meilleur bien-être. » (GH 92 a)

L’utilitarisme ambiant régnant en maître, la Raison est menacée de ne plus être qu’une raison asservie, une « raison instrumentale [xxi] ». Dès lors, certes, tout art pourrait être considéré comme porteur de forces d’opposition capables de sauver l’humanité d’un tel naufrage ; mais l’art concret, qui refuse l’Entkunstung – la perte de l’art – tout en mettant en œuvre des moyens rationnels, a de plus la vertu de maintenir une telle force autonome au sein même de l’univers de la Raison. Dans l’art concret, c’est la Raison elle-même qui retrouve son ambition des Lumières.

Honegger conçoit sans aucun doute la négativité propre à l’art sur le modèle de la Dialectique négative [xxii]. Comme l’indique le titre d’un recueil de textes personnels, Widerstand aus Verantwortung (G. H. 91), il définit la responsabilité comme une activité oppositionnelle et, par corollaire, confère à la négation une dimension morale. À la façon de W. Adorno, il pense que l’art grâce à son autonomie peut soustraire une part de la culture à son absorption dans l’industrie des médias [xxiii], et maintenir au sein de l’espace social une part d’altérité ; en refusant le statu quo des valeurs esthétiques, l’art témoigne de la possibilité de bouleverser celui des valeurs sociales, il garantit pour l’avenir la possibilité de penser l’utopie. Cependant, Honegger s’éloigne du penseur de la Théorie esthétique en ce qu’il accorde crédit au beau – alors que W. Adorno [xxiv] pensait que le maintien de l’utopie requérait de miser sur le laid. Honegger, lui, croit à la « réconciliation [xxv] ». Comme l’écrit Max Frisch : « Il se défend contre toute résignation […] il se réjouit d’être dans ce monde. [xxvi] »

L’art concret, né sous le signe de l’utopie, est donc ce double de force de contestation et d’opposition, d’une part, et de tendance positive et optimiste, d’autre part. C’est en ce sens que l’utopie, à Mouans-Sartoux, peut être dite concrète.

Textes et déclarations cités

Sybil Albers-Barrier :

SA 95 : « En toute innocence », in dossier de presse de l’exposition Vue du collectionneur, Mouans-Sartoux, Espace de l’Art Concret, mars 1993.

SA 00 : in Sybil Albers-Barrier et Gottfried Honegger, entretien avec l’auteur, Cannes, 28 mars 2000.

Gottfried Honegger :

GH 56 : Fiktion und Realität, New York, George Wittenborn, 1956 ; extraits in Guido Magnaguagno, Iring Fetscher, Gottfried Honegger. Werke vor 1960 – œuvres avant 1960, Zurich, Waser Verlag, 1990, p. 24-52.

GH 71 : Textes in catalogue de l’exposition Gottfried Honegger, Karlsruhe, Badischer Kunstverein, 1971 ; extraits in Guido Magnaguagno, Iring Fetscher, Gottfried Honegger. Werke vor 1960-Œuvres avant 1960, Zurich, Waser Verlag, 1990, p. 54-70.

GH 89 : « Ende der Komposition », in Gottfried Honegger, Widerstand aus Verantwortung, Zurich, Limmat Verlag, 1991, p. 101-105.

GH 90 a : « Eine Biographie zwischen Traum und Lichkeit/A biography between dream and reality/Une biographie entre le rêve et la réalité », in catalogue de l’exposition Gottfried Honegger. Cercle et carré 1990, Mayence, galerie Dorothea van der Koelen, septembre 1990, p. 9, 12 et 13 ; repris in François Barré, Udo Kultermann, Ambros Uchtenhagen, Gottfried Honegger, Weiningen-Zurich, Waser Verlag, 1993, p.189, 190 et 191.

GH 90 b : « Heinweise und mögliche Antworten zu meinen Arbeiten/My Work : Hints and possible answers/Des définitions… », in catalogue de l’exposition Gottfried Honegger. Cercle et carré 1990, Mayence, galerie Dorothea van der Koelen, septembre 1990, p. 18, 20 et 22 ; repris in Gottfried Honegger, Widerstand aus Verantwortung, Zurich, Limmat Verlag, 1991, p. 113-118.

GH 91 a : « Über die Freiheit des Künstlers », in Gottfried Honegger, Widerstand aus Verantwortung, Zurich, Limmat Verlag, 1991, p. 94-100.

GH 91 b : « Sammeln – eine produktive Tätigkeit », in Gottfried Honegger, Widerstand aus Verantwortung, Zurich, Limmat Verlag, 1991, p. 106-112.

GH 92 a : « Le regard libéré », in dossier de presse de l’exposition Le regard libéré, Mouans-Sartoux, Espace de l’Art Concret, février 1992.

GH 92 b : « Le cri et la raison », in dossier de presse de l’exposition Le cri et la raison, Mouans-Sartoux, Espace de l’Art Concret, juillet 1992.

GH 92 c : « Face à face », in dossier de presse de l’exposition Face à face, Mouans-Sartoux, Espace de l’Art Concret, décembre 1992.

GH 93 : Petits textes placés en regard des photographies, in François Barré, Udo Kultermann, Ambros Uchtenhagen, Gottfried Honegger, Weiningen-Zurich, Waser Verlag, 1993, p. 17-170.

GH 94 a : Projet adressé au maire de Mouans-Sartoux et aux Amis de l’Espace de l’Art Concret, mai 1994, tapuscrit, 22 p.

Notes

[i]. Ernst Bloch, Geist der Utopie [1918], Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1964 ; trad. franç. Anne-Marie Lang et Catherine Piron-Audard, L’Esprit de l’utopie, Paris, Gallimard, 1977, p. 11.

[ii]. Theo van Doesburg, « Commentaires sur la base de la peinture concrète », Art Concret n° 1, Paris, avril 1930.

[iii]. Idem, ibidem.

[iv]. Wassily Kandinsky, « Art concret », XXe siècle, n° 1, Paris, mars 1938, p. 369-373.

[v]. Max Bill, « Über Konkrete Kunst », Werk, vol. xxv, n° 8, Winterthour, 1938, p. 250-255 ; trad. franç. in catalogue de l’exposition Art concret suisse : mémoire et progrès, Dijon, Le Coin du miroir, 1982, p. 96.

[vi]. Jean Arp, « Konkrete Kunst », préface du catalogue de l’exposition Konkrete Kunst, Bâle, Kunsthalle, 1944 ; trad. franç., « Art concret », in Jours effeuillés. Poèmes, essais, souvenirs. 1920-1965, Paris, Gallimard, 1966, p. 183-184.

[vii]. Jean Arp, in On my way, On my Way – Poetry and essays 1912-1947, New York, Georges Winttenborn & Schultz, coll. « The Documents of Modern Art », 1948 ; trad. franç. Jean Arp et Robert Valençay, « Ainsi se ferma le cercle », in Jours effeuillés, op. cit., p. 327-329. Le volontarisme de Honegger l’éloigne cependant de Arp, pour qui « la cause première […] ne peut être éprouvée que par un total abandon à l’inconscient ».

[viii]. Jean Arp [Ascona, 1950] ; trad. franç. Robert Valençay et Jean Arp, « Jalons », in Jours effeuillés, op. cit., p. 419-420.

[ix]. Ceci n’ôte rien au mérite des autres acteurs.

[x]. Cf. « Éléments de l’allocution de Serge Lemoine pour l’inauguration le 29 septembre 1990 », document inséré in recueil de cartes postales Espace de l’Art Concret, s. l. n. d.

[xi]. Schiller, Briefe über die ästhetische Erziehung des Menschen, [1795], trad. franç. Robert Leroux Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Paris, Aubier, 1992, 15e lettre, p. 220-221.

[xii]. Hans Robert Jauss, Kleine Apologie des ästhetischen Erfahrung, Constance, Verlagsanstalt, 1972 ; trad. franç. Claude Maillard, « Petite apologie de l’expérience esthétique », Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, p. 153-157.

[xiii]. Honegger avait, par le passé, organisé des expositions en tant que graphiste, notamment Art et Science (Kunsthalle de Bâle, 1955).

[xiv]. Cf. Tzvetan Todorov, Mikhaïl Bakhtine. Le principe dialogique, Paris, Le Seuil, 1981. Bakhtine associe nettement dialogisme et responsabilité. C’est aussi le cas chez Honegger, comme on va le voir plus loin.

[xv]. Gyorgy Kepes (sous la direction de), Éducation de la vision [1965], Bruxelles, La Connaissance, « Bibliothèque de synthèses », 1967.

[xvi]. Celle que David Riesmann décrit dans The Lonely Crowd (Yale University Press, 1950 ; trad. franç. La Foule solitaire, Paris, Arthaud, 1964).

[xvii]. Hannah Arendt, Between Past and Future, 1968 ; trad. franç. Patrick Levy, La Crise de la culture, Paris, Gallimard, « Folio », 1989 : « La crise de la culture », p. 269.

[xviii]. Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, Dialectik der Aufklärung, New York, 1944 ; trad. franç. Éliane Kaufholz, La Dialectique de la Raison, Paris, Gallimard, 1974 : « Le concept d’Aufklärung ».

[xix]. Jürgen Habermas, Strukturwandel der Öffentlichkeit, Luchterhand, 1962 ; trad. franç. Marc B. de Launay, L’Espace public, Paris, Payot, 1978.

[xx]. Hannah Arendt, op. cit. : « La crise de l’éducation », p. 227.

[xxi]. Cf. Max Horkheimer, Eclipse of Reason, New York, 1947 ; éd. allemande, Kritik der instrumentellen Vernunft, Francfort-sur-le-Main, 1967 ; trad. franç. Jacques Debousy, L’Éclipse de la raison, Paris, Payot, 1974.

[xxii]. Cf. Theodor W. Adorno, Negativ Dialektik [1966], trad. franç. G. Coffin, J. Masson, O. Masson, A. Renault et D. Trousson, Dialectique négative, Paris, Payot, 1978.

[xxiii]. Cf. sur ce sujet, Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, « Kulturindustrie », Dialectik der Aufklärung, op. cit. ; trad. franç. « La production industrielle de biens culturels », op. cit.

[xxiv]. Cf. Theodor W. Adorno, Æsthetische Theorie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1970 ; trad. franç. Marc Jimenez, Théorie esthétique, Paris, Klincksieck, 1974 « Nouveau – utopie – négativité », p. 50-51.

[xxv]. Cf. mon « Erneuerung et Versöhnung. Création et salut chez Gottfried Honegger », in catalogue Gottfried Honegger. Il fallait une vie, Milan, Electa/Ville de Fréjus, 1996.

[xxvi]. Max Frisch, « Zur Person », (G. H. 91), p. 10.