Figures du désœuvrement

dans l’œuvre de John M Armleder

( Publié in cat. de l’exposition John Armleder (3 juillet-21 août), Milan, Electa/Fréjus, centre d’art le Capitou, 1994, p. 149-163. — Extraits avec ajouts et modifications sous le titre « Courant d’air, entr’acte, chahut, infusion, diffusion – sept notes sur Écart et les performances de John M. Armleder », in Lionel Bouvier et Christophe Cherix (éd.), L’irrésolution commune d’un engagement équivoque – Écart, Genève 1969-1982, Genève, Mamco, 1997, p. 90-97. Nouvelle version revue et corrigée in Christian Besson, Abductions, Genève, Mamco, 2006.)

« Pratique le non-agir,
exécute le non-faire, goûte le sans saveur,
considère le petit comme le grand
et le peu comme beaucoup. »
Lao Tseu

« Partir d’un courant d’air intérieur » (Marcel Duchamp). Sur le carton d’invitation de Here comes my face, une exposition personnelle à la galerie Marika Malacorda, à Genève en 1977, John M. Armleder, torse nu, tenait un volumineux ventilateur à hauteur de son visage barbu. L’autoportrait-charge véhiculait l’image d’un homme occupé à ses ablutions quotidiennes ou à quelque autre activité improbable, à rien, en tout cas, qui supposât un artiste au travail. C’était l’époque où il exposait des objets, des peintures, des livres et des environnements, pêle-mêle, faisait des performances et donnait des concerts fluxus avec le groupe Écart, où la critique l’avait relégué dans le fourre-tout obscur des sans-grades du néo-dadaïsme. Ce carton d’invitation est longtemps resté gravé dans ma mémoire, sans doute parce que j’y pressentais comme la clé de son œuvre mais aussi de quelque chose d’une portée sibylline, en rien limité à un cas d’espèce.

Tea time

« En 1975, à la Biennale de Paris par exemple, ma grande occupation consistait à faire du thé pour les autres et je ne présentais quasiment pas de travaux [i]. »

Ce geste que John M. Armleder répéta bien des fois, au milieu des années soixante-dix, donnait lieu à ce genre d’annonce :

« John M Armleder —> activity —> nothing —> performance —> Infusion-diffusion […] »

C’est également autour d’une tasse du breuvage idoine qu’il accueillait le visiteur de la librairie-galerie Écart, au 6 de la rue Plantamour, à Genève (espace où la documentation sur le mouvement Fluxus était nombreuse, et qu’il anima de 1973 à 1979). Pour y avoir goûté à plusieurs reprises, à l’époque de ma quête juvénile de l’art et de son sens supposé, je peux témoigner aujourd’hui de ce que ce tea time avait d’effet déstabilisant. John, avec l’élégance et la gentillesse qui le caractérisaient déjà, renvoyait doucement le visiteur à son questionnement. Par un art cultivé du détachement — l’ironie, notamment, avec laquelle il pouvait évoquer ses propres activités de performer au sein du groupe Écart —, il affichait de façon emblématique la vacance du pouvoir créateur. Telle était l’efficacité paradoxale de la désaffection signifiée que l’idée de l’art s’en trouvait comme suspendue. « Oui, l’Art est depuis peu devenu, au moins autant que la discussion ou les écrits aient pu en faire cela, une sorte de lieu commun pour l’heure du thé [ii] », semblait-il répéter à la suite de Whistler, mais, contrairement à son prédécesseur, sans fustiger en rien les adeptes du five o’clock artistique.

Son attitude, je le compris plus tard, donnait excellemment forme à la question jugée « la plus profonde » par Maurice Blanchot : « la profondeur vide du désœuvrement de l’être [iii] ». Si la réponse apportée à la question de l’art ressemblait à celle que John Cage avait préparée à l’avance, pour une discussion faisant suite à une conférence — « Excellente question, je ne voudrais pas la gâcher par une réponse [iv] » —, c’est qu’en l’occurrence la non-réponse répondait à la question. Avec son tea time, Armleder dessinait en creux cet espace du désœuvrement, cette vacance au fondement de toute œuvre depuis l’aube romantique. Il faisait montre de ce pouvoir de désœuvrer, dont la détention est le propre de l’artiste, et qualifie sa toute puissance. « La génialité romantique [dit encore Blanchot] donne essor à ce sujet royal qui n’est pas seulement au-delà des règles communes, mais étranger aussi à la loi de l’accomplissement et de la réussite, sur le plan même qui est le sien. L’art, inutile au monde pour qui seul compte ce qui est efficace, est encore inutile à lui-même. S’il s’accomplit, c’est hors des œuvres mesurées et des tâches limitées, dans le mouvement sans mesure de la vie, ou bien il se retire dans le plus invisible et le plus intérieur, au point vide de l’existence où il abrite sa souveraineté dans le refus et l’abondance du refus [v]. »

Insoumis, John M. Armleder fut incarcéré plusieurs mois, en 1968, à la prison Saint-Antoine, à Genève. Il conserve la photographie clandestine de la salle de buanderie où il séjourna en compagnie de camarades objecteurs. On y voit une table, coiffée d’un parapluie ouvert, placée à la renverse sur les fils d’étendage, au-dessus du balai et de la serpillière de service. Le meuble retourné, mis en disponibilité, manifeste sur un ton polémique, et d’une autre façon, le même désœuvrement séminal. On retrouvera une table plantée en l’air dans plusieurs installations de 1980.

Ameublement

De la peinture apposée sur une chaise, en 1979, semblait accréditer cette dernière en tant qu’art [vi]. Cette œuvre (que l’on a rapprochée, à juste titre, de Pilgrim, un Combine painting de Robert Rauschenberg de 1960) inaugure la nombreuse série, qui suivra, des Furniture sculptures. L’une d’elles, de 1983, est constituée d’une toile néo-constructiviste enchâssée, à l’emplacement du miroir, dans le cadre d’une coiffeuse posée de guingois. Le meuble sert de support et d’encadrement à la fois, et la peinture y semble assignée à une résidence décorative [vii]. Mais, dans beaucoup d’installations, à partir de cette même date, un (ou plusieurs) meuble(s) jouxte(nt) simplement une (ou plusieurs) toile(s) abstraite(s) ou monochrome(s) [viii] — ce qui rappelle indubitablement la chaise du gardien de musée sous les tableaux à surveiller. Absence d’assemblage et économie des moyens : la démonstration s’en trouve simplifiée. Toutes ces œuvres exploitent l’ambivalence entre le meuble et la peinture, entre l’utile et l’inutile.

En 1981, déjà, à propos de ses dessins et peintures, Armleder avançait le mot « ameublement » :

« Maintenant il est davantage question de manipuler l’objet produit. L’accrochage dans une salle d’exposition en est un exemple. Si je fixe un dessin de travers sur un mur ou vers le plafond, je l’utilise à des fins qu’il n’impliquait pas forcément. Ce n’est pas tout à fait innocemment qu’il m’arrive d’installer une de mes peintures qui ressemble à un Picabia à la façon choisie par EL Lissitsky […] il s’agit tout de même d’une peinture d’ameublement… Qu’il soit bien entendu que je ne vois là aucun programme. [ix] »

La dénégation finale ne doit pas nous impressionner : dans cette manière de présenter des travaux graphiques, comme dans les furnitures-sculptures, John M. Armleder rend une sorte d’hommage à la Musique d’ameublement de Satie et Milhaud, et une parenthèse à ce propos s’impose.

La première présentation en fut ainsi faite, à l’entracte d’un concert donné à la galerie de Paul Poiret, en mars 1920 : « Nous vous prions instamment de ne pas y attacher d’importance et d’agir pendant l’entracte comme si elle n’existait pas. Cette musique […] prétend contribuer à la vie au même titre qu’une conversation particulière, qu’un tableau de la galerie ou que le siège sur lequel on est, ou non, assis [x]. » Dans un projet de prospectus adressé à Jean Cocteau, Satie précisait : « Nous, nous voulons établir une musique faite pour satisfaire les besoins “utiles”. L’art n’entre pas dans ces besoins. La “Musique d’ameublement” crée de la vibration ; elle n’a pas d’autre but ; elle remplit le même rôle que la lumière, la chaleur — et le confort sous toutes ses formes… » Lors du concert inaugural, le même Satie dut inciter les visiteurs à quitter la salle : « Mais partez donc. Circulez. N’écoutez pas. » Cette musique mimant un fond sonore manifeste le désœuvrement par reductio ad absurdum : l’œuvre y est restituée à son inutilité fondamentale par simulacre d’inclusion dans la sphère de l’utile. (« L’art, inutile au monde […], est encore inutile à lui-même »). Elle espace le temps de l’œuvre – n’était-elle pas destinée à un entracte ? – et y ménage ce « blanc » que Mallarmé, à la même époque, reconnaîtra pour essentiel. (Plus près de nous, Brian Eno en mécanisera l’argument volatil avec sa Music for an airport.)

Les fantômes de Satie et de Mallarmé surgissent à maint détour. Le tea time de John M. Armleder est un entracte, une suspension de l’acte très proche du geste de Satie. Il interrompt par un blanc l’affairisme artistique et rabaisse l’œuvre au niveau d’une production quotidienne. Quant au tableau, qui « reste toujours un meuble singulier […], il représente en quelque sorte le degré ultime du bibelot [xi]. » Il meuble le cube blanc du musée ou de la galerie, comme des mots insignifiants meublent la conversation — ce qui revient à rendre à son « inanité » l’« aboli bibelot », ainsi que chez Mallarmé. L’annonce précédemment citée du concert de Satie pourrait même servir de programme à l’entreprise armlederienne ! Puisqu’aussi bien, l’ameublement-désœuvrement passe par des conversations (l’infusion-diffusion), des tableaux (abstraits) et des sièges sur lesquels on s’assied (ceux de la librairie-galerie Écart) ou ne s’assied pas (ceux de ses sculptures).

Arrêt

On commence à comprendre comment Armleder métaphorise en quelque sorte le désœuvrement de l’œuvre, à coups de cérémonies du thé, de conversations meublantes et meublées. Sans doute a-t-on l’habitude, dans toute la modernité, de tenir le désœuvrement pour quelque chose qui vient interrompre l’œuvre, l’inachever, la reporter, la suspendre, voire en signifier un illusoire point final. Les exemples de Nerval ou Rimbaud, qui resplendissent dans cette histoire, ne sont pas pour peu dans l’idée préconçue d’une interruption conclusive. Cette illusion fut celle de tous les suicidés de la modernité (qui pensèrent ainsi avoir le dernier mot) ou de ceux qui crurent et firent croire qu’ils s’arrêtaient pour de bon (comme si l’arrêt était affaire personnelle). Or l’interruption est au départ de l’œuvre moderne ; elle lui est consubstantielle.

Plus près de nous Duchamp, qui ne voulait pas dépendre de sa peinture pour subsister, a distillé — j’allais dire monnayé — le désœuvrement de façon bien plus subtile et perverse. Au premier degré, on comptera sa passion pour le jeu d’échecs (et, de plus, cette autre activité non proprement créatrice qu’était le commerce des œuvres d’art) ; au second, la cessation de peindre, la raréfaction des Ready-mades, son idée d’un « repos instantané (extra rapide) », et sa proposition de sous-titre pour le Grand verre : « Employer « retard » au lieu de tableau ou peinture ».

La grève de l’art est devenue l’objet de fictions artistiques. Gilbert et Georges, photographiés un verre à la main, avant d’être des sculptures vivantes, transmettent l’image d’une activité a priori extra-artistique, comme ces innombrables cartons d’invitation où l’artiste X a cru bon de se montrer faisant autre chose. Les artistes dits conceptuels se sont aussi essayés à quelques variations sur le désœuvrement, tel Robert Barry, annonçant en 1969 que, durant son exposition à Art & project, à Amsterdam, la galerie sera fermée, Lawrence Weiner qui avance, entre autres, que ses propositions peuvent ne pas être réalisées, Ian Wilson, réduisant l’œuvre à une discussion, On Kawara, répondant à une invitation d’exposition par un télégramme laconique indiquant qu’il est encore en vie, Marcel Broodthaers, adressant à Michel Claura, organisateur de l’exposition 18 Paris IV 70, un certificat médical justifiant « la cause de son non-faire », ou encore Stanley Brouwn, bornant son activité à la marche quotidienne. Un de leurs thuriféraires, l’« agent d’art » Ghislain Mollet-Viéville, après avoir déclaré qu’il n’avait rien à montrer et qu’il était en train de le montrer, en est venu, tout récemment, à recevoir ses visiteurs dans un espace à peu près vide…

Sans doute parce qu’il s’est rendu capable de métaphoriser l’interruption ou l’arrêt définitif d’activité, de les distribuer dans bien des figures, Armleder, quant à lui, peut rester à peu près indifférent au problème de la cessation directe de l’œuvre :

« Aujourd’hui encore j’imagine mal trouver des raisons d’arrêter, et cependant si tout à coup, pendant deux ans, sans m’en apercevoir je ne faisais pas d’art, je n’en serais pas choqué. Si je m’arrêtais, ce ne serait pas sous le coup d’une décision ou d’une réflexion, et néanmoins il y a un peu de cela chaque fois que je conçois une pièce : j’ai toujours l’impression de faire la dernière, sans drame [xii]. »

Dandysme

En 1988, John M. Armleder fit accompagner par la Musique d’ameublement d’Érik Satie, jouée par l’Ensemble Contrechamps, la présentation d’une édition de tapis dont les motifs étaient empruntés à deux de ses peintures abstraites ; le cocktail eut lieu dans les salons de l’hôtel Richmond à Genève.

Dans un texte de 1930, Balzac sépare de « la vie occupée » la « vie élégante » constituée par la catégorie des oisifs : « L’artiste [ajoute-t-il] est une exception : son oisiveté est un travail, et son travail est un repos ; […] il ne subit pas de lois : il les impose. Qu’il s’occupe à ne rien faire ou médite un chef-d’œuvre sans paraître occupé […] il est toujours l’expression d’une grande pensée et domine la société [xiii]. » Le thème du désœuvrement permet à Balzac de faire communiquer les figures de l’artiste-roi et du dandy. Toutes deux sont modernes de naissance, mais le dandy pousse à l’extrême ce désœuvrement qui ne court qu’en filigrane chez l’artiste : sa spécificité, n’est-ce pas « l’absence d’œuvre ou le sujet désœuvré comme seule œuvre fragile [xiv] » ?

Dans sa version inaugurale, celle de Brummell, le dandy, ce personnage-clé, est traversé par une contradiction majeure : celle qui oppose la distinction aristocratique au refus de l’affectation et à la recherche de simplicité. Face à la dandymania ampoulée et suffisante, Brummell « tranche par sa discrétion » ; sa simplicité « conjugue le chic et la banalité comme l’insolence conjugue l’excès bouffon et la platitude [xv] ». Tel serait le rôle historique du dandy, son héroïsme : mettre en avant, au sein même de la sphère de la distinction, les principes tout démocratiques du banal et du neutre, selon l’ordre d’un discours dont le sujet serait davantage un « il » qu’un « je ».

John M. Armleder passe du sobre habit de ville (costume et gilet gris sombre), que seul le port d’une éternelle queue de cheval vient quelque peu troubler, au frac et au nœud papillon des concerts fluxus. Même économie dans sa production où il arrive

« à un produit bien fait avec un matériel simple ; le style, l’harmonie et les arômes poétiques en quelque sorte emballent le tout [xvi]. »

Dire péjorativement qu’il a « du style » ne le choque pas :

« […] c’est à quoi j’aspire d’une certaine façon, car ce serait “du style” qui ne serait pas le mien [xvii]. »

Comme le dandy qui épouse des manières d’être et ne s’appartient pas, il renoue (après Warhol et bien d’autres) avec ce qui, sans doute, constitue le point le plus mystérieux de la modernité, cet être-là de l’œuvre qui dans son autonomie ne manifeste son pli critique que par la conscience de son immanence au langage (le style), qui ne dit sa particularité, sa pleine individuation, que par défaut, en revêtant de façon déclarée les oripeaux de la parole la plus commune :

« […] je suis sans doute un peintre abstrait. Moyen [xviii]. »

Il vit l’équivalent de la passion du dandy, ce personnage sensible, écorché, qui, en se donnant toujours pour un autre, se masque derrière le neutre :

« Il est évidemment un peu fascinant de créer des images aussi anonymes et, en même temps, de garder un rapport personnel avec ce que l’on fait [xix]. »

Aussi est-il partagé entre deux tentations, celle d’afficher sa distance, et celle de laisser poindre le fond émotionnel qui l’anime :

« Ceci fait ressortir un important paradoxe que je ressens dans mon travail. Je m’en tiens généralement à l’aspect le plus littéral de mes pièces : un carré est un carré, une ligne est une ligne. […] Mais c’est une déclaration que j’impose en chapeau […] afin d’interposer une distance […]. Parce que je me sais peut-être trop aisément émotionnel et en fin de compte ne désire pas être emporté par cette excitation ambiguë […] [xx] »

Car le dandy doit laisser deviner son affectation, par l’amplification rhétorique de la neutralité affichée. La formulation du problème, en termes de « coquetterie » et de « détour », prend une allure d’aveux cyniques :

« [Un] type de détour que souligne une coquetterie ou une autre. Une de mes préférées est de me déclarer étranger à mon œuvre, de souhaiter ne pas la reconnaître. À l’opposé d’une peinture physique où le corps peint et l’esprit s’expriment, je rêvais donc d’une œuvre sans attache, sans identification, voire sans identité. À vrai dire je ne rêve jamais de pareille baliverne. Et puis je crois qu’il s’agit aujourd’hui d’être plus fort, plus dur, intransigeant en tant qu’artiste [xxi]. »

Dès lors, faut-il tenir ce dandysme, ce double d’hypersensibilité et de distance, pour une attitude — au sens où l’on a pu parler d’un art d’attitude — voire pour une stratégie délibérée, quoique ce dernier mot ne plaise pas à l’artiste ? « L’argumentation par la défensive », le jeu caché, la perversité et le cynisme avoués, n’ont-ils pas, tout de même, des accents agonistiques ?

« […] on cache toujours un peu son jeu pour peu qu’on le connaisse soi-même. Peut-être aujourd’hui y a-t-il tendance à argumenter par la défensive, à énoncer tout ce que l’œuvre n’est pas, plutôt que de dire ce qu’elle est, ou ce qu’on veut qu’elle soit […] Avec la liquidation de tout moralisme au début des années quatre-vingt, le jeu est plus ouvert et plus pervers tout à la fois. […] C’est un cynisme de jeu [xxii]. »

Démêler le vrai du faux, la sincérité de la tricherie n’est difficile que parce que le sujet dandy ne sait pas en définitive toujours faire la différence et qu’il est tout à la fois désespéré et divisé ; c’est là son drame :

« Quand je dis d’une de mes pièces n’importe quelle peinture ou de moi-même rien qu’un peintre de plus, c’est une tentative schizophrénique plus ou moins désespérée de relier le banal et l’unique, le futile et le vital en un cadre signifiant [xxiii]. »

Dans la distillation des menus signes d’une distance ironique, dont Armleder pimente l’abstraction la plus pure, se profile le drame du désœuvrement, quand celui-ci, non plus enclos au sein de l’œuvre, se projette en un art d’attitude.

Jeu

Ce qui allait devenir le groupe Écart [xxiv] fut d’abord un groupe d’amis s’adonnant à l’aviron (row), dont les premières performances furent sans public — ce qui peut s’entendre, au sens de Jules Romain, comme un groupe de « copains » cause de chahut (row).

Depuis les hydropates, les zutistes et autres fumistes, l’art zwanze, les Hirsutes, les Incohérents, Dada et Fluxus, l’art a plus d’une fois hanté les planches du cabaret. Dans un manifeste de 1963, le fondateur du mouvement Fluxus, George Maciunas, opposait le « Fluxus art-amusement » à l’art :

« To establish artist’s nonprofessional status in society,
he must demonstrate artist’s dispensability and inclusiveness,
he must demonstrate the selfusufficiency of the audience,
he must demonstrate that anything can be art and anyone can do it.
« Therefore, art-amusement must be simple, amusing, unpretentious, concerned with insignificances, require no skill of coutless rehearsals, have no commodity or institutional value.
« The value of art-amusement must be lowered by making it unlimited, massproduced, obtainable by all and eventually produced by all.
« Fluxus art-amusement is the rear-guard without any pretention or urge to participate in the competition of “one-upmanship” with the avant-garde. It strives for the monostructural and nontheatrical qualities of simple natural event, a game or a gag. It is the fusion of Spikes Jones, Vaudeville, gag, children’s games and Duchamp [xxv]. »

Ce manifeste peut être rapporté à tout l’œuvre de John M. Armleder, lui qui a « toujours beaucoup aimé [se] jeter un gâteau d’anniversaire au visage comme dans la pièce de Roberto Bozzi, ou [se] renverser un baquet d’eau sur la tête comme dans celle de Nam June Paik [xxvi] », — qui n’a

« […] jamais cru aux missions, au côté indispensable de l’art, à l’artiste qui aurait quelque chose à faire, à dire […]  [xxvii] »,

— pour qui la reprise de certaines compositions abstraites ne serait qu’« un commentaire amusé [xxviii] », dû à sa « façon joueuse de traiter le problème [xxix] », — et qui en matière d’exposition

« […] utilise des données aléatoires ou la négligence, pour juxtaposer des pièces anciennes et nouvelles en réglant leur distribution par le commentaire fortuit ou arbitraire qu’elles provoquent [xxx] ».

L’activité d’éditeur, la production de « multiples », comme telles transpositions en tapis de peintures abstraites, répondent à l’exigence de Maciunas quant à une qualité de produit de masse. Conforme également à cette prescription, est un « multiple » particulièrement significatif, décrit par l’artiste :

« Une toile abstraite, peinte (une à une) à soixante exemplaires. Elle est accrochée à un cintre. La toile représente un rectangle blanc, disposé en diagonale sur un fond argenté avec quelques autres éléments géométriques. C’est une pièce assez classique. On peut la ranger dans une armoire, avec un manteau par-dessus éventuellement, la toile étant de la largeur d’un cintre [xxxi]. »

Le Ready-made y est pris dans son acception littérale de prêt-à-porter. Comme le frac de représentation du performer néo-fluxus, il renchérit sur le côté conventionnel de l’art. Cette affectation (le conventionnalisme du comportement dandy) se retrouve dans la peinture abstraite. Armleder en annihile ce qui fut, un temps, sa prétention exorbitante à l’invention de forme ; il simule d’en retourner le vecteur progressiste, pour en extraire « l’autre moitié […] l’éternel et l’immuable ». Le fascine ce que cette peinture comporte, avec le temps, d’images et de gestes simples, codifiés, condensés en modèles voire en stéréotypes. Il avoue que son art « respecte les normes attribuées à l’art en général [xxxii] ». Pareillement il souligne ailleurs combien un concert fluxus « existe à l’intérieur de limites très strictes imposées par la forme artistique [xxxiii] ». Aussi l’aspect formel est-il, comme il le dit, son « recours ultime [xxxiv] ».

Car le sujet, « pris » par l’art, y est absorbé comme le joueur par le jeu. Difficile de se distraire de ces espaces de la distraction ! L’art, au même titre que le jeu, ne va pas sans un certain sérieux :

« Je crois que l’art est une chose dont on peut se passer, mais je ne peux m’empêcher de dire que c’est une affaire sérieuse tout de même [xxxv]. »

L’antinomie constitutive du jeu, le fait d’être sans nécessité extérieure tout en engendrant ses propres contraintes, se retrouve dans l’art.

Roger Caillois [xxxvi] a insisté sur ce double caractère, libre et conventionnel du jeu qui, en s’opposant au travail, n’en comporte pas moins la soumission à des règles définies ; il a précisé et complété la caractérisation d’Huizinga en tenant le jeu pour une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée et fictive. Si l’art, suivant la provocation de Fluxus et d’Armleder, fait semblant de se laisser rabattre sur la catégorie de jeu, c’est qu’aussi bien, dans toute la modernité, il n’en est pas très éloigné. Les deux sont des activités libres, séparées, improductives et fictives ; le jeu « distrait » du temps et de l’espace social comme l’art prend son essor dans une sphère distraite de l’ordre de la production : un espace de la distraction.

Armleder, sait gré à Fluxus d’avoir étendu l’analogie à l’ensemble des caractères notés par Caillois, d’y avoir ajouté la potion mixte faite du mélange des règles et de l’incertitude :

« Un happening de Fluxus est une forme typiquement radicale, c’est quelque part très pur et souvent comparable aux premiers conceptuels. Un happening de Fluxus existe à l’intérieur de limites très strictes imposées par la forme artistique ; le produit fini est ensuite si simple, si modeste, si inutile qu’il semble être une critique de l’aspect moral du concept pur sur lequel son élaboration s’est pourtant si strictement circonscrite. C’est ce que j’aime dans ces happenings : d’un côté ils sont puritains, et de l’autre on dirait que le produit fini tourne en dérision l’ensemble de l’opération [xxxvii]. »

Mais sa contribution propre, en matière d’art « joueur », réside dans la transposition de cette opposition au registre de la peinture abstraite — le rôle de la contrainte étant tenu par le concept et celui de l’incertitude par la réalisation —, transposition qu’il porte jusqu’aux limites de l’ironie et de l’autodestruction. Peu de tenants de l’utilisation du hasard dans l’art, à l’époque de l’art optique, ont su tenir cette gageure, excepté François Morellet sans doute. Cependant, une touche de dadaïsme, ne fut-elle pas toujours présente dans le meilleur de la tradition constructiviste et abstraite ? Théo van Doesburg, inventeur de l’Art Concret, ne fut-il pas aussi le prosélyte de Dada ? Armleder appartient à cette tradition paradoxale, quand il affirme qu’« un facteur de réussite doit être engagé dans l’entreprise » et que simultanément « rien n’est plus drôle qu’un ratage [xxxviii] ».

« Je pense parfois que l’échec (failure) est grandement nécessaire dans la réalisation d’une de mes pièces. Non pas des erreurs corrigées, des ratés. Simplement l’échec, une part de fiasco […] [xxxix]. »

L’art-jeu, en ajoutant au conventionnalisme du dandy un certain laisser-aller, peaufine le dessin d’un espace exogène de la distraction auquel il feint d’appartenir pleinement. L’artiste joueur ne sait pas s’il conduit le jeu, le domine, ou s’il y est totalement pris. Certes, le jeu, en ôtant à l’art son sérieux, offre le leurre d’une distance maîtrisée, et, en se donnant comme joueur, l’artiste passe pour le maître du jeu. Mais cette « affaire sérieuse » convoque l’artiste, et cette convocation le dépasse :

« […] c’est un peu ma sidération, ou du moins je l’entretiens de la sorte [xl]. »

Et le problème en définitive est bien de savoir qui est le maître, comme le disait du langage Lewis Carroll, dilemme auquel aucun artiste ne peut échapper, qu’il soit peintre ou qu’il mette en forme une attitude.

Laisser-faire

John Cage a transmis à Fluxus un certain intérêt pour le Zen, vulgarisé par D. T. Suzuki et Alan W. Watts (orientalistes qu’il invita à donner des conférences). Le tea time de John M. Armleder, qui dit lui-même que l’étude du bouddhisme zen lui a fait « une forte impression [xli] », vient-il directement ou indirectement de là ?

Selon une légende rattachée au patriarche mythique Bodhidharma, « la saveur du Zen (ch’an) et la saveur du thé (ch’a) sont identiques [xlii] ». Les moines zen boivent du thé pour lutter contre le sommeil, pour clarifier et stimuler leur esprit, c’est-à-dire pour parvenir au satori, l’Éveil instantané. Par l’usage du thé l’initié tend au même but que par le koan, sorte de « judo intellectuel » qui, en le déstabilisant, l’aide à vider son esprit.

Au Zen, la lignée qui conduit jusqu’à Armleder emprunte surtout, outre cet art de la déstabilisation et l’idée connexe du vide, une conception de la création qui vient du taoïsme, selon laquelle Dieu n’engendre pas en créant mais en laissant advenir. « La formule fondamentale en est le « Non-Agir ». Tout ce qui se fait spontanément est supérieur à ce qui se fait volontairement [xliii]. » Comme il est dit dans un poème du Zenrin : « Assis paisiblement, sans rien faire,/Le printemps vient, et l’herbe croît d’elle-même [xliv]. » Le sage est celui qui sait vider son esprit, n’essaie pas par quelque motion réflexive de se saisir connaissant, mais adopte au contraire une attitude de dessaisissement. « L’impossibilité de saisir l’esprit avec l’esprit équivaut, lorsqu’on en a conscience, à la non-action (wu-wei) », dit Alan W. Watts. Le wuwei, ou non-agir, assimilé par les bouddhistes chinois au Nirvâna (l’existence inconditionnée, état de celui qui a atteint l’union mystique, but du salut), est le mode d’activité propre aux plus hauts des immortels [xlv].

Il n’est certes pas question de faire de John M. Armleder un artiste zen, mais il en rejoint la tradition sur plusieurs points significatifs, qui concernent notre propos : — Il accepte le hasard :

« Je ne modifie rien après coup : des changements sont possibles en cours de route, j’accepte et j’aime l’inattendu. »

— Il n’intervient pas mentalement pendant le temps de réalisation et décrit cette expérience en des termes quasi initiatiques :

« Je tente de me défaire de tous les traumatismes métaphysiques qui nous poursuivent et tentent de s’insinuer en nous pendant l’exécution d’un tableau. Il faut bien avouer que je me trouve toujours dans un état assez proche de l’hypnose, […] de l’hébétude […]  [xlvi]. »

— Enfin l’évacuation de tout message n’est pas sans rapport avec les techniques initiatiques permettant de faire le vide.

Toute la série des Pour paintings [xlvii], qui rassemble les toiles informelles — dont celles exécutées en faisant couler des pots de peintures le long d’une toile inclinée —, met littéralement en scène quelque chose qui coulerait tout seul, comme l’on dit que ça coule de source. Ce laisser-couler condense la double leçon de l’art-jeu et de la création selon le Tao : un laisser-aller et un laisser-faire en même temps.

Que la conception taoïste de la création, et certaines des attitudes prescrites par l’initiation zen, aient pu rencontrer un écho chez des artistes (depuis Cage, pour ceux qui nous importent ici), ne saurait être réduit au seul effet de la mode du Zen dans les années soixante. C’est pour ainsi dire de l’intérieur que l’art y a retrouvé des préoccupations qui étaient de longue date les siennes. Le non-agir, vulgarisé par un esprit zen diffus, est entré en résonance avec le désœuvrement à l’œuvre dans l’œuvre moderne (celui dont parle Blanchot).

Curieusement, on peut poursuivre avec le taoïsme. Le Tao, en tant qu’unité indifférenciée suppose l’intégration des contraires (coincidentia oppositorum). Par ailleurs cette unité n’est atteinte que dans le vide et en faisant le vide. Plusieurs mots clés comportent en chinois l’idée de vide ou de non-être (wu) : l’Éveil instantané est tun wu, la non-action wu wei et le véritable esprit wu tsin (non-esprit). Il n’est donc pas étonnant que l’écho du Zen et du Taoïsme se poursuive dans ces autres figures du désœuvrement que sont la vacance du sens et le silence de l’œuvre, le non-art et le mirage d’une identité entre l’art et le non-art — sans compter, on va le voir, le problème de l’idiotie de la peinture et celui de la répétition cyclique et des moyens d’y échapper.

Vacance

Les pages de garde du catalogue de l’exposition personnelle de John M. Armleder, au musée de Bâle, en 1981, reproduisent celles d’un catalogue de sièges. Par ailleurs, outre les présentations conjointes de toiles et de sièges de toutes sortes dont il a déjà été question, plusieurs Furniture sculptures sont faites d’une simple accumulation ou juxtaposition de fauteuils, tabourets et autres chaises [xlviii]. Ce siège vide, laissé vacant, qui revient et insiste, tire sa révérence à George Brecht [xlix] plutôt qu’à Rauschenberg. Tel un objet étrange et toujours déplacé, il est à la fois indice et symbole de vacance. Non pas parce qu’aucun cul royal n’y trône, mais parce que sa « beauté d’indifférence », empruntée à la leçon duchampienne, y dénote plus profondément l’absence de message :

« Il n’y a rien de symbolique, aucun message personnel dans aucun de mes tableaux [l]. »

Ce balai de sièges vides, déplacés d’œuvre en œuvre, est lui-même le symbole d’un autre déplacement, celui d’une attention qui, détournée du contenu de l’œuvre grâce à un « statement absent, déclaré comme tel [li] », peut être focalisée sur le geste, sur l’attitude :

« Sans doute suis-je peintre avant tout […] C’est une activité qui me passionne mais c’est un assez pauvre sujet de conversation […] L’absence totale de message ou de portée théorique de mon œuvre privilégie mon attitude envers celle-ci, à tel point que se pose la question d’y déceler un glissement qui déclare l’attitude comme objet [lii]. »

Passage de l’œuvre au registre de l’attitude, dont le criterium recherché fait transpirer la critique. L’absence de mystère déclaré dans le contenu iconologique libère par défaut l’espace d’une monstration. Ce que Wittgenstein exprimait quand, refusant tout droit au métalangage, il disait que l’élément mystique se montre, mais ne s’énonce pas. Pour Walter Benjamin [liii], en un sens très proche, l’élimination de l’indicible, qui coïncide avec un style d’écriture véritablement neutre et sobre, peut seul conduire à ce qui est refusé à la parole. La dépersonnalisation dandie et le silence de l’œuvre se rejoignent ici, et l’on comprend comment les « idées reçues », toute cette fascination de l’art pour le cliché et le stéréotype, alimentent cette espèce d’idiotie déterminée, recherchée, propre à la peinture, certes, mais aussi récurrente dans tout l’art :

« Mes peintures n’ont strictement rien de raisonnable : elles échappent à toute intelligence discursive, au pire elles la restreignent au minimum. C’est un trait spécifique de mon travail, qui a très peu à voir avec la construction d’une image pouvant apparaître comme une peinture complète, achevée, faisant sens ; rien à voir avec la pureté : ce n’est qu’une peinture idiote avec des couleurs et des formes [liv]. »

De cette idiotie, le point ou le petit rond, qui revient dans nombre de tableaux, en fredonne la ritournelle frivole. Emprunté à Francis Picabia ou a Larry Poons, peu importe ! substitut de n’importe quelle figure absente, il n’a strictement aucune signification puisqu’il peut les avoir toutes [lv].

Économie

Parfois, à l’entendre, on croit voir Armleder revêtir l’habit du saltimbanque, se faire le roi d’un jour, conscient de la précarité de son trône, mais lui-même fasciné par cette grandeur du dérisoire :

« […] j’aime réellement le fait que la radicalité, en art n’a absolument pas de conséquence. […] Qui peut bien s’intéresser au fait que vous soyez radical ou non ? […] c’est toujours de l’art, toujours la même foutaise culturelle. Bien que j’admire le radicalisme et spécialement le radicalisme historique, il est évident que les positions extrêmement radicales en art sont toujours, d’une certaine façon, à bon compte et minables. C’est justement cela qui est fascinant [lvi]. »

C’est d’abord, par un ferme relativisme que l’art est comme « remis à sa place » :

« L’art ne représente qu’une valeur relative, même sur le plan moral. »

« Je crois que l’art est une chose dont on peut se passer […]  [lvii]. »

Du saltimbanque ensuite, et de son essence divine, vient l’art du mélange, cette confusion appuyée du haut et du bas, cette sorte de transmutation des valeurs :

« J’ai toujours aimé mélanger l’art des bistrots avec les chefs-d’œuvre de pointe des musées. »

Mais la dévaluation s’en tient aussi au registre littéral de l’économie, là où règne la loi de l’échange. Non seulement, par la production de multiples, mais par le statut indifférencié conféré à l’œuvre, au plan de la création :

« Sans doute suis-je presque hanté par cette idée et cette certitude que tout en faisant une pièce bien précise, n’importe quelle autre ferait tout aussi bien l’affaire […] [lviii]. »

Au plan de l’exposition aussi : le stand d’Écart à la foire de Bâle en 1984 « comportait une demi-douzaine de toiles anonymes achetées chez un fripier [lix] ». Armleder organisa également le Teu-Gum Show, une exposition de peintures abstraites où voisinaient les générations et les écoles différentes, les artistes connus et ceux qui l’étaient moins :

« [C’]était une tentative, hélas trop précipitamment montée, de montrer que la « dramatisation » de l’accrochage aidant, un relatif principe d’équivalence peut s’établir, toutes œuvres, tous niveaux confondus [lx]. »

L’interchangeabilité proclamée dénonce par avance la différence spécifique de l’œuvre, abolit sa distinction. L’économie, en instituant sa loi de l’échange, ôte à celle de l’art toute consistance : suppression de la dépense somptuaire aspirée dans l’orbite de l’économie utilitariste, résorbée ; effacement de la séparation. Le simulacre d’une dévaluation de l’art et de sa mise à niveau de l’économie commune poursuit la fiction d’une économie sans reste (et de la mort de l’art).

Ironie

Armleder, si soucieux en apparence de littéralité désenchantée, a adopté le mode nocturne pour l’une de ses premières présentations d’œuvres abstraites [lxi]. Il s’agissait de petites peintures murales, de style constructiviste, réalisées dans un appartement vide, et que le visiteur était invité à découvrir, muni d’une lampe électrique. Cette étrange parabole d’une visite de la caverne à la recherche d’images modernes, momifiées, les replace symboliquement dans un obscur mausolée de fortune, comme si elles appartenaient désormais au passé (leur temps glorieux étant révolu), n’ayant même plus droit à une commémoration pieuse (leur critique n’ayant plus lieu d’être).

Armleder ne surévalue pas l’art, quand il feint de se fondre dans la foule anonyme :

« Je ne suis qu’un peintre de plus [lxii]. »

Il ne peut s’en laisser conter en matière de nouveauté et n’est ni dupe, ni infatué :

« On a cette folie de ne voir dans l’art que des choses exceptionnelles. L’art que je fais respecte les normes attribuées à l’art en général par le cumul de l’art jusqu’à aujourd’hui et par ceux qui l’ont appréhendé. Je ne fais rien d’autre que les autres n’aient déjà fait une fois [lxiii]. »

« C’est presque comique parce que ce n’est que de la répétition [lxiv]. »

Cependant, d’un autre côté, le rapport qu’il entretient avec l’art et son histoire est sincère. Il baigne dans une culture artistique qui constitue pour lui comme un environnement naturel depuis longtemps (sa mère a fréquenté l’École du Louvre, son grand-père a connu Peggy Guggenheim ; enfant, il visita de nombreux musées, en Italie Fra Angelico lui tira des larmes… [lxv]) :

« De fait le répertoire de ces références est assez large car il y a des choses que l’on reconnaît, d’autres moins. En plus je pense que je me cite aussi beaucoup moi-même. Mon propos n’est pas de faire une critique ou une analyse de l’histoire de l’art moderne, pas plus que de prendre en charge un genre, de m’approprier un style. La base de mes choix est simplement constituée par le réservoir naturel de mes connaissances, que j’applique comme tel [lxvi]. »

Dans la reprise de l’abstraction, Armleder se masque derrière un « il », le sujet neutre d’une narration implicite, qui semble nous conter l’épopée mélancolique de l’art moderne, celle de la peinture abstraite dont elle chanterait l’universalité perdue :

« L’abstraction est une donnée fondamentale de la culture de ce siècle, indépendamment des contingences de mode [lxvii]. »,

Hors de toute position critique, il le fait avec l’infidélité et l’oubli propres au rhapsode ; par son caractère impersonnel, cette narration tend à décontexter les formes de toute Histoire, à faire des découvertes passées un catalogue de recettes incertaines, à transmuer en types, en styles ou plutôt en figures de style, ce qui prétendait à une iconoclastie fondatrice. C’est ainsi que la neutralité dandie consomme la mort de l’historicité artistique ; par sa propension à en tourner tous les items en effets de surface, elle en ouvre l’intemporel registre létal.

Il y a a contrario une mondanité du neutre : le Dictionnaire des Idées Reçues n’était-il pas pour Flaubert « une œuvre d’actualité » ? Le « jeu avec les styles » ne va pas sans une aptitude à saisir quelque vérité socio-historique. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il n’est pas faux de dire que la peinture abstraite de John M. Armleder brosse, à sa manière, ou plutôt dans le registre qu’elle s’est choisi (celui des styles), comme le tableau de son époque, en manifestant par la reprise l’après coup de la modernité plastique : notre présent postmoderne.

La répétition est, depuis le romantisme, la marque du pli critique. En soi incomplète, l’œuvre ne peut qu’être reprise ou commentée. La même incomplétude, le même manque fait faire une œuvre après l’autre et soumet chacune d’elle à la critique. Le désœuvrement est aussi cette « possibilité originelle d’exister en partie double » : « Ce manque, cette distance imprimée parce que recouverte par l’expression, est ce à partir de quoi l’œuvre, pourtant dite une fois, parfaitement et incapable d’être redite, tend irrésistiblement à se redire […] [lxviii]. »

Chez Armleder il semble que la répétition ne soit plus l’objet d’une relève critique. Latéralisée, instrumentalisée dans le cadre d’un pragmatisme restreint, elle paraît dédramatisée :

« Quelle que soit la raison de notre sentiment négatif il semble que nous l’exploitions à l’opposé de sa conclusion naturelle, que nous l’inversions [lxix]. »

Sortie du procès du négatif, la répétition perdrait ainsi sa raison d’être profonde et deviendrait un pur jeu, dont la signification n’en demeurerait pas moins opaque.

Mais l’ironie, toujours présente, vient décaler ce renversement. Même le positif est mis à distance, réduit à une mode contemporaine. Si l’ironie l’emporte, alors la répétition demeure prise dans une existence « en partie double ». Alors il faut conclure à une sorte de romantisme, dont l’ironie serait le symptôme le plus raffiné. Ne pouvait-on pas lire dans l’Athenaeum, il y a bientôt deux cents ans :

« C’est un goût sublime que de préférer toujours les choses à la seconde puissance. Par exemple des copies d’imitations, des examens de recensions, des additifs aux appendices, des commentaires sur les notes […] [lxx]. »

Fragment

Posée au sol, basculée, montée sur une table, mise à la renverse, fixée au mur ou au plafond, la chaise selon Armleder, semble mue par un principe d’attraction ascensionnelle. Elle finit par flotter, et cette allure d’hypostase nuageuse ne peut être seulement rapportée aux effets d’une transposition grandeur réelle de l’espace suprématiste, comme El Lissitsky s’y était déjà essayé avec son espace Proun. Elle se fait objet singulier, coupé de tout rapport, étrange, pour cela qu’elle ne se rapporte qu’à elle-même, comme toutes ces tautologies qu’affectionne l’art contemporain.

Une sculpture récente, faite d’un grillage de poulailler entremêlé d’une guirlande de noël allumée, enroulé sur lui-même, par son allure de hérisson pourrait faire penser que cette œuvre singulière, d’où a été retirée toute comparabilité, n’est autre que le fragment romantique.

À plusieurs reprises John M. Armleder a eu l’occasion d’insister sur le non-rapport qu’il établissait entre une œuvre et celles qui l’ont précédée :

« […] quand je travaille à un nouveau tableau je cherche plus ou moins à couper tout lien avec ceux qui précèdent, et ce, même quand j’utilise de nombreux éléments [préexistants] dans un nouveau contexte. L’œuvre qui naît est alors sans pareille et peut être unique, dans la représentation que j’en ai [lxxi]. »

Un nouveau chapitre s’ajoute ici à la conception de la création évoquée plus haut, une sorte de réponse au problème de la répétition. Le manque dont parle Blanchot va de paire avec la visée d’une totalité. Il est la marque d’un sujet absolu vécu comme être-œuvre, travaillé par le négatif. Armleder affirme au contraire qu’il n’a « pas de perspective globale[lxxii] ». Dès lors, sa conception d’une œuvre qui ne se soucie pas de celles qui précèdent, qui essaie de « couper les liens », selon un procédé très proche de la technique de non-réflexivité du sage zen, tout en étant un avatar du fragment romantique, semble vouloir en contourner l’incomplétude.

Le fragment romantique, « totalement détaché du monde environnant et clos sur lui même », suppose également une autonomie non mondaine : « Chaque pièce, chaque œuvre [dit Armleder] réclame un engagement complet et très exclusif [lxxiii]. » Mais son engagement ne se restreint pas au temps de création proprement dit. Pour exister pleinement, ses œuvres doivent accéder à la monstration, en dehors de laquelle elles n’ont qu’une signification latente. Le non-rapport abîme l’œuvre dans l’instant et substitue l’événement de l’exposition à l’œuvre. Les « qualités monostructurelles » recherchées par Maciunas sont celles d’une œuvre qui se fait événement. L’attribution, à l’œuvre, d’un mode d’être mondain et oublieux, veut résoudre le problème de la répétition : le sujet ayant coupé le fil qui unit les œuvres entre elles, peut vivre chacune comme unique. Même s’il emploie le même vocabulaire, « la mise en place est toujours totalement nouvelle [lxxiv] ».

Le motif de cette tentative de double contournement se rencontre chez plusieurs philosophes contemporains et achoppe sur le concept de singularité. Il est au centre de la pensée de Gilles Deleuze qui, en bon lecteur de Nietzsche, conçoit « une répétition qui sauve ». Pour Clément Rosset, le réel est idiot, sans double ; l’objet singulier, coupé de tout rapport (de toute mimésis) fait droit au réel. La singularité, chez Giorgio Agamben, est un être « tel quel », c’est-à-dire exposé et quelconque. Jean Baudrillard voit aussi, dans l’hypertélie du réel, le moment où les signes se font des objets non métaphorisables, cruels et sans appel, et se mettent à briller d’un feu fatal. Tous ces tenants d’une singularité non soumise à la loi d’une totalité en devenir, tels des Pascals profanes, font un pari : ils misent sur le réel et l’instant présent.

Théologie négative

Leurs philosophies véhiculent, de façon plus ou moins avouée, le mirage messianique d’un monde où le salut a fait un saut séculier. Dès lors, dit encore Agamben, « le mal est […] la réduction de l’avoir-lieu des choses à un fait comme un autre, l’oubli de la transcendance inhérente à l’avoir-lieu des choses. Par rapport à celles-ci le bien n’est pas en un autre lieu ; il est simplement le point où celles-ci saisissent leur propre avoir lieu, touchent à leur propre matière [lxxv]. »

Il arrive également à John M. Armleder d’esquisser au passage un pas de danse théologique. Mais n’y figure aucun motif messianique :

« […] nous trouvons dans notre travail et son appréciation des contradictions permanentes de foi et d’incrédulité, de formalisme et de trivialité, de haute qualité et de bon marché, de concentration et de relativité. Nous tendons systématiquement à déprécier et à banaliser notre œuvre, de façon à finir par organiser et construire paradoxalement un piédestal pour chaque pièce, si ce n’est un autel supportant une icône. Dieu et Satan réunis [lxxvi]. »

Or, et c’est là sans doute qu’Armleder se sépare des philosophes précédemment cités, il semble assumer une position qui n’est point, à vrai dire, celle du salut. Il dit occuper les deux côtés à la fois, celui du diable et celui de Dieu. La foi en l’instant, en l’apparition de l’œuvre et en son unicité, ne va pas sans incrédulité.

« L’ironie est la forme du paradoxe […]  [lxxvii] », affirmaient déjà les romantiques. Armleder maintient in praesentia les deux termes de chaque contradiction rencontrée : la légèreté du jeu et son sérieux, la morale et le cynisme, la radicalité avant-gardiste et les facilités de la low culture, la distinction du dandy et la neutralité démocratique du style, la froideur et l’émotion, la légèreté et l’engagement, la distance ironique et le non-rapport de la singularité, l’œuvre et le désœuvrement…

Dans l’Athenaeum encore, l’ironie est le paraphe de l’absolu :

« Une idée est un concept accompli jusqu’à l’ironie, une synthèse absolue d’absolues antithèses […]  [lxxviii]. »

Au-dessus de toutes les contradictions, les assumant toutes, l’artiste ne se résout certes pas à tenir la place du sage qui accède au salut. Il veut le salut et la chute, c’est-à-dire occuper la seule position qui les subsume en dépit et au-delà de toute logique : la place de Dieu. Car c’est bien cette place qui se joue dans le désœuvrement et par lui. L’œuvre, pour être divine, ne peut que se doubler de la possibilité de son absence — l’acte pur, véritablement divin, supposant la puissance au négatif comme au positif.

 

Notes

[i] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, in cat. de l’expos. John M. Armleder, Winthertur, Kunstmuseum, 1987, p. 69.

[ii] . James Mc Neil Whistler, Ten O’clock [Oxford, 1885] ; traduction française, Stéphane Mallarmé, in Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, 1985, p. 569.

[iii] . Maurice Blanchot, L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, NRF, 1955, p. 42.

[iv] . John Cage, « Postcriptum au discours sur rien », in Silence, Wesleyan University Press, 1961. (Trad. franç. par Monique Fong, Paris, Denoël, 1970, p. 80.)

[v] . Maurice Blanchot, op. cit., p. 287.

[vi] . FS 1, 1979, collection Daniel Newburg, New York.

[vii] . FS 45, 1983, collection privée.

[viii] . Cf. le cat. John M. Armleder. Furniture Sculpture, Genève, Musée Rath, 1990.

[ix] . John M. Armleder, « J’ai commencé par le dessin… », propos recueilli par Charles Goerg, in cat. de l’expos. Le Dessin suisse. 1970-1980, Genève, Pro Helvetia, 1981, p. 64.

[x] . Cité par Roger Shattuck, The Banquet Years. The Origin of the Avant-Garde in France, 1855 to World War i. 1955. (*Les primitifs de l’avant-garde. Henri Rousseau, Érik Satie, Alfred Jarry, Guillaume Apollinaire, traduit de l’américain par Jean Borzic, Paris, Flammarion, 1974, p. 187.)

[xi] . John M. Armleder, in « John Armleder dans ses meubles. Un artiste genevois à la Biennale de Venise », entretien avec Mireille Descombes, La Tribune de Genève, vendredi 27 juin, 1986. (Repris in John M. Armleder-Helmut Federle-Olivier Mosset, Écrits et Entretiens, éd. par Yves Aupetitalot, Alain Coulange et Serge Lemoine, Saint-Étienne, Maison de la culture et de la communication/Grenoble, Musée de peinture et de sculpture, 1987, p. 41.)

[xii] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 78.

[xiii] . Honoré de Balzac, « Traité de la vie élégante », in La Mode, Paris, 2, 9, 16, 23 octobre et 6 novembre, 1830. (Réédité in Roger Kempf, Balzac, Baudelaire, Barbey d’Aurevilly. Sur le Dandysme, Paris, UGE, 1971, p. 31-99.)

[xiv] . Cf. Françoise Coblence, Le Dandysme. Obligation d’incertitude, Paris, PUF, 1988, p. 295.

[xv] . Idem, ibidem, p. 111-133.

[xvi] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », in catalogue de l’exposition Jedes Zeichen ein Zeichen für Andere Zeichen zur Æsthetil von Helmut Federle, Vienne, éd. Galerie Nächst St. Stephan/Ritter Verlag, 1985, p. 95‑103. (Trad.franç. in Écrits et Entretiens, op. cit., p. 247.)

[xvii] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 77.

[xviii] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », entretien, Artistes, n° 25, Paris, 1985, p. 82.

[xix] . John M. Armleder, « John Armleder dans ses meubles. Un artiste genevois à la Biennale de Venise », op. cit. (Écrits et Entretiens, p. 43.)

[xx] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, p. 230.)

[xxi] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », op. cit., p. 82.

[xxii] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 70 et 74-75.

[xxiii] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, p. 233.)

[xxiv] . Pour une histoire du groupe, cf. Lionel Bovier et Christophe Chérix (éd.), L’Irrésolution commune d’un engagement équivoque. Ecart, Genève 1969-1982, Genève, Mamco, 1997.

[xxv] . Georges Maciunas, Manifeste Fluxus, 1963. (Reproduit in catalogue de l’exposition Fluxus Urbi et Orbi, Venise, Fondation Mudima/Milan, Mazzotta, 1990, p. 219.)

[xxvi] . John M. Armleder, entretien avec Adelina von Füstenberg, in cat. de l’expos. John M. Armleder, Martin Disler, Helmut M. Federle, Genève, Centre d’art contemporain, 1981, p. 8.

[xxvii] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 77-78.

[xxviii] . « John Armleder. “My Paintings are fully unreasonable, they escape all intelligent, discursive comprehension” », entretien avec Christoph Schenker, Flash Art, édition internationale, n° 130, Milan, octobre-novembre, 1986, p. 68.

[xxix] . Idem, ibidem, p. 69.

[xxx] . John M. Armleder, « La musique inévitable », Cahiers de Contrechamp. Musique du xxe siècle, non numéroté, Genève, 1980. (Écrits et Entretiens, p. 18.) L’œuvre décrite est Painting with Coat Hanger, multiple édité par John Gibson, New York, 1984.

[xxxi] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », op. cit., p. 83. (Même éditeur du multiple que précédemment.)

[xxxii] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 75.

[xxxiii] . « John Armleder. “My Paintings are fully unreasonable, they escape all intelligent, discursive comprehension” », op. cit., p. 68.

[xxxiv] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 76.

[xxxv] . John M. Armleder, ibidem, p. 73.

[xxxvi] . Les Jeux et les Hommes, Paris, Gallimard, NRF, 1967.

[xxxvii] . « John Armleder. “My Paintings are fully unreasonable, they escape all intelligent, discursive comprehension” », op. cit., p. 68.

[xxxviii] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », op. cit., p. 82-83.

[xxxix] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, p. 233.)

[xl] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », op. cit., p. 82.

[xli] . « John M. Armleder, a gentleman in the fluxus tradition », entretien avec Giancarlo Politi et Helena Kontova, in Flash Art, édition internationale, vol XXV, n° 166, Milan, octobre 1992, p. 68-69.

[xlii] . Alan W. Watts, The Way of Zen, New York, Pantheon Books, Inc. (Le Bouddhisme zen, traduit de l’américain par P. Berlot, Paris, Payot, 1969.)

[xliii] . Henri Maspero, Le Taoïsme et les religions chinoises, Paris, 1971, p.  314.

[xliv] . Toyo Eicho, Zenrin Kushu [XVe siècle], cité par Alan W. Watts, The Way of Zen, op. cit.

[xlv] . Cf. Henri Maspero, op. cit., p. 288.

[xlvi] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, p. 243.)

[xlvii] . Cf. le catalogue John M. Armleder. Pour Paintings 1982-1992, Utrecht, Centraal Museum, 1992.

[xlviii] . Avec peinture apposée : outre FS 1 déjà citée, FS 2, 1980, FS 21, 1981, FS 60, 1984 ; sans peinture : FS 87 b, 1985, FS 97, 1986, FS 172, 1987, FS 230, 1989, Une voix libérale, 1991. Ces listes ne sont pas exhaustives. (Cf. le catalogue John M. Armleder. Furniture Sculpture, Genève, Musée Rath, 1990.)

[xlix] . Armleder reconnaît avoir été fasciné par l’œuvre de Brecht faite de chaises.

[l] . John M. Armleder, « Das ist nichts Symbolisches », entretien avec Franziska Schläpfer, St Gallen Tagblatt, Saint-Gall, 29 janvier, 1986. (Trad. Écrits et Entretiens, p. 40.)

[li] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 72.

[lii] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », op. cit., p. 82.

[liii] . Commenté par Adorno in Ästhetische Theorie, Francfort, 1970 ; trad. franç., Théorie esthétique, Paris, 1974, p. 265 sq.

[liv] . « John Armleder. “My Paintings are fully unreasonable, they escape all intelligent, discursive comprehension” », op. cit., p. 69.

[lv] . Cf. Dieter Schwarz, « Un point peut en cacher un autre », in cat. de l’expos. John M. Armleder, Winthertur, Kunstmuseum, 1987, p. 101‑115.

[lvi] . « John Armleder. “My Paintings are fully unreasonable, they escape all intelligent, discursive comprehension” », op. cit., p. 68.

[lvii] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 73.

[lviii] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, p 231.)

[lix] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », op. cit., p. 82.

[lx] . Idem, ibidem, p. 81.

[lxi] . Peintures murales, Premier étage, rue Vignier, Genève, 1980.

[lxii] . John M. Armleder, « …mon Dieu : que reste-t-il ? », op. cit., p. 81.

[lxiii] . John M. Armleder, entretien avec Suzanne Pagé, op. cit., p. 75.

[lxiv] . « John Armleder. “My Paintings are fully unreasonable, they escape all intelligent, discursive comprehension” », op. cit., p. 68.

[lxv] . John M. Armleder, « John M. Armleder, a gentleman in the fluxus tradition », op. cit.

[lxvi] . John M. Armleder, « John Armleder dans ses meubles. Un artiste genevois à la Biennale de Venise », op. cit., p. 42-43.

[lxvii] . John M. Armleder, « Entretien entre Olivier Mosset et John Armleder. Genève août 1986 », Halle Sud, Genève, n° 11, 1986.

[lxviii] . Maurice Blanchot, L’Entretien infini, Gallimard, NRF, 1969, p. 570-571.

[lxix] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, op. cit., p. 233.)

[lxx] . Fragment 110. (Trad. franç. in Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L’Absolu littéraire, Paris, Le Seuil, 1978, p. 111.)

[lxxi] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, p. 250.)

[lxxii] . John M. Armleder, « Entretien avec Catherine Groult », Fiac Magazine, Paris, 1986, p. 33. (Écrits et Entretiens, 1987, p. 53.)

[lxxiii] . John M. Armleder, « Entretien avec Wendy Norman, Venise 1986 », in « Il n’y a pas de nouvelle abstraction », dossier établi par Christian Besson, Art Press, n° 106, septembre, p. 20.

[lxxiv] . « John Armleder dans ses meubles. Un artiste genevois à la Biennale de Venise », op. cit., p. 43.

[lxxv] . Giorgio Agamben, La communità che viene, Turin, Einaudi, 1990. (La communauté qui vient, Paris, Le Seuil, 1990, p. 21.)

[lxxvi] . John M. Armleder, « Gespräch Zwischen John Armleder und Helmut Federle (Zurich, 16-17 november 1985), 2. Teil », op. cit. (Écrits et Entretiens, p. 233.)

[lxxvii] . Friedrich Schlegel, fragment critique 48. (L’Absolu littéraire, p. 87.)

[lxxviii] . Athenaeum, fragment 121. (L’Absolu littéraire, p. 113.)