Incarnation et iconostase

Les dessous de la peinture selon Daniel Schlier

[Publié in cat. de l’exposition Daniel Schlier. Les jours maigres et les jours gras, (galerie de l’Ancienne Poste, Calais, 22 mars-25 mai, puis Centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson, Noisiel), Calais, Le Channel, 1997, p. 31-46. « Incarnation and iconostasis. The « under-paintings » according to Daniel Schlier », trad. en anglais par Simon Pleasance, ibidem, p. 55-71.]

« Et si l’on veut que la modernité en peinture se signale par la substitution à la superposition des préparations, des sous-couches, des glacis, des transparences et des vernis, d’un autre métier fondé celui-là sur l’à-plat, la juxtaposition des touches, le contraste simultané, comment ne pas voir que le problème des “dessous” n’en aura été que déplacé, ou transformé, la peinture ayant nécessairement gardé quelque chose de son épaisseur, quand bien même elle ne viserait plus qu’à des effets de surface […] »
Hubert Damisch, Les dessous de la peinture [1]

Deux catégories très générales reviennent dans les déclarations de Daniel Schlier : la peinture et l’icône. En plaçant son œuvre sous leur autorité, il leur confère le rôle d’un « architexte » qui fixe l’horizon d’attente et oriente la lecture. Il n’est donc que de se laisser guider. Pour l’une et l’autre, il répond par avance aux réserves qu’on pourrait faire. Pour la peinture, il reconnaît la diversité des matériaux qu’il utilise : « J’utilise bien des matériaux divers, mais toujours dans une logique de peinture. » (S. 92) [2]

En ce qui concerne l’icône, la référence est médiate. Il y a tout d’abord ces panneaux peints selon la technique traditionnelle orthodoxe qui, accrochés en désordre, serrés, ont pu former un Mur d’icônes  [3]. Le leitmotiv de l’« incarnation », lui aussi audible dans ses déclarations, prouve cependant que le terme « icône » n’a pas une seule acception technique, restreinte. Schlier a parfaitement conscience de ses connotations religieuses, même s’il ne s’attarde pas sur le fait qu’il s’agit en l’occurrence du dogme central du christianisme qui fonde la théorie de l’icône. Là encore la réticence adverse est devancée :

« […] vous aurez remarqué que j’ai parlé tout à l’heure d’incarnation, etc. Cela m’ennuie un peu d’utiliser ce langage religieux, mais il me vient spontanément. J’entretiens avec l’art une relation de croyance. Le monde n’appartient qu’à lui-même, il ne renvoie à aucune transcendance, mais cela n’empêche pas les cantiques ! » (S. 92)

Si l’incarnation s’adapte sans difficulté aux deux discours, celui de l’icône et celui de la peinture, la balance n’est cependant pas égale, l’un ayant précédé l’autre. Le terme dogmatique, extrait de la tradition de l’image, prend dans celle, moderne, de la peinture une acception laïque, est sécularisé en simple trait esthétique – dans l’oubli pourrait-on dire de ce qui le fonde. En n’effaçant pas tout à fait l’acception archéologique (théologique), en intronisant l’incarnation comme une sorte de terme-pivot, Schlier remet pour ainsi dire la peinture en perspective.

L’icône

L’intérêt de Daniel Schlier pour l’icône remonte fort loin : il se souvient notamment qu’étant enfant il a visité, lors de vacances à Genève, l’église orthodoxe ; quand il séjourne à Nice, en 1991, sa première visite, « avant le musée », est pour l’édifice idoine. Il fréquente les galeries spécialisées (il y en a une depuis une dizaine d’années à Strasbourg). Il ne manque pas une exposition comme Russische Ikonen und Kultgerät aus St. Petersburg [4] quand il peut la voir à deux pas de chez lui…

  1. Le premier caractère qui rapproche sa peinture de l’icône est le soin apporté à la réalisation matérielle de l’image. On le rencontre bien sûr dans les Icônes proprement dites, cette série de panneaux réalisée en 1988 et 1989 et déjà mentionnée ; mais il n’anime pas moins les autres séries :

« Tout d’abord, la question des matériaux et des supports. Il faut bien comprendre que chaque technique appelle un niveau de figuration différent. C’est cela qui m’intéresse. Les fixés sont des fenêtres. Ils sont peints en dessous. Les lièges sont des surfaces, des panneaux sans profondeur, visuellement mats, sans résonance (c’est un excellent isolant phonique !) sur lesquels je peins, je colle, etc. On n’y “entre” pas, tout revient. Les icônes sont des surfaces peintes très fines dont la préparation de fond est longue, épaisse (encollages, enduits, etc.) et nécessite d’avoir du métier. Les cuivres reflètent, comme un miroir, mais ne sont pas transparents. Ils appellent la miniature, le petit format. Ils servent de support à la peinture, et, en même temps, par oxydation, ils sécrètent leur propre couleur. » (S. 92)

Sa préoccupation d’artiste, soucieux du signifiant, le pousse naturellement à établir un lien étroit entre les choix formels induits par les matériaux et le type de figuration qui en découle. Quand il peint il s’attache surtout à fabriquer des textures qu’il juxtapose : celle obtenue en étalant au doigt le médium par mouvement concentrique, celle nuageuse obtenue grâce à une émulsion de pigment grossier sombre dans une base plus claire, celle du liège, du cuivre, de la feuille d’aluminium, etc. La juxtaposition de ces textures mime le procédé du collage.

Une telle « matérialité » de l’image n’est paradoxalement pas étrangère à la théorie de l’icône [5]. Il fallait en effet, pour que l’image soit concevable, que le dogme reposât sur l’incarnation. L’image du prototype, l’Imago Dei ne fut dogmatiquement possible que parce que fut défendue la nature matérielle, anthropomorphe de l’hypostase. Il n’y a pas d’image sans dogme de l’incarnation du Christ. Tel fut le sens de la crise iconoclaste au moyen âge. Contre les idolâtres, on devait certes nier que la divinité fût directement présente dans les images, mais d’un autre côté la distinction de l’image et de la divinité selon la substance, l’affirmation de la matérialité de l’image répondait au problème soulevé par les iconoclastes. L’icône, qui conserve un aspect presque archaïque de fétiche, témoigne au plus près de ce débat théologique. C’est ce dont se souvient Daniel Schlier qui non seulement parle de « logique des matériaux », mais aussi très clairement d’incarnation.

« En ce qui concerne la présence physique, je suis convaincu que, pour exister, un travail, même conceptuel, peut s’incarner dans une forte réalité physique. » (S. 92)

Les formats utilisés, peu monumentaux, s’opposent à ceux que la grande peinture américaine des champs colorés a introduits. Le retour manifeste de l’entité tableau, en tournant le dos à la grande peinture néo-avant-gardiste, lorgne du côté de la qualité d’objet, du côté de l’icône – qui était, il ne faut pas l’oublier, une peinture portable. L’incarnation, cependant, s’énonce chez Schlier en des termes qui ne sont pas ceux de la peinture byzantine. La consistance d’objet poussée jusqu’à la trivialité paraît contrevenir à la spiritualité attachée traditionnellement à l’icône.

« Les lièges sont apparus avec les premières cartes géographiques que j’appelle Paysages, début 1986. A cette époque, le liège n’était utilisé que comme la version outrancière d’un support bois ; il s’agissait d’un fond extrêmement prégnant sous la fine couche de peinture. Il y a un antagonisme entre la représentation et son support qui la brouille de son aspect touffu. » (S. 92)
« Remplacer la couleur ou les pigments par des perles, c’est une façon outrancière de rendre perceptible la couleur. “Peindre” avec des perles orange, c’est “mettre” de l’orange visuellement, mais aussi de façon tactile. La lecture se fait à deux niveaux. Il en va de même avec les fonds de liège. Il s’agit de bois, mais, là aussi, outrancièrement et par excès. » (S. 92)

La surenchère dans la qualité d’objet de la peinture, le kitsch, le trop plein, la saturation de matière, semblent vouloir barrer, dans l’image, la voie d’accès à un ailleurs. Dans la Nature morte de 1996, avec crânes figurés sur socles de liège, cerf de perles et cailloux collés, le tout sur fond de tissu de verre acheté à Castorama, par exemple, l’artiste poursuit-il un autre but que de caresser l’amateur potentiel à rebrousse-poil de son (bon) goût supposé ? Un tel art, si éloigné du beau, paraît en opposition radicale avec les principes spirituels de l’icône. Il ne suffit pas cependant de chasser le beau pour autant liquider la dette à l’égard de l’icône. On ne peut comprendre le paradoxe du traitement par le bas, de la complaisance dans l’ignoble, qu’en remontant à la théorie originaire de l’image dans la culture occidentale, jusqu’au dogme de l’incarnation, inséparable de la Passion. La modernité, sur ce point, en substituant à la beauté le sublime – qui est aussi dans la laideur –, ne contredit pas au dogme, bien au contraire le retrouve. Le meilleur du Pop Art, de tout ce qui s’est écrit dans l’art depuis quelque quarante ans sur le dos de la low culture, exploite ce paradoxe. Baudelaire en a donné un condensé dans l’image de l’ange dont l’auréole a glissé « dans la fange du macadam », qui ne la ramasse pas, et juge finalement intéressante la nouvelle situation où il peut se « promener incognito, faire des actions basses, et [se] livrer à la crapule comme les simples mortels [6] ». Cet ange, en laissant au « mauvais poète » le soin de ramasser l’auréole chue, redistribue les signes du spirituel : le nimbe dès lors entoure non plus les représentations ou les symboles directs de l’au-delà mais les choses les plus quotidiennes du monde moderne. Il n’y a pas d’icône sans dogme de l’incarnation et pas d’incarnation qui en droit ne s’entende de l’ensemble de la création, qui ne postule peu ou prou la présence de Dieu dans toutes ses œuvres, sans exception : des petits oiseaux de François d’Assise, aux instruments du malheur terrestre, (chez Schlier : UZI, FAMAS [7], etc., transformés en attributs iconiques).

La fascination étrange des personnages de Schlier provient en partie de l’espèce de nimbe, intérieur ou extérieur, qui double leur contour. Ainsi les Têtes manifestent-elles moins la perte de l’aura – qui devrait en toute logique accompagner l’usage de poncifs empruntés à la géographie économique la plus terre à terre (symboles graphiques de la production industrielle ou agricole, etc.) – que son déplacement sur des corps ou des objets. En découle une impression d’irradiation des êtres et des choses. Souvent, de plus, une même texture, une même matière constitue tête et attribut (main, carte, arme, etc.). Les circonscrire d’un nimbe continu les dote d’une aura unique. Il en découle une entité supérieure, être et chose ne faisant plus qu’un, l’équivalent figuratif d’une sorte d’union mystique.

2. Les Cinquante têtes regardant à gauche et à droite – leur publication consiste en un long accordéon enserré entre deux forts cartons – rappellent plus que d’autres œuvres des icônes. Derrière ces têtes, d’autres têtes immémoriales affluent vers notre souvenir : image répétitive somme toute, que les enfants retrouvent spontanément dans le dessin simplifié de deux petits ronds contigus, orientés par un ou deux traits supplémentaires, qu’il suffit d’entourer d’un cercle pour faire figure. Quelques traits de la sorte ramassent et condensent les deux sens du mot figure : visage minimal et représentation naissante. Une tête avec deux yeux, la plus simple qui soit, non seulement fait figure, mais nous entraîne dans le tréfonds de l’image, là où gît l’anthropomorphisme minimal le plus brut.

Il y a ensuite les yeux avec leur fixité étrange. Il n’est pas besoin de se placer sur un registre métaphorique pour affirmer à leur égard que l’« image nous regarde ». La peinture-icône conserve sur ce point des traces d’un caractère très archaïque de l’image, celui du pouvoir qui lui était attribué – souvenir de la force du regard pétrifiant, dont le bouclier d’Athéna avec la tête de Méduse est l’archétype. Ce caractère magique affleure dans la façon dont les yeux sont peints plus nettement que le reste. Des masques d’adhésif apposés sur le dessin préparatoire ont permis d’en peindre les contours avec précision. La différence de traitement les situe sur un autre plan. Opaques, en forme de vulve, de coquille, ils sont comme des trous bouchés. Ils me rappellent ce crâne modelé de Jéricho (remontant au sixième millénaire av. J. C.), aux orbites oculaires obturées par deux coquillages selon d’anciennes pratiques qui « recomposaient l’image d’un mort », en inversant, dit Gombrich [8], la légende de Pygmalion. Les yeux des Têtes de Schlier ne prétendent bien sûr à aucune magie littérale, mais leur différence de traitement analogue mime une improbable hétérotopie, l’appartenance à une réalité autre ; comme si, là encore, dans l’art, on se souvenait d’un pouvoir ancestral de l’image.

3. Des Cinquante têtes…, on aurait pu tout aussi bien retenir la tendance typologique. Comme dans l’art chrétien au sens large, les objets qui transitent dans l’image, qui viennent se fixer à la tête de tel ou tel personnage, ou bien se placer dans une main, ont une fonction très symbolique d’attribut. Ils appartiennent à un large éventail où se mêlent tradition et modernité. Ils vont du naturel des pierres, des animaux (oiseaux, poissons, cochon, cerf, vache, lapin, cheval, éléphant, chat) aux produits de l’industrie humaine : simple objet (un verre), véhicules (bateau, avion, sous-marin, hélicoptère), ou armes (mitraillette, fusil, revolver) ; les cartes de géographie et les inscriptions (nous, fett, d s), enfin, qui ressortissent aux codes graphique et scriptural, contribuent à situer l’ensemble au registre symbolique. Dans les œuvres sur fond de liège, dans la série des Icônes, comme dans les Vanités plus récentes, Schlier retient le caractère codifié de l’image :

« Utiliser des signes codifiés ou du moins peints dans un style neutre (les mains, les cartes, etc. ) me permet de rester dans la logique de l’icône – qui était une forme d’expression très codifiée et assujettie à des paramètres précis. Ce qui a priori est un paradoxe si l’on considère l’icône comme le reflet mystique de Dieu. » (S. 89)

Ce caractère était le propre de l’icône moyenâgeuse. « L’iconographie, écrit André Grabar, construit une image comme on structure une phrase ou un discours, en utilisant ou en combinant entre eux des éléments d’origine différente, selon des règles comparables à celles de la grammaire [9] ». Le dogme édictait le code : l’image n’allait pas sans la loi. Grabar, encore, rapporte par exemple que dans la nouvelle Rome (l’empire byzantin), comme dans l’ancienne, l’image de l’empereur pouvait dans certaines circonstances tenir lieu de sa personne, qu’elle était alors un substitut juridique de sa présence [10]. Dans ses Leçons [11], Pierre Legendre explique combien cette dimension juridique à l’origine de l’icône, Imago Dei, était importante, combien elle nous est devenue étrangère. En s’appuyant sur le mythe de Narcisse, il montre que toute image, en tant qu’institution sociale, suppose un miroir premier, une première division du sujet, et que cette division n’est elle-même possible qu’en référence à une instance tierce, le miroir précisément. Sa démonstration se poursuit avec l’examen du voile de Véronique, paradigme de toutes les icônes : la figurabilité du Christ est la conséquence logique du dogme de l’incarnation du fils de Dieu, (argument principal de Jean Damascène contre les iconoclastes) ; le lien entre l’image et le prototype, théorisé par Théodore Studite, ne peut se comprendre qu’en référence au rapport exorbitant qui unit Dieu à son hypostase. La ressemblance de l’image ne se soutient qu’en posant une instance tierce absolue. La loi, qui fonde en dernière instance l’ordre symbolique, est garante de la culture, de l’identité des choses, du monde ; en retour il n’y a pas d’ordre sans une image absolue qui établisse la fiction identitaire du rapport de soi à soi, celle d’une première division… En ce qui concerne Schlier, le code réside pour lui dans de multiples signes visuels qu’il retient, dont il s’empare. Comme beaucoup d’artistes, du reste, il a le sentiment que le monde est fait de conventions, est traversé par des langages :

« L’éclectisme formel et technique est une investigation des conventions de la peinture. Je tends à l’anonymat, à me couler dans ma peinture, plutôt qu’à me singulariser. » (S. 92)

Dans ses premières œuvres, il mêlait des mots, des bribes de phrases à ses images, parfois en renversant les lettres :

« C’est toujours la même préoccupation que j’ai de faire cohabiter deux conventions graphiques, deux degrés de réalisme différents, la confrontation de la bidimensionnalité des lettres, des pictogrammes et de la figure. » (S. 89)

Non pas un mais plusieurs langages se laissent entendre – comme une polyphonie : langage du dessin, inscriptions de phylactères, signes emblématiques d’une humanité artificieuse, polyglottisme du « nous » français et du fett en provenance de la langue de sa mère, de l’autre côté du Rhin…

« Je préfère parler de mon environnement mental, culturel, esthétique autant d’éléments peut-être extérieurs à l’“idée” d’image, mais qui, eux, m’entourent et me forment. C’est de leur présence et de leur combinaison, que naissent les images. Je peux par exemple parler de mon rapport avec la culture allemande, et j’ai toujours vécu avec la frontière “à portée de la main”. Au-delà de l’anecdote, cette double appartenance a été déterminante pour mon travail. Je m’étonne toujours de constater qu’à l’heure des communications planétaires et du Global Village cent kilomètres suffisent pour changer de culture. Malgré le sempiternel discours sur l’uniformisation planétaire, moi, c’est surtout la multiplicité et la variété du monde qui me sautent aux yeux. Et c’est du particulier que jaillit l’universel. » (S. 92)

C’est en partant de l’imagerie ambiante, en y prélevant des fragments visuels ou langagiers, en les faisant flotter sur le fond préparé de ce qu’il nomme des Icônes, comme il en fait flotter de semblables sur des fonds de liège, bref à partir d’une démarche qui, dans l’art moderne, remonte aux collages cubistes et a fait les choux gras de tous les artistes pop et neo pop, qu’il retrouve un caractère très ancien de l’image, masqué par le discours moderniste ne voyant dans l’art qu’une absence de règle : son rapport à la loi. La présence d’éléments codifiés, la « transcription de la parole dans la peinture », sont là pour rappeler que l’image est inséparable du langage, qu’elle est l’héritière d’une certaine représentation de la loi, qu’il n’y a pas d’image qui ne soit en quelque façon ordonnée au symbolique.

La qualité d’objet, le soin technique apporté à la confection, la récurrence des visages, le nimbe, etc. rapprochent donc à bien des égards la peinture de Daniel Schlier de l’icône traditionnelle. En même temps, nombre de ces traits peuvent être rattachés à la modernité : la matérialité de l’image et, comme on va le voir plus loin, le face à face induit par toute installation, le monochrome, etc. Il est un fait que tout se passe comme si les caractères retenus l’avaient été pour leur ambivalence, constituant un Janus bifrons entre icône et peinture moderne. Ainsi, le cadre peint des fixés sous verre lorgne d’un côté en direction de l’icône, objet symbolique portable, entité fétiche, et de l’autre en direction de la modernité à l’œuvre chez les néo-impressionnistes qui, comme Signac ou Seurat, poursuivaient la peinture au-delà de la toile. Il en est de même du problème du langage et du symbolique. Les inscriptions rappellent les phylactères de la peinture primitive, tout en participant d’une logique moderne du fragment. Du point de vue pragmatique on parlera d’un côté du pouvoir de l’image traditionnelle, et de l’autre du caractère performatif de l’œuvre contemporaine. La même ambivalence est dans l’« allégorie » : « Depuis, mon répertoire s’est étoffé et je suis passé du constat à des propositions plus complexes, plus allégoriques. » (S. 92)

Ce mot résume bien le double registre déployé, le numéro insensé d’équilibriste entre icône et modernité auquel il nous est donné d’assister. La distance qui sépare l’acception patristique de l’allégorie (le sens déposé par Dieu, dans la Bible et par le monde) de sa résurgence sous la plume d’un Craig Owen à la recherche d’un criterium du postmodernisme artistique (« an attitude as well as a technique, a perception as well as a procedure [12] ») n’est sans doute franchie que grâce à la malléabilité de la notion, pour ne pas dire son flou. Comme les artistes commentés par Owens, Schlier, on l’a vu, prélève des fragments, des ruines erratiques, dans des corpus codifiés. Ce qu’il rappelle cependant, en jouant de l’analogie de ses images avec l’art ancestral de l’icône, c’est l’origine théologique de l’allégorie, de l’image palimpseste qui a toujours un sens en dessous. C’est cet « en dessous » qui rebondit, on va le voir, dans la prise en charge de ce problème, intrinsèque à l’icône, par une pratique qui appartient à une autre tradition culturelle : celle de la peinture en tant qu’art séparé du tronc théologique.

La peinture

4. Dans sa formule condensée la plus répandue, qui consiste en une tête, deux yeux, un regard fixe, l’icône nous fait face. En dépit de ce qu’elles regardent « à droite, à gauche », il en est ainsi des Cinquante têtes… Or, curieusement, ce « faire face » peut être homologué à un autre, celui du mur, du « pan de peinture », pour employer le terme que Georges Didi-Huberman reprend à Proust, du monochrome si l’on veut. Schlier projette notamment, dans ses œuvres sur fond de liège, un tel « effet de pan [13] » :

« Pour les lièges surtout, il y a effectivement une surenchère qui va en devant, vers le regardeur. En allemand, il y a un terme très approprié pour les lièges ; c’est “dumpf” [mat, sourd], ça n’a aucune résonance. Un manque de résonance surtout très concret, car la vision est “opaque” et reste à la surface de la peinture avec ses effets de matière. D’où la sensation que la peinture est face à vous. Le liège n’autorise aucune transparence, aucune vision “au-delà”. » (S. 92)

Il a senti, me semble-t-il, l’interchangeabilité de l’image-icône et de l’image-monochrome quant au « faire face », en réalisant lui-même, vers 1987, quelques monochromes. D’ailleurs, les fonds de ses icônes si soigneusement préparés ne constituent-il pas déjà des monochromes ? Une telle équivalence avait été mise en scène à Baden Baden par les organisateurs de l’exposition d’icônes russes déjà citée, qui l’avaient programmée en même temps qu’une exposition des œuvres de l’artiste allemand Günter Umberg. Ces dernières, étranges rectangles d’apparence noire, opaques et mats, au pouvoir d’absorption jamais démenti, espèces de monochromes, faisaient face au visiteur – tout autant que les icônes – de toute la puissance de leur être-là, impeccables et énigmatiques ; elles provoquaient son interrogation, et y répondaient par un imperturbable silence. (Umberg lui-même, en déclarant considérer la peinture non seulement par rapport à sa valeur d’objet, mais aussi « par rapport au vis-à-vis très spécifique qu’elle [lui] offre [14] », avait pu induire le rapprochement.) Ce n’était pas la première fois du reste qu’un tel rapprochement entre le monochrome et l’image religieuse était fait, que le « pan  » de la peinture « non objective » était identifié à celui de l’icône, par une sorte de coup de force contre la vulgate moderniste – l’œuvre de Malévitch, par exemple, ayant souvent été sollicitée en ce sens.

5. À partir du moment où l’on se place du côté de la peinture, et non plus des références moyenâgeuses à l’icône, l’incarnation prend un autre sens.

« L’art ne s’appréhende pas que mentalement… la peinture ne rentre pas que par les yeux… Elle fait également un bruit, elle a une odeur. Évidemment, tout ceci est virtuel, mais c’est bien de cela qu’il s’agit, en art… non ? » (S. 92)

D’une peinture qui se regarde, Schlier soutient donc le paradoxe qu’elle s’adresse également aux autres sens. Il file la métaphore de la peinture être de chair, corps vivant :

« La peinture appelle aussi une confrontation, elle la demande. L’emploi de matériaux autres que la seule peinture – je veux dire la peinture “des tubes” – est justement une façon de revitaliser la peinture, de l’éprouver. » (S. 92)

Dans la série des Souffleurs (1989), par exemple, des fixés sous verre dont l’espace central, vide, est limité latéralement par les profils de deux têtes, il va jusqu’à figurer le lieu d’une communication pneumatique. L’anthropomorphisme qui a été noté à propos des Têtes s’étend à toutes les œuvres de l’artiste. La peinture est non seulement une entité mettant en scène la structure du regard – figurant un visage, installée à hauteur d’œil, positionnée en face du regardeur, etc. – mais aussi, un être doté de cette vie chère à tous les Pygmalions. Si la « peinture incarnée » – celle que recherche éperdument le Frenhofer de la nouvelle de Balzac – a la consistance de la chair, alors elle en a tous les attributs, à commencer par ce mouvement interne des humeurs qui fait communiquer surface et profondeur [15].

Les masques d’adhésif, déjà mentionnés, dont il est fait usage pour délimiter certains contours, permettent de déposer des couches dessus ou dessous. Le doigt qui étale en mélangeant les couleurs induit pareillement une certaine épaisseur de la matière picturale. Ces effets de pigments en transit dans la mince pellicule de peinture donnent à celle-ci la vibration d’une surface vivante, l’épaisseur d’une peau. Cet effet de chair, certes non directement figuré (à l’inverse de ce qui se passe pour la femme peinte par Frenhofer), confère à l’incarnation une signification proprement picturale. Avec l’incarnation, Schlier joue, si l’on peut dire, de façon éhontée sur deux tableaux : celui de l’icône et celui de la peinture.

6. Pas de « pan » sans incarnation, pas de surface sans une profondeur qui vient la contredire : telle est la dialectique. Il faut donc que quelque chose troue le mur, le traverse.

« Ce que j’aime, ce sont des œuvres qui agissent comme des trous dans le mur, qui “aspirent” en elles l’environnement. Le format est pour moi second. Ce n’est pas la quantité de la peinture, mais sa qualité, qui investit l’espace et oblige le regard à s’attarder, à “trouver son temps”.
« C’est par cette qualité que la peinture passe de la représentation à l’incarnation. » (S. 92)

En envisageant dans la peinture la coexistence de ce qui vient en avant et de ce qui en troue la surface, Schlier s’installe au cœur de la dialectique picturale. Il en revisite à sa manière le lieu commun : la dualité surface versus profondeur. Or, ces deux pôles, du point de vue du désir, n’ont pas la même fonction, la surface étant ce qui arrête le désir de profondeur (d’effraction ?), plus ou moins inassouvi. Le désir impose ici son ordre. Il distribue les genres, les matériaux – le liège qui arrête, le cuivre qui réfléchit, le verre qui ouvrirait sur un arrière fond, etc. –, et même conduit le peintre insatisfait à poursuivre sa recherche de profondeur ailleurs que dans la peinture. Les moulages de fonte d’aluminium de l’intérieur de congres concrétisent cette recherche picturale exorbitante.

« Peindre, c’est aller au-delà de l’apparence, c’est aller voir “ce qu’il y a derrière”. Les moulages s’inscrivent dans la logique de la peinture, dans la mesure où il y est aussi question de dévoilement. Il s’agit plus précisément de porter au regard ce qui lui est inaccessible. On perçoit d’abord une abstraction, puis l’œil reconstitue la forme organique de l’intérieur du poisson. » (S. 92)

L’horreur d’une telle œuvre apparaît pleinement lorsqu’on la rapproche du supplice infligé par les incas aux conquistadors à qui ils faisaient boire de l’or en fusion. Un tel moulage de formes intérieures improbables réalisé avec le métal précieux a fasciné Hubert Duprat, artiste préoccupé d’épaisseur, d’enveloppe, de scalpel ouvrant, de figuration de strates et de tranches. C’est lui qui a transmis à Daniel Schlier la copie d’une gravure du supplice en question. L’intérieur de poisson moulé en offre une version tolérable. Il n’en est pas moins l’effet de cette « imagination inventive qui prévoit une perspective cachée, une perspective des ténèbres intérieures », dont parle Bachelard – que j’ai déjà eu l’occasion de citer à propos de Duprat [16]. Une fascination analogue émane des planches d’encyclopédies médicales que Schlier affectionne. Son goût en la matière n’a pas pour objet la seule ressource bien connue d’imagerie anecdotique ; il laisse entendre les accents morbides du désir de connaissance. « J’aime savoir comment ça marche dedans » (S. 97), dit Schlier, qui rappelle volontiers qu’étudiant aux beaux-arts de Strasbourg, il suivit un cours d’anatomie délivré par un professeur de médecine. Le triomphe du sens haptique, du désir d’atteindre dans la peinture la chair de l’objet, est dans la destruction du motif, de l’objet fétiche. L’intérieur de congre moulé, en outrepassant la peinture, fait symptôme ; il dévoile le caractère excessif du désir qui l’anime, son indescriptible fond. Quand Freud, en rêve, examine la bouche d’Irma et y découvre une tâche blanche et des cornets couverts d’escarres, il fait, commente Lacan, une horrible découverte, « celle de la chair qu’on ne voit jamais, le fond des choses, l’envers de la face, du visage, les secrétats par excellence, la chair dont tout sort, au plus profond même du mystère, la chair en tant qu’elle est souffrante, qu’elle est informe, que sa forme par soi-même est quelque chose qui provoque l’angoisse. [17] » Les sculptures de l’intérieur de congres indiquent une telle direction, celle où se rencontrent ces « choses traumatiques » que Schlier dit vouloir peindre dans les fixés sous verre.

« […] les fixés sous verre “disent” la fragilité, le traumatisme, la couleur stridente. Ils les disent parce que le verre et les peintures sont physiquement fragiles, mais aussi parce que je ne peux pas – pour l’heure – imaginer de peindre dans cette technique autre chose que des choses traumatiques. » (S. 92)

Voir jusqu’aux entrailles, tel est le trauma, semble-t-il. Schlier commet à ce sujet un lapsus en donnant pour titre Maternités à une série de fixés sous verres figurant en écorché une femme avec un enfant dans le ventre, qui sont donc à proprement parler des grossesses ! le trouble porte sur la désignation de l’unité matricielle. Les personnages de la série des Têtes qu’un même nimbe unit figurent pareillement un état d’indistinction du sujet ; en portant greffés des signes-objets ou des signes-animaux, comme on a une araignée au plafond, ils indiquent combien le fantasme de fusion unitaire peut confiner à la folie.

L’identification morbide, l’anéantissement du motif que Didi-Huberman détecte chez Frenhofer dans le devenir marbre de la chair peinte, une telle pétrification pointe chez Schlier dans les étranges volumes géométriques qui supportent les têtes de mort des Vanités. Dans la série D’après nature [18], les trois dessins : La Pluie, Le Nuage et L’Oiseau, comportent tous un tel olni, un objet lithique non identifié dont l’allure de pierre tombale est frappante. Schlier, d’ailleurs, y a disposé deux crânes, identiques à ceux qui hantent ses Natures mortes récentes – images sans doute des deux crânes bien réels, de la fin du dix-huitième siècle, qui trônent chez lui. Si l’on ajoute à cela la « fragilité du verre », métaphore classique de celle de la vie dans la tradition des vanités, on mesure à quel point le thème de la mort transite d’une registre à l’autre : entre représentation directe (le crâne), transcription figurée (la pétrification) et métaphore matérialisée (le verre).

7. Les planches médicales, déjà citées, nous rappelaient que le désir de voir en profondeur charrie avec lui la mort potentielle du sujet observé. À de telles images se rattachent le scalpel scrutateur, toute la thématique du geste charcutier qui soulève la pellicule extérieure, passe par derrière, par dessous, fouille dans les entrailles. La façon dont Daniel Schlier peint les fixés sous verre est à cet égard éloquente. Il peint derrière la surface du verre offerte à l’œil. La plupart du temps, il ne voit donc pas l’effet de ce qu’il fait pendant qu’il le fait. Pour les parties moins mécaniques, où il a besoin d’un plus grand contrôle d’exécution, il procède cependant différemment : tout en regardant l’avers, il peint en passant la main derrière, comme s’il agissait par dessous la surface. La profondeur ici n’est pas dans l’exégèse, toujours a posteriori, mais dans la genèse, une genèse inversée, le proplasme, les premières touches apposées étant ce qui demeurera le plus visible. L’ordonnancement des couches, des dessous et dessus de la peinture s’en trouve inversé. Il s’agirait là de l’entreprise extravagante d’une peinture qui serait faite par dessous. « Peindre, c’est aller au-delà de l’apparence, c’est aller voir “ce qu’il y a derrière”. » (S. 92)
De telles considérations font accroire non seulement que le peintre connaît clairement les dessous de la peinture, qu’il agit du côté de la profondeur, qu’il la touche du bout de son pinceau, mais encore qu’il est doté d’ubiquité, à la fois devant et derrière la peinture.

Or, pour rendre compte de sa position, Schlier ne se sert pas de l’image du charcutier, que j’ai extrapolée, mais de celle du théâtre. À propos des œuvres sur fond de liège, par exemple, ses notations ont trait à une relation spectaculaire – elles sont « face à vous », dit-il – clairement identifiée à celle de la scène théâtrale : « En quelque sorte comme un décor théâtral où tout est fait pour occulter les coulisses. » (S. 92)

Quand il a voulu faire des Têtes plus grandes que celles de la série des Cinquante têtes…, il les a dénommées Têtes mélo, en raison du comique de la situation dans laquelle il s’est trouvé en tant que peintre,  « ne cessant de passer devant et derrière la rampe, d’être tour à tour acteur et metteur en scène » (S. 97).

Ce rapprochement avec la scène théâtrale donne à la profondeur le sens d’une manipulation. Schlier parle de « fabrique ». À partir du moment où les coulisses se montrent quelque peu, le drame perdrait du pathétique, de la croyance qui lui est attachée. Le peintre aurait donc découvert les dessous de l’affaire. La conclusion serait une sorte de désillusion.

Schlier cependant dit bien que « cela n’empêche pas les cantiques ». Qu’est-ce à dire ? Quand il passe derrière le verre, pour peindre, il est à nouveau devant une surface qu’il recouvre. Le dessous n’a été que déplacé ; le rapport entre surface et profondeur subsiste. Il fait là l’expérience d’une division absolue. Le verre dont il avoue qu’il le dédouble (acteur et metteur en scène) matérialise dans cette situation la barre de division du sujet peintre. Interdisant toute appréhension tactile de la peinture qu’il protège et retranche, il figure, pourrait on dire, l’interdit qui structure le désir haptique du peintre. On trouve, soit dit en passant, un équivalent d’une telle surface marquant la limite d’un interdit dans l’iconostase, cette cloison recouverte d’icônes qui sépare l’officiant des fidèles dans le rite orthodoxe. (Le Mur d’icônes installé par Schlier en 1991, à la galerie Jean-François Dumont, à Bordeaux, était pareillement percé d’une porte au-delà de laquelle on accédait au cœur de l’exposition.) De la même façon que le cœur du temple peut ne renfermer que du vide, il n’y a derrière le verre, quand le peintre passe de l’autre sôté, rien d’autre à nouveau que lui-même face à du verre. Comme l’initié qui accède à un savoir déceptif (l’éternel retour, le néant, la mort de Dieu…), le peintre accède aux mystères de la peinture – son savoir ne portant pas sur les dessous de celle-ci, mais bien sur l’illusion nécessaire de leur existence. En mettant en scène dans les fixés sous verre la barre d’une division absolue, il situe son entreprise en référence au troisième terme, tout autre, qui instaure celle-ci. Pas de peinture sans profondeur ; pas de rapports entre les dessus et dessous de la peinture sans la barre de division. Le verre met en scène ce troisième terme, ce « tout autre ». Il le traduit en termes topologiques, quand l’image-icône le situait dans une hétérotopie absolue. Tel est me, semble-t-il, le lien profond que Daniel Schlier établit, par delà les époques et les genres, entre peinture et icône. Quand, tout en matérialisant dans le fixé sous verre l’interdit dont se structure le désir de peindre, il rapproche la peinture de l’icône, il leste la première de toute son archéologie.

Notes

[1]. Fenêtre jaune cadmium – ou les dessous de la peinture, Paris, Le Seuil, 1984, p. 37.

[2]. Références des déclarations de Daniel Schlier citées :
S.89 : « Propos condensés d’un entretien entre Daniel Schlier, Mitja Tusek, Nathalie Ergino et Olivier Chupin », in catalogue DanielSchlier Mitja Tusek,Angoulème, FRAC Poitou-Charentes, 1989.
S.92 : « Entretien entre Daniel Schlier et Didier Arnaudet », in catalogue Daniel Schlier, Quimper, Le Quartier, 1992.
S.97 : Diverses communications orales faites à l’auteur, Strasbourg, 1996-97.

[3]. Galerie Jean-François Dumont, Bordeaux, 1989.

[4]. Kunsthalle, Baden-Baden, 1991.

[5]. Pour un bref résumé d’histoire et de théologie de l’icône, cf. Egon Sendler, L’icône, Image de l’invisible, Paris, Desclée de Brouwer, 1981, p. 13-49.

[6]. Baudelaire, Le Spleen de Paris, xlvi, Perte d’auréole. Cité par Walter Benjamin, « Sur quelques thèmes baudelairiens », Œuvres ; t. 2. Poésie et Révolution, Paris, Denoël, 1971, p. 273.

[7]. Respectivement pistolet mitrailleur de l’armée israélienne (arme idéale de gerrillero) et fusil automatique de la manufacture d’armes de Saint-Étienne en usage dans l’armée française.

[8]. L’art et l’illusion, Paris, Gallimard, 1971, p. 147.

[9]. André Grabar, Les voies de la création en iconographie chrétienne, Paris, Flammarion, 1979.

[10]. Idem., L’Empereur dans l’art byzantin, Paris, Les Belles Lettres, 1936.

[11]. Cf. notamment Dieu au miroir – Étude sur l’institution des images, Paris, Fayard, 1994.

[12]. Une attitude autant qu’une technique, une perception autant qu’une procédure. Craig Owens, « The Allegorical Impulse : Toward a Theory of Postmodernism », October n° 12, Cambridge, MIT Press, printemps 1980, p. 68. Owens soutient que l’allégorie aurait été méconnue par la théorie moderne. Ce n’est pas vraiment exact. Friedrich Schlegel, par exemple conserve à l’allégorie un sens générique et ne l’oppose pas comme les autres romantiques au symbole : « Toute allégorie signifie Dieu, et on ne peut parler de Dieu qu’allégoriquement ». Goethe, lui, ne voit dans l’allégorie que le sens fabriqué, intentionnel, rationnel et conventionnel ; c’est la reléguer au rang de l’emblème. (Cf. Tzvetan Todorov, Théorie du symbole, Paris, Le Seuil, 1977, p. 179-260.) Owens, après Benjamin, ressuscite certes l’allégorie comme puissance artistique. Mais en la situant du côté de ce qui est intentionnel, il reprend la distorsion introduite par Goethe.

[13]. La peinture incarnée, Paris, Minuit, 1983, p. 43 sq.

[14]. G.ünter Umberg, « À mon avis […] », in dossier de presse de l’exposition Devant et derrière la lumière, Mouans-Sartoux, Espace de l’art concret, 1996.

[15]. Cf. Georges Didi-Huberman, op. cit., p. 20 sq. Tout l’ouvrage est un commentaire du Chef d’œuvre inconnu de Balzac.

[16]. Cf. mon « La Phrygane, la merveille et le monument », in catalogue Hubert Duprat, Paris, Hôtel des arts, 1991, p. 13-20.

[17]. Le Séminaire livre II [1954-55], Paris, Le Seuil, 1978, p. 186. Cité par Georges Didi-Huberman, op. cit. p. 146. Pour le rêve d’Irma, cf. la traduction de Meyerson de la Traumdeutung (Paris, PUF, 1967, p. 98).

[18]. Reproduite dans le livre d’artiste de même titre, Nantes, École régionale des beaux-arts, 1997.